II. Le cancer de la prostate
2. Evolution naturelle du cancer de la prostate
L’évolution du cancer de la prostate est schématisée dans la figure 14. 2.1. Néoplasie intra-épithéliale prostatique
La néoplasie intra-épithéliale prostatique (PIN) est caractérisée par une prolifération cellulaire au voisinage des canaux et acini prostatiques, présentant des altérations phénotypiques et génétiques proche des cellules cancéreuses (Bostwick et al., 1996). La différence majeure avec les cancers est que l’assise cellulaire basale est conservée. Les PIN sont subdivisés en deux catégories : PIN de bas grade et PIN de haut grade. Les lésions de PIN de haut grade
42 sont considérées comme étant les précurseurs des adénocarcinomes prostatiques, et coexistent avec les cancers dans plus de 85% des cas.
2.2. L’adénocarcinome prostatique
Les cancers prostatiques peuvent être classés suivant le type cellulaire qui est à l’origine de la tumeur : Origine épithéliale :
• Adénocarcinome
• Carcinome à cellules transitionnelles • Tumeur neuroendocrine
Origine stromale :
• Rhabdomyosarcome (plus souvent chez l’enfant de moins de 10 ans) • Léiomyosarcome (plus souvent chez l’adulte après 40 ans)
99% des tumeurs malignes prostatiques sont des adénocarcinomes. Ils se développent aux dépends de l’épithélium sécrétoires des canaux et acini prostatiques et sont dépourvus de couches de cellules basales. Les noyaux des cellules carcinomateuses sont de taille augmentée par rapport aux cellules bénignes et comportent un nucléole proéminent.
L’adénocarcinome prostatique est multicentrique, polymorphe et forme un large spectre de lésions, allant de carcinomes très bien différenciés où les glandes tumorales diffèrent peu des glandes normales, à des carcinomes très peu différenciés ne présentant ni la morphologie, ni les fonctions sécrétoires habituelles. Deux types de classification sont utilisés pour caractériser les tumeurs en fonction de leur état d’avancement, pour préjuger de leur agressivité et ainsi adapter le traitement. Le score de Gleason est basé sur les différents aspects architecturaux de la tumeur dont les caractéristiques sont les suivantes (Gleason and Mellinger, 1974) :
- définir cinq grades architecturaux allant du grade 1, le plus différencié, au grade 5, le moins différencié (figure 15) ;
- prendre en compte les deux grades architecturaux les plus représentés dans la tumeur pour définir le score de Gleason, qui est la somme du premier grade et du second grade.
Le score de Gleason va donc de 2 (tumeurs bien différenciées) à 10 (tumeurs indifférenciées). Une deuxième classification permet de définir le stade du cancer prostatique, c’est la
43 Elle détermine : -l’extension de la tumeur par la lettre T
-l’extension ganglionnaire par la lettre N
-l’extension métastatique par la lettre M
Le système TNM :
• Stade T : Tumeur primitive
-Tx : Tumeur primitive ne pouvant pas être évaluée -T0 : Pas de signe de tumeur primitive
-T1 : Tumeur non palpable, non visible à l’imagerie T1a : < 5% des copeaux
T1b : > 5% des copeaux T1c : découverte par biopsie -T2 : Tumeur limitée à la prostate
T2a : atteinte de moins de 50% d’un lobe T2b : atteinte de plus de 50% d’un lobe T2c : atteinte des deux lobes
-T3 : Extension au-delà de la capsule
T3a : atteinte du tissu extraprostatique T3b : atteinte des vésicules séminales -T4 : Extension aux organes adjacents
• Stade N : Extension ganglionnaire régionale
-Nx : On ne dispose pas des conditions minimales requises pour classer les ganglions lymphatiques régionaux et/ou juxta-régionaux
-N0 : Pas de signes d’envahissement des ganglions lymphatiques régionaux -N1 : Signes d’envahissement des ganglions lymphatiques régionaux • Stade M : Métastase à distance
-Mx : On ne dispose pas des conditions minimales requises pour apprécier la présence de métastases à distance
-M0 : Pas de signes de métastases à distance -M1 : Présence de métastases à distance
44 Le cancer de la prostate est caractérisé par un taux de prolifération lent. Il peut être présent, sous cette forme latente et asymptomatique des années, si bien que de nombreux hommes meurent d’autres causes, avec un cancer prostatique non déclaré. Cette forme initiale du cancer de la prostate est dite histologique et évolue ensuite vers une forme clinique, symptomatique. L’évolution d’un cancer prostatique passe par différents stades de différenciation (bien différenciés à peu différenciés) reflétant son agressivité, et d’extension. Les cellules cancéreuses prostatiques ont un tropisme pour certains organes comme les ganglions lymphatiques (régionaux ou distants), les os (rachis, fémur, bassin, côtes, sternum, crâne et humérus) et dans une moindre mesure dans les viscères (poumon, foie, surrénales et reins). Les cancers métastatiques sont dans un premier temps hormonosensibles.
2.3. L’hormono-indépendance
Suite à un traitement hormonal du cancer métastatique efficace dans 80% des cas sur une période de 18 mois en moyenne, un phénomène d’échappement apparaît alors (Schroder, 1998; Seidenfeld et al., 2000). Il est caractérisé par une reprise évolutive de la maladie, l’élévation du taux de PSA précédant de plusieurs mois la symptomatologie clinique. Les cellules tumorales sont capables de survivre et de se développer en l’absence d’androgènes. Les différentes stratégies cellulaires employées dans ce phénomène d’indépendance aux androgènes sont nombreuses et abordées dans le §5.
2.4. Modifications génétiques et épigénétiques impliqués dans le cancer de la prostate Comme dans les autres cancers, le cancer de la prostate se développe à travers l’accumulation de modifications génétiques somatiques et épigénétiques qui résultent en l’inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs et des gènes de ménage, ainsi que l’activation d’oncogènes, récapitulés dans le tableau 1.
45
Gènes Localisation Notes Suppresseurs de
tumeurs
CDKN1B 12p13.1‐p12 Code pour p27, inhibitrice des CDK (cyclin‐dependent kinase). Un allèle est souvent délété dans les cancers primaires.
NKX3.1 8p21.2 Code pour une protéine à homéobox spécifique de la prostate, qui supprime la croissance des cellules épithéliales prostatiques. Un allèle est souvent délété dans les cancers primaires.
PTEN 10q23.31 Code pour la protéine PTEN qui supprime la prolifération cellulaire et augmente l’apoptose. Un allèle est souvent perdu dans les cancers primaires et des mutations sont retrouvées dans les cancers primaires et métastatiques. TP53 17p13.1 A de nombreuses fonctions suppresseur de tumeurs dont l’arrêt du cycle cellulaire et l’induction de l’apoptose. Les mutations sont fréquentes dans les cancers avancés et réfractaires aux hormones. Oncogènes MYC 8q24 Facteur de transcription qui régule de nombreux gènes impliqués dans la prolifération cellulaire, la sénescence, l’apoptose et le métabolisme. Sa surexpression transforme les cellules. ERG 21q22.3 Nouvel oncogène du cancer de la prostate ETV1‐4 7p21.3 19q13.12 1q21‐23 17q21.31
Codent pour des facteurs de transcription « ETS‐like » 1‐4,proposés comme de nouveaux oncogènes du cancer de la prostate.
AR Xq11‐12 Code pour le récepteur aux androgènes. Amplification ou mutations dans les cancers avancés et réfractaires aux hormones.
Activation de la télomérase
Maintien la fonction des télomères et contribue à l’immortalisation des cellules. Est activée dans la plupart des cancers prostatiques.
Gènes de ménages
GSTP1 11q13 Enzyme de détoxification. Est inactivée dans 90% des cancers par hyperméthylation.
Dysfonctionnemen t des télomères
Extrémités des chromosomes
Contribue à l’instabilité chromosomale. Un raccourcicement des télomères existe dans 90% des PIN et cancers prostatiques. Autres PTGS2, APC, MDR1, EDNRB, RASSF1α, RARβ2 Une hyperméthylation des régions régulatrices existe dans la plupart des cancers primaires et métastatiques.
Tableau 1 - Modifications génétiques somatiques et épigénétiques impliqués dans le cancer de la prostate (d’après (De Marzo et al., 2007).
3. Diagnostic du cancer de la prostate