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SECTION III-LIMITES FINANCIÈRES DU FINANCEMENT OBLIGATAIRE

B- MOINDRE EFFET DISTORSIF DE LA DETTE PUBLIQUE PAR RAPPORT AU

Pour ce deuxième avantage de l’endettement public sur le financement fiscal, on ne fait que

reprendre toutes les explications émises dans le chapitre précédent mais en prolongeant

l’analyse pour traiter les effets de ces modes de financement sur la croissance économique (dans le chapitre précédent, on s’arrêtait à l’analyse des impacts sur la situation financière de l’État). Ainsi, en plus de l’effet positif qu’il peut exercer sur la croissance économique, le financement obligataire se distingue également du financement fiscal en ce sens qu’il s’agit d’un mode de financement exogène395. Autrement dit, même si l’endettement public peut

avoir des effets négatifs, ou plus précisément des effets distorsifs, ces derniers seront moins

importants qu’avec le financement fiscal. Le financement par endettement fait supporter au

pays une charge fiscale éventuelle moins pesante car il ne constitue pas une ponction directe et immédiate sur les revenus des agents économiques. D’une part, le financement obligataire est issu du désir de placements de certains agents économiques qui cherchent à fructifier leur

épargne. Il s’agit de ce fait d’une participation volontaire au financement de l’État, ce qui fait qu’il est loin de faire partie de la contrainte budgétaire des agents économiques. D’autre part,

comme il est démontré dans la section précédente, si le remboursement de la dette publique se fait par une révision à la hausse des prélèvements obligatoires, la charge fiscale induite par cette hausse constituera moins de fardeau que si le Gouvernement augmente directement les prélèvements obligatoires. Cette charge fiscale éventuelle sera, en effet, étalée sur plusieurs

périodes. Les agents économiques n’auront, de ce fait, pas d’incitation à modifier leur comportement de consommation ou d’investissement, et même s’ils le font, ce sera de manière marginale, ce qui fait que l’impact négatif potentiel de la dette publique sur la

croissance économique est faible.

En somme, l’effet récessif de la dette publique sur la croissance économique est plus faible

par rapport à celui des prélèvements obligatoires grâce à la faiblesse de son effet distorsif.

Autrement dit, on peut supposer que l’effet économique négatif du financement obligataire

395 A titre de rappel, la dette publique est un financement supposé exogène car elle émane généralement de

prêteurs extérieurs (institutions financières internationales, fonds d’investissements étrangers, fonds souverains étrangers, entre autres) et même lorsqu’elle est le fait de prêteurs domestiques, on peut la considérer comme exogène compte-tenu du fait qu’elle n’est pas contrainte mais est basée sur la volonté des prêteurs à participer dans le financement de l’État tout en espérant fructifier leurs placements. Pour le seigneuriage, il s’agit d’un financement exogène car il est injecté dans l’économie par les autorités monétaires, lesquelles sont de plus en plus indépendantes actuellement.

159 (EEbt-) sur la croissance économique est inférieur à l’effet économique négatif du

financement fiscal (EEpt-), soit :

(EEbt-) < (EEpt-)

On peut faire une estimation de cet effet économique négatif de la dette publique (EEbt-) par

la même méthodologie utilisée pour déterminer son effet financier négatif (EFbt-) du chapitre

précédent. Pour ce faire, il suffit d’utiliser l’expression suivante :

-(rt) : le taux d’intérêt de la dette publique ;

-(Mt) sa maturité de la dette publique.

Autrement dit, il s’agit de se baser sur l’effet économique négatif des prélèvements obligatoires et d’y inclure la dimension maturité (Mt) pour tenir compte du fait que le remboursement sur plusieurs périodes de la dette publique permet d’atténuer son impact sur la

dynamique économique.

Ainsi, tout comme pour l’analyse de l’impact de la dette publique sur la santé financière de l’État, on devrait s’attendre à un impact sur la croissance économique de moindre importance dans les différents pays de la Commission de l’Océan Indien. On peut se référer au graphique

de la page suivante pour montrer l’effet économique négatif de la dette publique (EEbt-) et l’effet économique négatif des prélèvements obligatoires (EEpt-)396

396 Il convient de rappeler que l’effet économique négatif des prélèvements obligatoires correspond, par hypothèse, au multiplicateur fiscal, mesuré préalablement.

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Graphique 19-Effets économiques négatifs du financement fiscal et du financement obligataire dans les pays de la COI (moyenne de la période 1980-2012)

Source : calculs de l’auteur, à partir de différentes bases de données (FMI, WDI, Eurostat, Afristat)

Ainsi, en termes d’impacts sur la croissance économique, le financement obligataire semble, également, avoir moins d’effets négatifs que le financement fiscal dans les pays de la Commission de l’Océan Indien. En effet, une lecture rapide du graphique permet de constater que la hausse des prélèvements obligatoires est plus néfaste que le recours à l’endettement

public dans les cinq pays. Ce graphique donne l’impact d’une variation des deux modes de financement sur la croissance économique et il faut faire attention quant à son interprétation.

En effet, il est un peu différent de l’analyse en termes d’élasticité selon laquelle une variation de 1% d’une variable donnée entraine une variation de ( t)% pour l’autre variable étudiée. La

lecture de ce graphique doit se faire comme suit : si la dette publique ou les prélèvements

obligatoires varient d’un certain montant (x), la variation induite de la croissance économique

est égal à (x) multiplié par (EEtb-) ou (EEpt-) selon le cas. A titre d’illustration, si les prélèvements obligatoires (en termes de charge et non de recettes) en France augmentent de

un milliard d’euros, la croissance économique enregistrera une baisse de 540 millions d’euros contre uniquement 350 millions d’euros s’il s’agissait de la dette publique, ce qui aurait

permis de ne pas perdre 190 millions sur le PIB. La situation est similaire pour les autres pays

car l’effet négatif de la dette publique sur la croissance économique y est moins important que

celui des prélèvements obligatoires.

En résumé, le financement obligataire semble être un choix plus judicieux que le financement

fiscal en matière d’impact sur la croissance économique. Il convient de ce fait de se demander 0,55 0,54 2,09 0,63 2,47 0,31 0,35 0,78 0,33 0,83 0,24 0,19 1,31 0,30 1,64 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0

Comores France Madagascar Maurice Seychelles EEp- EEb- Ecart

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si la situation est la même lorsqu’on considère le cas du financement monétaire. Ainsi, l’objet de la prochaine section serait d’étudier les raisons pour lesquelles le seigneuriage peut ne pas

être préférable à la dette publique pour couvrir le déficit public.

SECTION II-ÉTUDE COMPARATIVE ENTRE FINANCEMENT MONÉTAIRE ET FINANCEMENT OBLIGATAIRE FACE AUX IMPÉRATIFS ÉCONOMIQUES

Dans cette section, on étudiera dans un premier temps, les limites économiques du seigneuriage (I) avant de mettre en exergue les avantages potentiels que le financement obligataire présente pour surmonter ces limites du financement monétaire (II).

I-LIMITES ÉCONOMIQUES DU FINANCEMENT MONÉTAIRE

Pour répondre à la question de savoir si le seigneuriage est un mode de financement adéquat du déficit public, on reviendra sur ses différents effets sur la croissance économique (§A)

avant de voir les conditions qui s’y appliquent si le Gouvernement envisage toujours de l’utiliser, ce qui amène à l’étude de l’optimalité économique du financement monétaire (§B),

pour terminer sur une proposition de mesure pour le seigneuriage optimal du fait de son impact sur la performance économique du pays (§C).