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5. Facteurs pronostiques

5.4. Moléculaires et cellulaires

5.4.1. Phénotype MSI

Le CCR répond à 2 grandes voies métaboliques : la voie de l’instabilité

chromosomique (CIN, 75 à 85% des CCR) et la voie de l’instabilité des séquences microsatellites (MSI, 15 à 20% des CCR). Parmi ces derniers, la plupart sont de phénotype MSI-L et se localisent plutôt dans le côlon proximal, avec une mucosécrétion abondante, un stroma riche en lymphocytes souvent disposés en follicules. Ils sont fréquemment multiples et, en dépit de leur multiplicité et de leur indifférenciation, ont un pronostic meilleur que les tumeurs sans instabilité génomique (108-110). Cependant, bien que les tumeurs MSI soient de meilleur pronostic, elles semblent être plus résistantes aux traitements chimiothérapiques à base de 5-fluoro-uracile (111-115).

5.4.2. Mutations LOH18q et p53

La perte de matériel génétique sur le bras long du chromosome 18 a été rapportée dans

plus de 70% des CCR (116). Le gène DCC qui se situe en 18q21 est reconnu comme un

acteur clé dans la carcinogenèse colorectale. Les patients atteints de CCR ont démontré un pronostic significativement moins bon lorsqu’il y avait une perte allélique en 18q (117-120).

Le gène p53 localisé en 17p13 code une protéine intervenant dans la régulation de la

prolifération cellulaire, de la différenciation, de la réparation des lésions de l’ADN et dans l’apoptose. P53 influence la phase d’initiation, puis de progression du processus néoplasique dans les tumeurs solides et en particulier dans les cancers colorectaux (cf. chapitre II-2). Bien que de nombreuses études aient montré que le gène p53 était fréquemment muté dans les cancers colorectaux (50 à 70 % des cas), la signification pronostique du statut p53 demeure un sujet très controversé. De nombreuses études montrent que p53 a une valeur pronostique péjorative indépendante, d’autres en font un critère évolutif péjoratif dépendant du stade et d’autres enfin ne l’associe pas à un mauvais pronostic (121).

5.4.3. Immunité tumorale

L’impact du pronostic des lymphocytes intra-tumoraux (TILs) et de la réponse immunitaire contre la tumeur est de plus en plus reconnue (122). Baker et collaborateurs ont récemment démontré sur plus de 1000 CCR que l’accroissement du nombre de TILs était étroitement relié aux stades précoces de la tumeur, et à l’amélioration de la survie chez les patients de phénotype MSI-S (123). Les lymphocytes CD8+ intra-tumoraux expriment des médiateurs cytotoxiques, ce qui rend compte du meilleur pronostic de ces tumeurs (124, 125). Cependant, cette association positive avec le pronostic n’est pas généralisable aux tumeurs de phénotype MSI qui ont elles-mêmes une colonisation abondante naturelle par des TILs (126). Le rôle de la réponse immune adaptative dans le CCR a été également exploré par Galon et

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33 collaborateurs, dont les résultats soulignent l’importante valeur pronostique du type, de la

densité et de la localisation des cellules immunitaires, indépendamment de la classification TNM (127).

5.4.4. Albumine sérique

L’albumine est une protéine plasmatique secrétée par les hépatocytes. Elle représente la fraction la plus importante (55%) des protéines du plasma sanguin chez l’homme, son taux plasmatique est d’environ 40 g/L. La mesure de l’albumine sérique fait partie des tests de la fonction hépatique et est effectuée chez la plupart des patients avant le diagnostic de cancer ou tout programme thérapeutique. Un taux bas d’albumine sérique est un indicateur vital et un facteur de pronostic du CCR (128-130). Le taux d’albumine est classiquement employé comme marqueur biologique pour évaluer le statut nutritionnel des patients. L’hypo-albuminémie est associée avec la présence d’une réponse systémique inflammatoire, d’une perte de poids et du volume métastatique (131, 132). L’explication possible de l’impact pronostic de l’albumine réside d’une part, dans son association avec la cachexie qui est un facteur de risque de complications postopératoires et donc de diminution de la survie, et, d’autre part, dans la réponse systémique inflammatoire à laquelle elle est associée (128, 130).

5.4.5. ACE ou CEACAM5

L’ACE (Antigène Carcino-Embryonnaire) ou CEACAM5 (carcinoembronic antigen

cell adhesion molecule 5) est une glycoprotéine de haut poids moléculaire (200 kDa) décrite pour la première fois par Gold et Freedman en 1965 (133). Elle appartient à la famille des CEACAM, glycoprotéines de membranes jouant un rôle clé dans les phénomènes biologiques d’adhésion cellulaire, d’immunité et d’apoptose (134, 135). L’ACE est synthétisé par le fœtus durant les premiers mois de la gestation. Il est présent à la surface de l'intestin grêle, du colon,

du rectum, du pancréas, du poumon et du sein. Des variations physiologiques sont observées avec le sexe, avec l'âge (concentration plus élevée chez le sujet âgé) et avec la grossesse (concentration élevée au cours des deux premiers trimestres).

Le taux d’ACE sérique est associé à de nombreuses pathologies tumorales et n’est pas spécifique du CCR. Cependant, un taux d’ACE préopératoire élevé est un facteur de mauvais pronostic chez un patient présentant un CCR, en relation avec l’augmentation du volume tumoral et le risque métastatique qui lui est associé (128, 136-140). L’analyse de l’expression tissulaire de l’ACE n’est quasiment pas employée en pratique quotidienne dans l’évaluation pronostique du CCR. Une seule étude a évalué ce critère et retrouvait une valeur pronostique supérieure à l’ACE sanguin, mais ces données nécessitent d’être confirmées par d’autres études (141).

5.4.6. CEACAM6

CEACAM6 appartient à la même famille de molécules que l’ACE. Moins connu et moins étudié car de découverte plus récente, CEACAM6 reprend cependant beaucoup des propriétés et caractéristiques de l’ACE : localisé à la partie apicale des entérocytes tout au long du développement y compris fœtal, il intervient dans les mécanismes d’adhésion, d’invasion et de migration cellulaire (142).

CEACAM6 est surexprimé dans de nombreux cancers dont le CCR, avec une spécificité meilleur que l’ACE pour ce cancer (134, 143-145). Cependant, son dosage sérique n’est pas utilisé en pratique courante et ce n’est qu’à l’échelle tissulaire que son expression est évaluée actuellement. C’est un facteur pronostique indépendant plus fort que l’ACE lorsque ces 2 marqueurs sont comparés dans les mêmes populations (146).

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35 5.4.7. Protéine C-réactive (CRP)

Il s’agit d’une protéine de l’inflammation synthétisée par les hépatocytes sous l’action

de l’interleukine 6 et du TNF-α (147). Son rôle est d’activer le système du complément, et de

stimuler l’opsonisation et la phagocytose. Sa demi-vie sérique de 20 heures et sa grande sensibilité en font un marqueur biologique utilisé couramment en pratique clinique courante pour la mesure de la phase aiguë de la réaction inflammatoire.

Il a été démontré qu’une élévation de la CRP était un facteur de mauvais pronostic chez les patients atteints de CCR (60, 61, 148-153). Il est tout à fait concevable que l’existence d’une réaction inflammatoire tumorale puisse jouer un rôle péjoratif dans le pronostic du CCR, étant donné que l’IL 6 – qui stimule la synthèse de la CRP – peut agir comme facteur de croissance tumorale (154). De plus, il semble évident d’après des études basées sur des grandes populations que même une augmentation peu importante de la concentration sérique en CRP est associée avec un risque augmenté de maladies cardiovasculaires et donc affecte le pronostic du CCR indépendamment du phénotype tumoral (63-65).