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Microbiote et hôte : une inflammation constitutive physiologique

1. La flore microbienne intestinale chez l’homme

1.4. Microbiote et hôte : une inflammation constitutive physiologique

Le système immunitaire du tube digestif a acquis la capacité de différentier les pathogènes nuisibles des micro-organismes commensaux. Ces derniers ne possèdent pas de facteurs de virulence et évoluent le plus souvent à distance des entérocytes protégés par le film de mucine (237). En revanche, les micro-organismes pathogènes possèdent un arsenal de facteurs d’adhésion et d’invasion qui leur permet d’entrer en contact avec les entérocytes voire même de pénétrer dans l’épithélium. Il faut un système immunitaire dynamique mais permissif qui puisse ajuster la réponse immunitaire en fonction du degré de danger : les bactéries commensales sont tolérées par une « inflammation constitutive physiologique de bas grade » alors que les pathogènes induisent une réaction immunitaire intense destinée à provoquer leur élimination. Le premier des acteurs de ce système immunitaire est l’épithélium intestinal qui évalue la proximité et la densité des micro-organismes résidents (238). La perception de micro-organismes se fait par l’intermédiaire des récepteurs appelés PRR pour pattern recognition receptors qui reconnaissent spécifiquement des ligands

macromoléculaires bactériens appelés MAMP (« microbial-associated molecular patterns »).

Les PRRs incluent 2 types de récepteurs : les Nod-like receptors (NLRs) et les Toll-like receptors (TLRs). Les NLRs ont le rôle de vigiles au niveau du compartiment intracellulaire. Ils sont recrutés soit par des MAMP dont l’entrée fait intervenir des protéines de transport situées sur le pôle apical de la cellule (tels hPepT1 ou OCTN2), soit par les bactéries elles mêmes lors de leur entrée dans la cellule. Les TLRs sont des récepteurs transmembranaires surtout exprimés au niveau baso-latéral. Ils sont impliqués dans la sécrétion de cytokines et

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66 dans l’immunité cellulaire (fig.29). L’activation de ces PRRs induit l’activation des voies

MAPK et NF-κB.

La distribution spatiale des PRRs permet aux entérocytes de différencier les microorganismes commensaux des pathogènes (239). Les antigènes bactériens du compartiment luminal activent les NLRs cytoplasmiques. La réponse aux MAMPs

commensaux induit un signal de tolérance immunitaire via le transforming growth factor β

(TGF-β), la thymic stromal lymphopoietin (TSLP) et les prostaglandines E2. Ces médiateurs

anti-inflammatoires concourent à établir une réponse immunitaire physiologique de bas grade dirigée contre le microbiote intestinal. Parallèlement, en réponse à ces antigènes commensaux, l’épithélium intestinal exprime de multiples effecteurs anti-microbiens comme

les peptides antimicrobiens (α-defensines), des espèces réactives oxygénées (ROS pour

reactive oxygen species ) et le mucus intestinal (240). L’action concertée de ces composants protecteurs aide au maintien d’un « no man’s land » stérile immédiatement adjacent à l’épithélium de surface. A l’opposé, les microorganismes pathogènes établissent un contact direct avec les entérocytes et pénètrent fréquemment l’épithélium intestinal. Cela provoque une réaction intense des NLRs et des TLR qui engendre la biosynthèse d’effecteurs antimicrobiens, de cytokines et chimiokines inflammatoires dont le tumor necrosis

factor-alpha (TNF-α), l’interferon-γ (IFN-γ), l’IL-6, l’IL-8 et l’IL-23, qui provoquent une réaction

inflammatoire majeure (241).

Les micro-organismes symbiotiques possèdent par ailleurs des propriétés visant à faire avorter la reconnaissance immunitaire et supprimer la réponse de l’hôte. Ainsi, ils modulent activement le système immunitaire de l’hôte et participent au maintien d’une balance homéostasique avec l’hôte (238). Les bactéries commensales sont capables d’inhiber

l’inflammation en ciblant NF-κB, un médiateur clé de la réponse inflammatoire dans

épithéliales. La perception des micro-organismes se fait par l’intermédiaire des récepteurs appelés PRR (pattern recognition receptors) qui reconnaissent spécifiquement des ligands macromoléculaires bactériens appelés MAMP (microbial-associated molecular patterns). Les PRRs incluent 2 types de récepteurs : les Nod-like receptors (NLRs) et les Toll-like receptors (TLRs). Les NLRs ont le rôle de vigiles au niveau du compartiment intracellulaire. Ils sont recrutés soit par des MAMP dont l’entrée fait intervenir des protéines

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67 et en provoquant sa sortie du noyau, empêche la transcription de gènes pro-inflammatoires

(242). Lactobacillus casei induit une sous-expression de composants du protéasome, protége

ainsi le facteur IκB de sa dégradation et maintient donc NF-κB dans un état inactif (243). De

même, plusieurs espèces du microbiote intestinal humain, tels L. plantarum, Bifidobacterium

breve, et Fecalibacterium prausnitzii sont capables de diminuer la réponse pro-inflammatoire

des entérocytes en produisant des métabolites qui ciblent la voie NF-κB (244-246).

Un élément de décision clé entre tolérance et réponse inflammatoire est le contexte dans lequel les antigènes microbiens sont présentés au système immunitaire gastro-intestinal adaptatif (247). Le tissu lymphoïde associé au tube digestif appelé GALT pour « gut-associated lymphoid tissue » est organisé en structures discrètes appelées plaques de Peyer et follicules lymphoïdes isolés. Ces éléments du système immunitaire sont associés à des cellules de l’épithélium spécialisées, les cellules M. Grâce à leur machinerie endocytique, ces cellules, transportent continuellement les antigènes microbiens de la lumière intestinale vers le tissu lymphoïde muqueux sous-jacent, où des cellules dendritiques présentent l’antigène à des cellules naïves B et aux lymphocytes T CD4. Lorsque des signaux de tolérance sont induits par les microorganismes symbiotiques, les cellules dendritiques sont maintenues dans un état quiescent. Quand ces cellules présentent l’antigène à des lymphocytes T CD4 naïfs, elles entraînent leur différenciation en sous populations régulatrices : les lymphocytes T CD4 Treg et les lymphocytes pro-inflammatoires, T CD4 helper (TH1, TH2 et TH17). Les

lymphocytes Treg induisent un état de tolérance vis-à-vis des bactéries commensales par

inhibition de la réponse inflammatoire, et cela grâce à la biosynthèse de cytokines

anti-inflammatoires telles l’interleukine IL-10 et le TGF-β (248). De façon simultanée, la

présentation d’antigènes du microbiote aux cellules B sous le contrôle de TGF-β induit leur

différenciation en cellules sécrétrices d’IgA. Les IgA sécrétoires spécifiques sont synthétisées et se fixent sur la couche de mucus qui couvre l’épithélium de surface. En empêchant

l’adhésion de microorganismes et en neutralisant les toxines, les IgA exercent un rôle important dans l’homéostasie entre microorganismes symbiotiques et l’hôte, et aide à cantonner les microorganismes dans la lumière intestinale. En revanche, dans un contexte de réponse pro-inflammatoire induite par la reconnaissance de pathogènes par l’entérocyte, les cellules dendritiques provoquent la différenciation exclusive des cellules effectrices TH1 et TH17 qui induisent une forte réponse inflammatoire contre les micro-organismes invasifs (241).