Proposition 11.1 Un sous-module d’un module libre de rang fini sur un anneau prin-cipal est libre.
Il suffit de montrer qu’un sous-module M de An est libre.
On fait une r´ecurrence sur n. Si n= 1, un sous-module de A est un id´eal. Il est de la formeaA. Si a= 0, c’est le module nul, libre de rang 0. Sia#= 0, l’´el´ementaest une base et aAest libre de rang 1.
Si n >1, on consid`ere la derni`ere projection p:An→A, d´efinie par p(a1, ..., an) =an.
On remarque que kerp = An−1. Si p(M) = 0, alors M ⊂ An−1 et on conclut par r´ecurrence. Sinon, p(M) =aAavec a#= 0. Soient alors
e∈M tel quep(e) =a etN =M∩kerp⊂kerp=An−1.
Comme N est libre, par hypoth`ese de r´ecurrence, il suffit de montrer M =N ⊕Ae (car Aeest ´evidemment libre de rang 1).
Soit x = be ∈ N ∩Ae. On a 0 = p(x) = bp(e) = ba, donc b = 0 et x = 0, ce qui prouve N∩Ae= (0).
Montrons M =N+Ae. Soitz∈M. Il existeb∈Atel quep(z) =ba. Ceci implique p(z−be) = 0, doncz−be∈N etz= (z−be) +be∈N +Ae.
Corollaire 11.2 Un module de type fini sans torsion sur un anneau principal est libre.
Soit r le rang du A-module sans torsion M (l’anneau A est principal). Soient x1, ..., xr ∈ M des ´el´ements lin´eairement ind´ependants. Le A-module M/("
Axi) est de torsion et de type fini. Il existe donc a ∈ A tel que a(M/("
Axi) = 0, soit aM ⊂ "
Axi. Comme "
Axi = ⊕Axi est un A-module libre, il en r´esulte que aM est libre. Mais, comme M est sans torsion, l’homomorphisme M → aM, d´efini par x→axest ´evidemment un isomorphisme, donc M est libre.
Corollaire 11.3 Soient A un anneau principal et L un A-module libre de type fini.
Soient (fi) une base de L et x ="
αifi ∈ L un ´el´ement #= 0. Les conditions suivantes sont ´equivalentes
1) Il existe un sous-module libre L" de L tel que L =Ax⊕L" (autrement dit x fait partie d’une base de L).
2) x fait partie d’une base deL
3) x /∈aLpour tout ´el´ement irr´eductible a∈A.
4) "
αiA=A (autrement dit le pgcd des ´el´ementsαi est1.
1)⇒2)
Soit (x2, ..., xt) une base de L". Il est clair que tout ´el´ement z ∈ L a une unique d´ecomposition z =ax+a2x2+...+atxt, donc (x, x2, ..., xt) est une base de L (ce qui implique ´evidemment t=n−1).
2)⇒3)
Soit donc (x, x2, ..., xn) une base de L. Supposons x =ay, avec y =αx+"n 2αixi. On a alors x=aαx+"n
2aαixi, ce qui prouveaα = 1 (et aαi = 0), donc a n’a pas de facteurs irr´eductibles.
3)⇒4)
Si les ´el´ements αi ne sont pas de pgcd 1, ils ont un diviseur irr´eductoble communa.
Ceci impliquex=a"(αi/a)fi ∈L.
4)⇒1)
Consid´erons une relation "
αiβi = 1 et l’homomorphisme h : L → A d´efini par h(fi) = βi. On a h(x) = 1. Montrons que L = Ax⊕kerh. Soit z ∈ L et h(z) = b.
On a z = bx+ (z−bx). Comme h(z−bx) = 0, on a montr´e z ∈ Ax+ kerh, donc L=Ax+ kerh. Enfin siαx∈Ax∩kerh, on a 0 = h(αx) = α, ce qui montre bien que la somme est directe, donc L=Ax⊕kerh. Comme kerhest libre, on a montr´e 1).
Voici enfin le r´esultat principal de cette section (le Th´eor`eme de la base adapt´ee).
Th´eor`eme 11.4 Soient L un module libre de rang n sur un anneau principal et F un sous-module de L, de rang k.
Il existe une suite d´ecroissante d’id´eaux non nuls a1A ⊇ .... ⊇ akA et une base (e1, ..., en) deL telles que (a1e1, ..., akek) est une base de F.
La suite a1A⊇...⊇akA est uniquement d´etermin´ee par F ⊂L.
Nous faisons une r´ecurrence surn. Sin= 1, commeL+A, on peut supposerL=A.
Dans ce cas F est un id´eal de A. Si F = (0), on a k= 0,. Si F #= (0), c’est un id´eal non nul aA, en particulier un module libre de rang 1, de basea..
Si n > 1, consid´erons L∗ l’ensemble des homomorphismes L → A. Il est utile et important de remarquer ici queL∗ est muni d’une structure naturelle de A-module. En effet, f, g ∈ L∗ et a, b ∈ A, l’homomorphisme af +bg : L → A est bien d´efini par (af+bg)(x) =af(x) +bg(x). La structure deA-module est alors non ambigue.
Si g ∈ L∗, il est clair que g(F) est un id´eal de A. Comme A est principal, donc noeth´erien, il existeg∈L∗ tel queg(F) est maximal dans l’ensemble des id´eaux de cette forme, autrement dit sig" ∈L∗ etg(F)⊂g"(F), alorsg(F) =g"(F). Posons g(F) =aA et soitx∈F un ´el´ement tel queg(x) =a.
Soit (l1, ..., ln) une base deLet soitx="
bili la d´ecomposition dexdans cette base.
Sibest le pgcddesbi, on ax=be, o`u on a pos´ee="(bi/b)li. Montrons que aA=bA.
Commea=g(x) =bg(e), on voit queb divisea.
Montrons que a diviseb. Remarquons qu’il existe une d´ecomposition L =Ae⊕L". En effet e= "(bi/b)li o`u les ´el´ements (bi/b) sont de pgcd 1 (on applique le corollaire pr´ec´edent).
On peut alors consid´erer la projection p : L → Ae + A, de noyau L". On a
´evidemmentp(x) =p(be) =b. Soitdle pgcd deaetb. Il existe une relationd=αa+βb.
On en d´eduit
(αg+βp)(x) =αg(x) +βp(x) =αa+βb=d.
Comme
aA⊂dA⊂(αg+βp)(F),
il r´esulte du caract`ere maximal deaA=g(F) queaA=dA= (αg+βp)(F), donc quea diviseb.
On a bien montr´e que p(F) =aA=dA=bA.
Montrons que F =Aae⊕(F∩L"). Il suffit de montrer que F =Aae+ (F∩L") (la somme est ´evidemment directe).
Si z∈F, on ap(z)∈aA et
z= (p(z)/a)ae+ (z−(p(z)/a)ae)∈Aae+ (F∩L")
Posons F" =L"∩F. Comme L" est de rangn−1 et F" de rang k−1, il existe, par hypoth`ese de r´ecurrence, une base (e2, ..., en) de L" et une suite d´ecroissante d’id´eaux non nulsa2A⊇....⊇akA telles que (a2e2, ..., akek) est une base deF".
Posons e1 =e et a1 = a. Il est clair que (a1e1, a2e2, ..., akek) est une base de F. Il nous reste `a montrer que a1 divisea2. Pour cela, consid´erons dans la base (e1, ..., en) les projections pi :L→ Aei +A. On a p1(a1e1+a2e2) = a1 et p2(a1e1+a2e2) =a2. Si c est le pgcd de a1 eta2, il existe une relationc=ηa1+θa2. On a alors
(ηp1+θp2)(a1e1+a2e2) =ηp1(a1e1+a2e2) +θp2(a1e1+a2e2) =ηa1+θa2 =c.
Il reste
g(F) =aA⊂cA⊂(ηp1+θp2)(F), doncg(F) =aA=cA= (ηp1+θp2)(F).
Ceci prouve que a1A= aA= cA, donc que a1 est un pgcd de a1 et a2, c’est `a dire quea1 divisea2..
L’existence annonc´ee dans le th´eor`eme est d´emontr´ee.
Pour d´emontrer l’unicit´e, nous ´etudierons le module de torsionT(L/F) deL/F. Proposition 11.5 Soient Lun module libre de rang nsur un anneau principal etF un sous-module de L de rang k.
Soient a1A ⊇ ....⊇ akA une suite d´ecroissante d’id´eaux non nuls et (e1, ..., en) une base de L telles que (a1e1, ..., akek) est une base deF.
Si T =T(L/F) est le module de torsion de L/F, on aT + ⊕k1A/aiA.
Consid´erons l’application classe cl : L → L/F. Comme l’image d’un syst`eme de g´en´erateurs est un syst`eme de g´en´erateurs, on a L/F = "n
1Acl(ei). Les ´equivalences qui suivent se passent de commentaires.
(n 1
αicl(ei) = 0⇔ (n
1
αiei ∈F ⇔αi ∈aiA pouri≤ketαj = 0 pourj > k c’est `a dire
L/F +(⊕k1A/ai1)⊕(⊕nk+1A).
Nous ´enon¸cons maintenant le ”Th´eor`eme de structure des modules de type fini et de torsion sur un anneau principal”, que vous devez ´evidemment comparer au ”Th´eor`eme de structure des groupes commutatifs finis”, en remarquant qu’un groupe commutatif fini n’est rien d’autre qu’un Z-module de type fini et de torsion. L’unicit´e qu’il nous reste `a d´emontrer se d´eduit imm´ediatement du Th´eor`eme suivant.
Th´eor`eme 11.6 Soient T un module de type fini et de torsion sur un anneau principal A. Il existe une unique suite d´ecroissante A"c1A⊇....⊇ckA d’id´eaux non nuls deA telle que
T + ⊕k1A/ciA
L’existence est d´ej`a d´emontr´ee. En effet, comme T est de type fini, il existenet un homomorphisme An→T.
Soit F ⊂L=An le noyau de cet homomorphisme. Notons queF est aussi de rangn carL/F +T est de torsion, donc de rang 0. Soient (ei) est une base adapt´ee deLetaiA une suite d´ecroissante d’id´eaux telle que (aiei) est une base de F, nous venons de voir que T (qui est son propre module de torsion) admet la d´ecomposition T + ⊕n1A/aiA.
Comme la suite aiA est d´ecroissante, il existe l≥0 tel que aiA #=A⇔ i > l. On pose alorsci=al+i. CommeA/aiA= (0) pouri≤l, on a bienT + ⊕k1A/ciA, aveck=n−l.
Montrons l’unicit´e. Supposons
⊕k1A/aiA+ ⊕l1A/biA,
avec A"b1A⊇....⊇blA. Nous voulons prouverk=l etaiA=biA pour touti. C’est une cons´equence directe du lemme suivant (que vous connaissez bien, mais dont nous rappelons la preuve)
Lemme 11.7 Si Aest un anneau principal et a, b∈Asont des ´el´ements#= 0 de pgcd d, on a
1) a(A/bA) = (aA+bA)/bA=dA/bA+A/(b/d)A, 2) (A/bA)/a(A/bA)+A/dA.
Preuve de 1) : on a a(A/bA) =cl(a)(A/bA) =cl(d)(A/bA, car cl−1(cl(a(A/bA) =aA+bA=dA.
Preuve de 2) : on a (A/bA)/a(A/bA) = (A/bA)/(dA/bA)+A/dA.
Nous pouvons maintenant prouver l’unicit´e annonc´ee par r´ecurrence sur le nombre de facteurs irr´eductibles dea1 (par exemple).
Soit aun facteur irr´eductible dea1 (donc deai pour touti). D’apr`es le lemme, on a (⊕k1A/aiA)/a(⊕k1A/aiA)+ ⊕k1A/aA= (A/aA)k, et
(⊕l1A/biA)/a(⊕l1A/bjA)+ ⊕l1A/(aA+bjA).
CommeA/aA est un corps, il est clair que⊕k1A/aAest un A/aAespace vectoriel de rangk. D’autre part, on sait que
A/(aA+bjA) =A/aA sibj ∈aA,et queA/(aA+bjA) = 0 si (a, bj) = 1.
On a donc
⊕l1A/(aA+bjA) = (A/aA)k
et il en r´esulte que adivisek´el´ements parmi les bj et donc quel≥k).
En proc´edant de fa¸con identique avec un facteur irr´eductibleb de b1, on montre que k≥l. On a donc prouv´e quek=let que a1 etb1 ont les mˆemes facteurs irr´eductibles.
Sia est l’un d’entre eux, posons ai =aa"i et bi =ab"i. En utilisant `a nouveau le Lemme pr´ec´edent, on trouve un isomorphisme
⊕k1A/a"iA=⊕k1A/(ai/a)A+a(⊕k1A/aiA)+a(⊕k1A/biA)+ ⊕k1A/(bi/a)A=⊕k1A/b"iA.
Les suites d’id´eaux a"1A ⊇ .... ⊇ a"k/aA et b"1A ⊇ .... ⊇ b"kA sont d´ecroissantes.
Commea1=aa"1, par hypoth`ese de r´ecurrence, on a
a"iA=b"iA pour touti, doncaiA=biA pour touti.
Exercices 11.8 SoitL un module libre de rang n sur un anneau principalA.
1) Si a ∈ A est un ´el´ement irr´eductible, d´ecrivez, `a isomorphisme pr`es, les sous-modules F de L tels queaL⊂F.
2) Mˆeme question pour les sous-modules F deL tels que a2L⊂F.
3) Si b ∈ A est un ´el´ement irr´eductible tel que aA #= bA, mˆeme question pour les sous-modules F de L tels queabL⊂F.
4) Mˆeme question pour a3L⊂F
Corrig´e des exercices.
1) Consid´erons une base adapt´ee (e1, ..., en) deLpourF et la suiteaiAtelle que (a1e1, ..., akek) est une base deF. Pour touti, on aaei∈F, donc une d´ecompositionaei=Pk
1αiaieiqui impliquea=αiai, autrement dit a∈aiApour toutietk=n. On a donc la suite croissante
aA⊂anA⊂an−1A⊂...⊂a1A⊂A
Commeaest irr´eductible, il existek∈[0, n] tel queaiA=Apouri≤ketaiA=aApouri > k. Il y a donc n+ 1 suites possibles.
2) Dans ce cas, il existe 0≤k≤l≤ntels queaiA=Apouri≤k, puisaiA=aApourk < i≤let enfin aiA=a2Apouri > l. Il y a (n+ 1)(n+ 2)/2 solutions.
3) Dans ce cas la suite des (aiA) aura l’une des deux formes suivantes.
- Il existe 0≤k≤l≤ntels queaiA=Apouri≤k, puisaiA=aApourk < i≤let enfinaiA=abApour i > l.
- Il existe 0≤k < l≤ntels queaiA=Apouri≤k, puisaiA=bApourk < i≤let enfinaiA=baApour i > l. Notez bien qu’ici j’ai prisk < l pour ´eviter une redondance. En effet, sibAn’apparait pas explicitement dans la suite, nous sommes dans un cas d´ej`a d´ecrit.
Il y a (n+ 1)2= (n+ 1)(n+ 2)/2 +n(n+ 1)/2 solutions.
4) Les suites d´ecroissantes d’id´eaux seront de la formeA⊇aA⊇a2A....⊇a3A.
Il existe donc 0≤k≤l≤m≤ntels que
aiA=A pour i≤k, aiA=aA pourk < i≤l, aiA=a2A pour l < i≤m et aiA=a3A pouri > m.
Il me semble qu’il y a (n+ 1)(n+ 2)(n+ 3)/6 solutions.
Si vous avez du courage, d´ecrivez toutes les suites d´ecroissantes possibles pour le cas a2bL⊂F. Si vous en avez plus encore, comptez le nombre de possibilit´es!