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II. Le cancer de la prostate

5. Mécanismes moléculaires impliqués dans la progression du cancer de la prostate en

5.1. Modifications de l’activation du RA

5.1.1. Hypersensibilité du RA aux androgènes

En réponse à une privation androgénique, un des mécanismes utilisés par la cellule est d’augmenter la sensibilité du RA dans un environnement très faible en androgènes. Cette voie est donc dépendante du RA et pas strictement indépendante des androgènes.

30% des tumeurs en échappement présentent une amplification du RA qui n’existe pas dans les tumeurs initiales avant le traitement hormonal (Koivisto et al., 1997; Visakorpi et al., 1995). C’est donc un processus qui entraîne l’androgéno-indépendance de la tumeur suite à la privation androgénique. Néanmoins, ce sont les patients qui répondent bien à l’hormonothérapie initiale (supérieure à douze mois) qui développent ce mécanisme d’amplification, alors que les tumeurs des patients qui ne répondent pas ou qui échappent rapidement ne présentent pas d’amplification du RA (Koivisto et al., 1997). Le taux de survie de ces deniers est d’ailleurs deux fois plus faible que les patients qui ont acquis cette amplification.

De nombreuses publications ont montré que la résistance aux androgènes était corrélée avec la

surexpression du RA dans des modèles de souris castrées et in vitro (Chen et al., 2004; Culig

et al., 1999; Gregory et al., 2001; Hobisch et al., 2000; Shi et al., 2004). Si l’amplification du RA se traduit par une surexpression du RA, l’inverse n’est pas forcément vrai (Culig et al.,

56 1999; Holzbeierlein et al., 2004). Cette surexpression du RA permet d’abaisser le seuil de réponse des cellules aux androgènes et ainsi de stimuler la croissance cellulaire avec des concentrations en androgènes très faibles (Chen et al., 2004; Culig et al., 1999; Gregory et al., 2001; Hobisch et al., 2000).

En plus de la surexpression du RA, Gregory et al. ont montré une augmentation de la

sensibilité du RA dans des lignées cellulaires où la stabilité du RA est augmentée (demi-vie

deux à quatre fois plus longue) et sa localisation est nucléaire et cytoplasmique même en absence de DHT (Gregory et al., 2001).

Un dernier mécanisme d’hypersensibilité aux androgènes peut-être dû à une augmentation de

la production locale en androgènes par les cellules cancéreuses elles-mêmes. En effet il a

été montré que des enzymes de la biosynthèse des stéroïdes sont surexprimées dans les tumeurs récurrentes (Holzbeierlein et al., 2004). Après privation androgénique, le taux de testostérone dans le sérum décroît à 95%, alors que celui de la DHT diminue de 50 à 70% seulement dans la prostate (Labrie et al., 2003; Labrie et al., 1986). De plus, il a été mis en évidence qu’une activité élevée en 5α-réductase de type II dans certains groupes ethniques est corrélée avec un fort taux de cancer prostatique (Makridakis et al., 1997).

5.1.2. Activation du RA par des ligands inhabituels

Le RA sauvage est activé par la testostérone et la DHT seulement mais cette spécificité peut- être élargit à d’autres ligands en cas de mutations. Les mutations du RA sont rares dans les cancers prostatiques localisés mais fréquentes dans les cancers métastatiques androgéno- indépendants (Haapala et al., 2001; Marcelli et al., 2000; Taplin et al., 1999; Taplin et al., 1995). Donc les mutations du RA n’interviennent pas les phases initiatrices du cancer de la prostate mais sont plutôt des évènements tardifs dans la progression du cancer. La majorité des mutations découvertes sont localisées dans le domaine de liaison du ligand du RA qui entraînent des changements de conformation activant la voie de signalisation des androgènes (Haapala et al., 2001; Taplin et al., 1995). Ainsi, le RA muté peut-être activé dans un environnement dépourvu d’androgènes par les anti-androgènes flutamide, bicalutamide et cyprotérone acétate, et par la progestérone et l’œstradiol (Berrevoets et al., 2002; Haapala et al., 2001; Taplin et al., 1995). Taplin et al montrent la corrélation entre le type de traitement administré avant l’échappement hormonal et l’apparition d’une mutation précise (Taplin et al., 1999). Après traitement au BAC avec flutamide, 5 patients sur 16 présentent la mutation sur l’acide aminé 877 alors que sur 17 patients ayant reçus un traitement hormonal sans antagoniste, un seul présente une mutation en position 890. Parmi les mutations sur la position

57 877, 4 sont de type T877A comme précédemment décrite sur la lignée LNCaP et sur des patients ayant un cancer prostatique avancé, et la 5e est de type T877S. Le flutamide agit comme agoniste du RA dans les cellules transfectées avec les RA mutés en 877 (T877A et T877S) alors qu’il exerce une action antagoniste sur le RA sauvage et le RA muté en 890. Cette corrélation a été faite aussi avec le BAC au bicalutamide (Hara et al., 2003). Le traitement hormonal induit une pression de sélection sur les cellules cancéreuses favorisant la sélection clonale des mutants du RA dont la fréquence et la position sont corrélées à l’anti- androgène utilisé. Ces mutations induisent un phénomène observé en clinique sur environ 10% des patients traités à long terme avec un anti-androgène appelé syndrome de retrait des

anti-androgènes (Taplin et al., 2003). Suite au retrait de l’anti-androgène, une régression de

la tumeur est observée pendant quelques mois. 5.1.3. Activation du RA sans ligand

Le RA peut-être activé sans ligand par interaction avec d’autres voies de signalisation intracellulaires.

Certains facteurs de croissance comme IGF-1, KGF et EGF peuvent induire la transcription de gènes régulés par RA en absence d’androgènes (Culig et al., 1994). Cette activation est inhibée par le bicalutamide, suggérant qu’elle fait intervenir le domaine de liaison du ligand du RA. Un des mécanismes possibles proposé par Fan et al est que IGF-1 pourrait inhiber le recrutement du corépresseur Foxo1 sur le RA (Fan et al., 2007). D’autre part, le récepteur à l’IGF (IGF-R1) à activité tyrosine kinase interagit avec la voie de signalisation du RA en modulant sa phosphorylation et donc son activité, induisant sa translocation nucléaire (Wu et al., 2006).

En absence d’androgènes, l’interleukine IL-6 permet aussi l’activation transcriptionnelle du RA, et possède une action synergique en présence d’androgènes (Hobisch et al., 1998; Ueda et al., 2002; Yang et al., 2003). L’effet de l’IL-6 sur la croissance des cellules tumorales est néanmoins controversé. Yang et al ont montré que l’IL-6 module l’activité du RA via différentes voies de signalisation. Ils suggèrent qu’il stimule la transactivation du RA par les voies des MAPK et de STAT3, un facteur de transcription activé par le récepteur à l’IL-6, mais qu’il inhibe l’activation du RA via la voie de PI3K-Akt. De la même façon, la surexpression de l’interleukine IL-4 dans le lignée LNCaP stimule leur croissance dans un milieu dépourvu d’androgènes, et augmente leur sensibilité aux androgènes (Lee et al., 2008). De plus, il a été montré une augmentation de IL-4 et IGF-1 dans le sérum des patients ayant un cancer prostatique récurent (Wise et al., 2000; Wu et al., 2006).

58 Tout comme certains facteurs de croissance et cytokines, HER-2/neu, un membre de la famille des récepteurs à l’EGF a un rôle dans la résistance des cancers de la prostate. Il est surexprimé dans les cancers résistants et les lignées cellulaires androgéno-indépendantes (Craft et al., 1999; Osman et al., 2001; Shi et al., 2004). Sa surexpression dans les lignées hormonosensibles leur confère une androgéno-indépendance in vitro et in vivo dans les souris castrées (Craft et al., 1999). Son action sur la transactivation du RA est synergique avec de faibles concentrations en androgènes mais n’est pas bloquée par le bicalutamide, donc l’activation du RA par HER-2/neu ne passe pas par le domaine de liaison du ligand contrairement aux facteurs de croissance.

Deux voies de signalisation intracellulaire médient l’activation du RA par HER-2/neu : la voie des MAP kinases et Akt (Wen et al., 2000; Yeh et al., 1999; Zhou et al., 2000).

5.1.4. Modification des co-régulateurs du RA

Un grand nombre de coactivateurs et corépresseurs impliqués dans la régulation de l’activité transcriptionnelle du RA a été identifié (Heinlein and Chang, 2002). Des altérations dans la balance entre coactivateurs et corépresseurs peuvent influencer l’activation du RE dans le cancer du sein et ainsi moduler l’efficacité des traitements (Feldman and Feldman, 2001). Concernant le RA, il a été montré que des coactivateurs tels que Cdc25, SRC-1, TIF2 et CBP, sont surexprimés dans les cancers prostatiques avancés et androgéno-indépendants (Comuzzi et al., 2004; Fujimoto et al., 2001; Gregory et al., 2001; Ngan et al., 2003). De plus, la surexpression des co-régulateurs TIF2 et SRC-1 permet l’activation du RA par des androgènes de faible affinité (DHEA, œstradiol, androstenedione, progestérone) et la co- transfection de ARA70 et RA dans la lignée DU145 transforme les anti-androgènes en agonistes (Gregory et al., 2001; Miyamoto et al., 1998). Gregory et al suggèrent que la plupart des cancers prostatiques récurrents surexpriment des coactivateurs qui facilitent la transactivation du RA et potentialisent la réponse aux faibles taux d’androgènes (Gregory et al., 2001). Ainsi, la combinaison de plusieurs mécanismes comme les mutations du RA et la surexpression des coactivateurs, associée à l’hypersensibilité du récepteur, contribuent probablement à l’androgéno-résistance des cancers prostatiques.

Outre les co-régulateurs, les molécules chaperonnes peuvent interagir avec les récepteurs stéroïdes en contribuant soit à leur liaison avec l’hormone, soit à leur interaction sur l’élément de réponse aux hormones des promoteurs des gènes cibles. Les molécules chaperonnes ont aussi un rôle de remodelage de la chromatine via la modification des histones. Récemment, la nucléophosmine, une protéine chaperonne d’histone, a été identifiée comme interagissant

59 avec le RA sur les ARE du gène PSA (Leotoing et al., 2008). La nucléophosmine participe à la régulation des fonctions du RA car son inhibition diminue la transcription de gènes contenant des ARE. Or, la nucléophosmine étant surexprimée dans les tissus prostatiques cancéreux, elle pourrait contribuer à l’altération des fonctions du RA dans le cancer de la prostate (Leotoing et al., 2008; Subong et al., 1999).

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