• Aucun résultat trouvé

III. Les modèles expérimentaux du cancer de la prostate

2. Les modèles animaux

2.1. Les modèles animaux existants

2.1.2. Chez la souris

Naturellement, les souris ne développent pas de pathologie bénigne ou maligne de la prostate. Il a donc fallu créer des souris transgéniques mimant la progression naturelle du cancer de la prostate humain. A présent, deux stratégies de modifications génétiques sont utilisées pour générer ces modèles : la surexpression et l’inhibition de gènes.

75 2.1.2.1.Les modèles murins issus de la surexpression de gènes

Nous évoquerons les modèles de souris dont le gène surexprimé est conduit par un promoteur spécifique à la prostate. Le promoteur du gène de la probasine est souvent utilisé car il est spécifique des cellules épithéliales prostatiques de rat et régulé par les androgènes (Zhang et al., 2000).

Un des premiers modèles créé fut le modèle TRAMP (TRansgenic Adenocarcinoma of the Mouse Prostate) qui exprime les antigènes (T et t) du virus SV40 spécifiquement dans la prostate qui bloquent les voies de signalisation des protéines Rb et p53 (Bostwick et al., 2004; Greenberg et al., 1995; Hill et al., 2005). Les souris présentent une progression de la prostate allant de l’hyperplasie épithéliale au cancer primaire puis aux métastases dans les ganglions lymphatiques et les os. L’histologie des tumeurs est semblable à celle des cancers de prostate humains. Les tumeurs prostatiques de ce modèle sont initialement androgéno-dépendantes mais 70 à 80% des tumeurs deviennent androgéno-indépendantes et peu différenciées après castration. Ce modèle présente néanmoins des limites car les effets de l’antigène viral ne sont pas observés naturellement dans le cancer de prostate humain. Selon la souche de souris utilisée, les tumeurs prostatiques présentent une différenciation neuroendocrine importantes (Chiaverotti et al., 2008).

Dans les modèles suivants, les gènes ciblés sont des gènes dont on sait qu’ils sont surexprimés dans le cancer de la prostate humain.

La surexpression du RA dans les cellules épithéliales prostatiques de souris induit l’apparition avec l’âge (après la première année) de lésions de type PIN de haut grade (Chiaverotti et al., 2008). D’autre part, ce modèle montre que dans les zones histologiques normales, le taux de prolifération des cellules épithéliales prostatiques est élevé mais contrebalancé par un taux d’apoptose élevé lui-aussi.

Certains membres de la famille des FGF semblent être impliqués dans le cancer prostatique. Chez l’homme, il a été montré que le FGF8b a un potentiel tumorigénique important, car sa surexpression dans la lignée LNCaP stimule leur croissance in vitro et in vivo, et inversement avec l’inhibition du FGF8b. De plus, le FGF8b est surexprimé à tous les stades du cancer de la prostate humain : des PIN à l’androgéno-indépendance. La surexpression prostatique de FGF8b chez la souris constitue un modèle intéressant. Il induit dans un premier temps l’apparition d’hyperplasie prostatique très tôt (2-3 mois) puis de lésions PIN de bas grade vers 5-7 mois (Song et al., 2002). Avec l’âge, le % de PIN de bas grade augmente et il apparaît des PIN de haut grade dont certains ont une histologie similaire au carcinome prostatique humain.

76 Le FGF8b est donc un agent mitogène puissant impliqué dans l’initiation et la progression du cancer de la prostate.

Akt est un oncogène impliqué dans la croissance et la survie cellulaire. Dans les cancers

prostatiques où le gène Pten est inactivé, l’activité d’Akt est fortement augmentée. Chez la souris, la surexpression de la forme activée d’Akt dans la prostate ventrale dès 2 jours postnatals résulte en une hyperplasie et des PIN mais pas de carcinome invasif (Majumder et al., 2003). Donc Akt seul n’est pas suffisant à la formation de cancer prostatique.

Le facteur de transcription c-MYC agit généralement comme régulateur positif de la prolifération cellulaire. Comme dans de nombreux cancers, il est surexprimé dans 30% des cancers prostatiques humains. Sa surexpression dans la prostate de souris se traduit par l’apparition de PIN qui évoluent en adénocarcinomes (Ellwood-Yen et al., 2003). Les taux de prolifération et d’apoptose ainsi que l’angiogenèse sont augmentés dans les prostates des souris transgéniques. La formation des PIN est réversible avec la privation androgénique mais pas les adénocarcinomes, car d’autres altérations génétiques sont apparues comme la perte du gène NKX3.1.

Le gène Neu code pour un récepteur de la famille des EGFR qui est impliqué dans la progression des cancers prostatiques vers l’androgéno-indépendance. Les souris transgéniques surexprimant Neu développent des PIN qui progressent en adénocarcinomes invasifs (Li et al., 2006). Ce modèle animal a permis d’analyser par microarrays le profil d’expression de ces prostates afin d’identifier des nouveaux marqueurs et de comprendre la voie de signalisation de Neu dans les cancers androgéno-indépendants. Les auteurs ont pu montrer une augmentation du RA phosphorylé dans ces cancers induit par la surexpression de Neu.

2.1.2.2.Les modèles murins issus de l’inhibition de gènes

La perte de fonction de certains gènes est impliquée dans certains cancers prostatiques humains. L’invalidation de l’expression de gène chez la souris ou Knock-Out (KO), est une approche qui permet d’étudier le rôle du gène dans la tumorigenèse de la prostate.

Le gène NKX3.1 code pour un facteur de transcription homeobox dont l’expression est spécifique à la prostate. Il est délété dans 80% des cancers prostatiques humains. Les souris KO NKX3.1 développent des PIN de bas grade dans la prostate mais pas d’adénocarcinomes (Abdulkadir et al., 2002). La seule perte d’expression de NKX3.1 semble avoir un rôle dans l’initiation des PIN mais pas dans la progression en cancers prostatiques.

Le gène Pten (phosphatase and tensin homolog deleted on chromosome 10) a un rôle central dans la prostate. Il est inactivé dans de nombreux cancers prostatiques avancés et

78 métastatiques. Le KO conditionnel de Pten dans la prostate de souris entraîne une hyperplasie, puis des PIN qui évoluent en adénocarcinomes invasifs et en métastases en neuf semaines seulement (Wang et al., 2003). C’est le premier modèle où l’invalidation d’un gène chez la souris conduit à la formation de métastases des ganglions lymphatiques, poumons et os du cancer de la prostate et mime la progression du cancer prostatique humain. Non seulement Akt est fortement activée dans les cellules cancéreuses comme attendu, mais d’autres modifications sont observées comme la perte d’expression de NKX3.1 et les surexpressions du PSCA (Prostate Stem Cell Antigen), la clusterine et l’ostéonpontine au fur et à mesure de la progression tumorale (figure 21).

Documents relatifs