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V. Thérapies géniques combinées

V. 4) Des alternatives aux IRES pour des vecteurs multicistroniques

Les vecteurs avec des IRES ne sont pas la seule approche pour co-exprimer plusieurs gènes sous le contrôle d’un seul promoteur. La première alternative est la fusion de gènes. Cela a été utilisé avec succès pour combiner l’angiostatine et l’endostatine dans le traitement du mélanome, et des cancers de la tête et du cou (Scappaticci et al., 2001; Tysome et al., 2011) (Tableau 4). Cette technique a l’avantage d’être simple, puisqu’elle ne nécessite pas d’inclure des séquences intermédiaires. Mais les inconvénients sont la possibilité de perdre ou réduire l’activité d’une ou des protéines fusionnées, et la difficulté rencontrée lorsque les protéines doivent agir dans des compartiments différents.

Une deuxième alternative est l’utilisation de l’épissage alternatif. Une telle approche a été proposée, il y a déjà plusieurs années, avec des vecteurs rétroviraux, en utilisant la caractéristique naturelle d’épissage alternatif du génome des rétrovirus (Cepko et al., 1984; Korman et al., 1987). Plus récemment, ce concept a été utilisé pour co-exprimer deux chaînes immunoglobulines (Fallot et al., 2009). L’intérêt de ce système est la possibilité d’adapter le ratio des deux transgènes en mutant les sites d’épissage. Cependant, une des limites de ce système est que l’efficacité du site d’épissage et par conséquent le ratio des deux protéines d’intérêt est influencé par la présence d’exons activateurs ou inhibiteurs de l’épissage dans les séquences des transgènes. En d’autres termes, avec un même site d’épissage, si les gènes changent, le ratio sera également différent. Cela empêche donc la conception de vecteurs avec un ratio stable applicable à la co-expression de n’importe quelle paire de protéines thérapeutiques.

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Un troisième système très intéressant est fourni par les peptides 2A. Parmi eux, se trouvent le F2A dérivé du foot-and-mouth disease virus, l’E2A (equine rhinitis A virus), le P2A (porcine teschovirus-1) et le T2A (thosea asigna virus). Leurs séquences comprennent entre 18 et 24 acides aminés. Contrairement à ce qu’il a longtemps été admis, les peptides 2A ne catalysent pas le clivage des protéines, mais ils catalysent la terminaison de la traduction en absence de codon stop, suivi par une réinitiation. Ils sont couramment utilisés comme outils pour co- exprimer deux protéines séparées, ou plus, à partir d’un seul ORF (open reading frame) (de Felipe et al., 2006). Les peptides 2A constituent donc une alternative aux IRES ; leur taille est petite en comparaison, ce qui permet la conception de vecteurs viraux avec plusieurs gènes d’intérêt. Ainsi, les peptides P2A, T2A et F2A ont été utilisés pour construire une cassette exprimant quatre facteurs de transcription (FOXA3, GATA4, HNF1a et HNF4a) (Song et al., 2016) (Tableau 4). Cette cassette insérée dans un lentivecteur a permis la conversion de myofibroblastes murins en cellules avec un phénotype d’hépatocytes in vitro. Cette même cassette a ensuite été intégrée dans un vecteur adénoviral favorisant alors la conversion in vivo des myofibroblastes pro-fibrogènes en cellules de type hépatocytes réduisant ainsi la fibrose hépatique. De même, un lentivecteur exprimant les gènes GATA4, MEF2C et TBX5 séparés par des peptides 2A a été injecté chez des rats ayant subi un infarctus du myocarde (Mathison et al., 2014). Ce vecteur tricistronique a permis d’améliorer la fonction ventriculaire, et ce, plus efficacement que les trois vecteurs exprimant chacun un des gènes thérapeutiques (Tableau 4).

Cependant, les peptides 2A ne fonctionnent pas dans tous les systèmes. Par exemple, dans l’étude sur les neurones de Purkinje mentionnée ci-dessus, un peptide 2A a été utilisé mais n’a pas fonctionné, ce qui a engendré un plus long ORF plutôt que les deux protéines attendues (Bosch et al., 2014). Dans un autre rapport comparant les constructions bicistroniques exprimant Sox9 et EGFP séparés par l’IRES d’EMCV ou le peptide F2A, les auteurs ont détecté 42% de protéines fusionnées, reflétant une inefficacité du mécanisme permettant le saut du ribosome (Chan et al., 2011). La formation de telles protéines de fusion a souvent lieu avec des protéines porteuses de séquence signal N-terminale (de Felipe et al., 2010). Une étude récente a comparé l’efficacité des quatre peptides 2A pour cliver deux protéines, et aucun d’entre eux ne permet 100% de clivage (Chng et al., 2015). Ils ont montré également que l’ajout d’une séquence linker GSG en amont favorise l’efficacité sans pour autant atteindre un clivage complet.

De plus, aucune information n’est disponible quant à la tissu-spécificité des peptides 2A, ou au comportement en réponse à un stress, contrairement aux IRES.

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Beaucoup d’études ont montré que la thérapie génique combinée est une approche attractive dans les modèles animaux. Cette observation a justifié des recherches extensives sur l’optimisation de vecteurs capables d’exprimer plusieurs protéines. Dans le contexte des pathologies cardiovasculaires ischémiques, les vecteurs à IRES montrent un réel potentiel pour générer des bénéfices thérapeutiques et sans effet néfaste. En plus d’être capables de co-exprimer plusieurs molécules thérapeutiques, les IRES permettent des effets synergiques à plus faible dose. De par leur tissu-spécificité et leur activation en réponse au stress, ils amènent de prometteuses perspectives dans l’amélioration des vecteurs, ce qui peut améliorer l’efficacité de la thérapie génique.

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Objectifs

En dépit des avancées considérables dans les traitements pharmacologiques et chirurgicaux de l'ischémie critique des membres inférieurs et de l'insuffisance cardiaque ischémique, ces pathologies demeurent un problème majeur de santé publique. La thérapie génique angiogénique est apparue comme une approche attractive pour restaurer la perfusion du tissu ischémique alors que le transfert de gènes non angiogéniques permet de rétablir la fonction contractile cardiaque. Cependant la thérapie génique utilisant un seul gène thérapeutique a produit jusque là des résultats modestes en clinique; la thérapie combinée apparaît alors comme une stratégie plus prometteuse. L'efficacité de la thérapie génique nécessite des vecteurs de transfert de gènes optimisés, notamment pour fonctionner dans des conditions de stress.

L'objectif de ma thèse a été de développer des vecteurs multicistroniques pour une thérapie combinée en utilisant l’IRES de FGF1, connu pour sa forte activité dans le muscle, et d'appliquer ces vecteurs à deux pathologies, l'ischémie du membre et l'ischémie myocardiques.

La première partie de mes travaux a tout d’abord reposé sur l’étude de la régulation de cet IRES au cours de la différenciation myoblastique et sur l’identification d’ITAF et de leur rôle dans ce processus.

Dans un deuxième volet, j’ai étudié le rôle du transfert d’une cassette bicistronique exprimant FGF2 et Cyr61, séparé de l’IRES de FGF1 sur la revascularisation après ischémie critique du membre inférieur, dans des souris BALB/c caractérisées pour leur sensibilité à l’ischémie associée à une faible capacité à reperfuser le membre ischémique. Dans le but de comparer l’expression du transgène à court et long terme, la cassette bicistronique a été transférée dans un vecteur AAV. Le potentiel thérapeutique de ce vecteur viral a été analysé à différents temps d’injection, avant ou après chirurgie pour démontrer l’importance du moment de l’administration du traitement.

La troisième étape, qui est le cœur de ma thèse, a été de développer une série de lentivecteurs mono-, bi- et tricistroniques exprimant des facteurs pro-angiogéniques et cardioprotecteurs séparés de l’IRES de FGF1 : apeline, FGF2 et SERCA2a. J’ai étudié l’activité de l’IRES de FGF1 dans le cœur de souris en insuffisance cardiaque ischémique après infarctus du myocarde, puis l’effet des vecteurs thérapeutiques exprimant apeline, FGF2 et/ou SERCA2a sur l’angiogenèse in vitro et in vivo, la fonction cardiaque, et le remodelage.

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Finalement, face aux effets bénéfiques sur le remodelage post-ischémique de la thérapie cellulaire à partir de cellules souches mésenchymateuses, et à l’importance d’un pré- conditionnement de ces cellules et de leur effet paracrine, j’ai cherché à combiner la thérapie cellulaire avec la thérapie génique, c'est à dire à réaliser une thérapie génique ex vivo avec des cellules souches mésenchymateuses transduites par des lentivecteurs porteurs de différentes combinaisons des gènes apeline, FGF2 et Cyr61, trois protéines pro- angiogéniques sécrétées. L’injection de ces cellules modifiées génétiquement pourrait permettre d’augmenter leur survie dans un environnement hypoxique et de stimuler leur pouvoir pro-angiogénique dans le but de traiter l’insuffisance cardiaque et l’ischémie critique du membre inférieur chez le rat.

L’objectif à moyen et long terme de ce travail de thèse serait d’injecter le vecteur viral optimal ou les CSM modifiées dans le myocarde ou dans le muscle squelettique dans des modèles de plus gros animaux, dans la perspective d'élaborer un essai clinique pour une des deux pathologies concernées (ischémie myocardique ou du membre) en collaboration avec des cardiologues et des chirurgiens vasculaires de l’hôpital de Rangueil.

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Résultats

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