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II. Modifications cellulaires et moléculaires au cours du remodelage cardiaque

II. 6) Molécules cardioprotectrices Rôle de l’apeline

En 1993, APJ, récepteur à sept domaines transmembranaires couplé aux protéines G, a été découvert par O’Dowd et coll. (O'Dowd et al., 1993). Il partage 31% d’identité de séquence protéique avec le récepteur de type 1 des angiotensines (AT1) mais ne fixe cependant pas spécifiquement l’angiotensine II. En 1998, le peptide apeline est isolé d’extraits d’estomac de bœuf et identifié comme ligand endogène du récepteur APJ (Tatemoto et al., 1998). Il est synthétisé sous forme d'un prépropeptide de 77 résidus d'acides aminés clivé en isoformes de 36, 19, 17, 16 ou 13 résidus (He et al., 2015). L’apeline-13 détient la plus forte affinité avec le récepteur APJ et c'est aussi l’isopeptide prédominant dans le cœur humain et le plasma (Dalzell et al., 2015). Des études ont montré que le système apeline/APJ se retrouve également dans d’autres tissus tels que le tissu adipeux, les tumeurs, les poumons et le cerveau (G. Barnes et al., 2010; He et al., 2015). Son rôle est bien documenté dans le système cardiovasculaire. L’apeline est exprimée entre autres dans les cellules endothéliales vasculaires de l’endocarde, dans les artères coronaires épicardiques et dans les petites artères coronaires intramyocardiques. Bien qu’APJ soit présent dans les cellules endothéliales vasculaires et dans les cellules musculaires lisses vasculaires, l’endothélium semble être la source prédominante de la synthèse d’apeline dans le système vasculaire (Dalzell et al., 2015).

Les niveaux d’apeline immunoréactive sont 200 fois plus élevés dans l’atrium que dans le ventricule gauche chez l’homme, suggérant que l’apeline est produite principalement dans l’atrium (Foldes et al., 2003). Cependant les peptides retrouvés dans cette partie du cœur sont essentiellement de poids moléculaires supérieurs à celui de l’apeline-36. Les niveaux de cette protéine dans l’atrium diminuent en IC alors que ceux de l’ARNm sont similaires. L’ARNm de l’apeline et l’apeline immunoréactive dans le ventricule gauche sont, quant à eux, augmentés dans des patients en IC. Le niveau plasmatique des peptides semble corréler à ceux de l’atrium, suggérant que celui-ci est la source de l’apeline plasmatique mais ceci reste à confirmer. En ce qui concerne le récepteur APJ, son niveau reste stable dans le ventricule gauche mais est plus faible dans l’atrium, chez les patients en IC. Ces résultats suggèrent que l’apeline et son récepteur peuvent contribuer à la pathophysiologie de l’IC chez l’homme.

Plusieurs études sur différents modèles animaux ont permis de mieux déterminer les rôles de l’apeline dans les pathologies cardiovasculaires. Elle régule la survie des cellules, l’hypertrophie, la dilatation, la contractilité, l’inflammation, la fibrose, l’angiogenèse, la vasodilatation, la vasoconstriction et le stress oxydatif.

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En 2002, Szokodi et son équipe ont été les premiers à montrer l’importance physiologique de l’apeline. En effet, la perfusion de la protéine recombinante induit un puissant effet inotrope dans des cœurs isolés de rat (Szokodi et al., 2002). Une étude in vivo a confirmé cette fonction dans des cœurs de rats normaux ou en insuffisance cardiaque. Le traitement avec l’apeline restaure la position du récepteur APJ au niveau de la membrane et relance le mécanisme de contractilité myocardique (Berry et al., 2004). Chez la souris, le peptide apeline réduit la pré-charge et la post-charge du ventricule gauche et augmente la réserve contractile sans évidence d’hypertrophie (Ashley et al., 2005).

Après invalidation du gène apeline, des souris transgéniques affichent une dilatation progressive du ventricule gauche et une dysfonction systolique à 6 mois. Après une surcharge de pression, la perte d’apeline n’affecte pas la réponse hypertrophique mais diminue la fonction contractile et augmente le diamètre du ventricule gauche plus fortement que chez les souris non mutées (Kuba et al., 2007).

Dans un modèle d’ischémie-reperfusion, l’apeline atténue la mort cellulaire et le stress oxydatif en diminuant la production de ROS (espèces oxygénées réactives). Elle stimule l’expression d’eNOS (endothelial nitric oxide synthase), diminue la pression de perfusion et supprime la production de superoxide dans les cardiomyocytes (X. J. Zeng et al., 2009). L’apeline retarde l’ouverture du pore de transition de perméabilité mitochondriale, qui cause la perte de l’intégrité de la membrane et une diminution de la production d’énergie. Elle préserve la structure cellulaire et réduit les dommages myocardiques (Simpkin et al., 2007).

Foussal et coll. ont montré également que le traitement chronique par l'apeline atténue l’hypertrophie du ventricule gauche induite par une surcharge de pression. Ceci est associé à une augmentation de l’activité de la catalase et une diminution du stress oxydatif (Foussal et al., 2010). Dans ce même modèle, Pchejetski et coll. ont mis en évidence une atténuation du développement du remodelage fibrotique cardiaque et de la production de collagène par l’apeline, à travers l’inhibition de la sphingosine kinase 1 et le ralentissement de la différenciation des fibroblastes en myofibroblastes induite pas le TNF-α (Pchejetski et al., 2012).

En 2012, une étude administrant l’apeline-13 chez des rats en IC avancée a montré une amélioration de la fonction cardiaque et du remodelage, une diminution du stress oxydatif, une régulation de la voie Akt/eNOS, et une restauration de l’expression de apeline/APJ (Koguchi et al., 2012).

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D’autre part, l’apeline a montré son caractère cardioprotecteur chez les souris obèses en atténuant l’hypertrophie cardiaque ainsi que la dysfonction contractile et en restaurant les niveaux protéiques de SERCA2a et du phospholambane (Ceylan-Isik et al., 2013). Dans un modèle d’ischémie-reperfusion associé à un régime gras, ce peptide permet de réduire la mort cellulaire, la taille de l’infarctus et l’inflammation en empêchant la translocation nucléaire du facteur de transcription FOXO3 impliqué dans l’apoptose, la survie cellulaire et le stress oxydatif (Boal et al., 2015).

Enfin, la surexpression de l’apeline dans des cellules de la moelle osseuse améliore le recrutement de ces cellules et accélère la réparation du cœur après infarctus via la régulation de la Sirtuine 3 (L. Li et al., 2013). Cette histone désacétylase, qui contribue à une protection contre le stress oxydatif, agit par ailleurs sur FOXO3 (Tseng et al., 2013).

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