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I.5.1. Principe et équations

Les différentes investigations menées sur le SEH conduisent à représenter l’aquifère comme un milieu capacitif traversé par des fractures conductrices et un réseau karstique à écoulement rapide (pour l’essentiel visible hydrauliquement à compter de 2005). Cette conceptualisation est à l’origine de l’idée d’ajouter un terme aux équations de diffusivité afin de propager rapidement une différence de pression de manière à stresser quasi uniformément le milieu. Cette volonté "algébrique" cherchant simplement à coller aux données d’interférences doit être relayée par une approche rigoureuse qui ne viole ni la physique ni les autres éléments d’observation acquis sur le site. Intuitivement, la tendance irait au développement d’un triple milieu avec deux équations de diffusivité pour la matrice rocheuse et pour les fractures et une équation supplémentaire pour décrire l’écoulement dans les drains karstiques représentés par des tubes. La question se pose alors de savoir que choisir pour la physique dans les tubes. Rien dans les données de terrain n’indique des vitesses de circulation dans ces tubes qui puissent être mesurées avec précision. De plus, un rapide calcul avec un régime d’écoulement darcéen montre qu’il faudrait générer des vitesses de circulation très grandes dans les tubes pour qu’un terme

du type ∇ ⋅

(

K⋅∇ puisse propager, aussi rapidement que les données le suggèrent, une déplétionh

)

quasi uniforme à l’échelle du site. Le choix est donc fait de propager, comme en hydraulique de "conduite", une onde conséquence de la déplétion engendrée par le puits de pompage. Le couplage de propagation d’onde avec le régime classique de diffusion des écoulements darcéens en milieu poreux et/ou fracturé (double milieu dans le cas présent) se fait par le biais d’une équation de quantité de mouvement notée sous la forme :

2 2 t t 2 2 2 h h 1 0 t x c ∂ ∂ − + = ∂ ∂ (I.35) t

h étant la charge hydraulique dans le tube considéré. Différentiée au premier ordre, cette équation correspond à l’équation d’advection à la vitesse c (célérité de l’onde) :

t t h h c 0 t x ∂ += ∂ ∂ (I.36)

Un triple milieu supposerait l’individualisation de trois variables d’état : ht , hf et hm , avec une hypothèse de continuité entre le continuum fractures et les tubes : ht=h à f Γ avec t Γ , la surface dest tubes en contact avec les fractures. Or cette conception suppose connus (à peu près) la localisation et le volume des tubes, ce que les tests d’interférence ne permettent pas de distinguer. En supposant que les charges hydrauliques ht et hf s’équilibrent rapidement devant le temps total du pompage, on peut développer un double milieu dans lequel ces charges sont confondues. Le double milieu classique est alors modifié en ajoutant l’équation d’onde en (I.36) dans l’équation de la fracture (I.2) (détails et justification dans [Kaczmaryk and Delay, 2007c]). Cette équation d’onde a un volume de référence V’ correspondant au volume occupé par les tubes tandis que l’équation de diffusivité de la fracture s’applique sur un volume de référence Ve r2 avec e [L] l’épaisseur de l’aquifère et r [L] le rayon

d’investigation du test d’interférence. Ces deux volumes étant différents et le ratio V ' V inconnu, le couplage des deux équations pour un système qui ne dissocie pas un milieu "tubes" et un milieu "fractures - matrice" engendre une indétermination de la vitesse apparente de l’onde. Les équations du double milieu fractures - matrice et intégrant aux fractures une propagation d’onde s’écrivent :

(

)

(

)

( )

(

)

p f f r f r f r f m f m m f m q 0, t h (r, t) Ss (r) . K (r). h (r, t) u. h (r, t) (r) h (r, t) h (r, t) t h (r, t) Ss (r) (r) h (r, t) h (r, t) t ∂ =∇ − ∇ + α + ∂ γ ∂ = α ∂ (I.37)

La vitesse apparente de l’onde de déplétion créée par le pompage est alors u Ss [LTf -1]. Elle est positive dans le sens puits de pompage - limite externe. La seconde indétermination est l’absence logique de connaissance de la condition à la limite r 0= de l’équation d’onde. Cette absence doit se traduire mathématiquement par un degré de liberté supplémentaire du système que l’on peut choisir d’intégrer aux équations sous la forme d’un paramètre supplémentaire. Toujours au registre du raisonnement algébrique, on comprendra qu’ajouter un terme hyperbolique dans l’équation du milieu fractures va partager les flux entre l’écoulement diffusif ∇ ⋅

(

Kf⋅∇hf

)

et le terme u⋅∇ . Le termehf

f

u⋅∇ (avec u 0h > ) agit comme un terme puits et, en particulier quand r→ , il peut modifier0 l’expression de la conservation de la masse là où elle est par ailleurs parfaitement conditionnée par le

flux qp pompé au puits en r 0= . Le degré de liberté supplémentaire prend la forme d’un coefficient scalaire γ modulant le flux qp pompé au puits afin que localement la maille pompée vidange effectivement le flux réellement extrait par le puits. On constatera d’ailleurs que la position de ce paramètre γ est consistante avec l’indétermination en r 0= de la condition à la limite de l’équation d’onde. Physiquement, le terme γ (nécessairement supérieur à 1 au vu de sa signification mathématique) prend le sens d’une condition de connexion entre le puits pompé et la dynamique advective-diffusive des écoulements dans le milieu fractures + tubes. Si γ = , la connexion puits –1 aquifère est parfaite, et si γ →+ ∞ , le puits est non connecté à l’aquifère.

Les deux paramètres u et γ ajoutés pour mimer les observations issues des tests d’interférence de 2005 ont un sens physique clair mais restent en partie factuels car ils amalgament des indéterminations difficiles à lever au vu des données (qui ne fournissent pas d’informations précises concernant le volume des drains et la connexion puits - fractures). Ils sont de fait difficiles à conditionner sur les données. Cependant, la linéarité de l’équation de la fracture en (I.37) permet d’établir une relation entre u, γ et les paramètres s K r ,Ss r ,Ss= f

( )

f

( )

m

( ) ( )

r ,α r : la valeur de γ conditionne l’identification de u et s à un facteur multiplicatif près. Prenons l’exemple suivant : avec les paramètres γ = , 1 u et1

1

s , les équations (I.37) simulent les charges hydrauliques

{

1

( )

1

( )}

f m

h r, t ,h r, t . Pour γ =10, on obtiendra le même champ de charges hydrauliques avec u 10 et 1 s1 10. Le fait que les paramètres s

puissent être définis à un facteur près est un cas typique d’indétermination. La solution est de ne pas inverser le paramètre γ qui, une fois fixé dans les équations, ne nuit plus à la recherche d’une solution unique pour s (de fait, l’unicité de s n’est pas acquise, mais ne dépend que du problème posé et non de

l’ajout du paramètre γ).

La discrétisation des équations (I.37) est détaillée en annexe C et se base sur la préservation de la quantité de mouvement pour le terme hyperbolique afin que l’onde de déplétion créée par le pompage soit transmise identiquement dans tout le système fracturé. La vitesse effective de propagation de l’onde est alors constante sur tout le domaine. Garder la vitesse constante pour ne pas amortir la propagation de l’onde est consistant avec une préservation de la quantité de mouvement. De plus, ce choix facilite le problème inverse au sens où il sera plus facile de définir la valeur de u permettant de rendre similaires les courbes de rabattement. On aurait aussi pu amortir la vitesse selon une loi exponentielle décroissante u r

( )

=u exp0

(

− λ afin d’intégrer la dissipation d’énergie our

)

l’augmentation du volume des drains avec la distance r (se traduisant alors par une baisse de u). D’un point de vue pratique, le modèle numérique est construit de façon à ce que les limites externes n’influencent pas le test d’interférence. En raison du terme hyperbolique et de la vitesse rapide de propagation, la configuration choisie pour le double milieu classique est légèrement modifiée. Sans entrer dans les détails qui sont fournis dans [Kaczmaryk and Delay, 2007c], le modèle est constitué de trois zones concentriques. La première est régie par les équations (I.37), la seconde et la troisième par les équations classiques du double milieu (I.2). Les paramètres des zones 1 et 2 sont les mêmes et sont inversés tandis que ceux de la zone 3 sont fixés à des valeurs d’homogénéisation du SEH en 2004. Les rayons des trois zones sont respectivement : r1=1000 m, r2 =1300m, r3=3000m.

L’ajout d’un terme hyperbolique et le découpage en couronnes peuvent également se justifier au vu des conclusions du travail de [Boisson, 2007] sur le développement d’un modèle 2D simple continuum homogène d’interprétation des tests d’interférence du SEH. Ce modèle est une représentation

schématique de la solution de [Butler, 1988] pour l’écoulement dans les milieux hétérogènes. Cette solution considère un pompage au centre d’un disque ayant certaines propriétés hydrodynamiques englobé dans une matrice aux propriétés différentes. D’après Boisson, la similitude des réponses des puits à un pompage serait le fait d’interférences n’échantillonnant pas le site mais son environnement, justifiant ainsi que les tests ne fournissent pas d’information sur l’hétérogénéité de la zone d’étude. Cet argument justifierait l’identité des rabattements quel que soit le puits observé. Pour modéliser l’écoulement sur le SEH, il émet alors l’hypothèse que la matrice (la couronne environnante) est définie par une conductivité hydraulique plus faible que celle du disque central. Il inverse les courbes de rabattement observées et obtient les couples conductivité hydraulique et emmagasinement spécifique pour chaque zone. Une des conclusions de son étude est que le rabattement observé pour des temps de pompage supérieurs à deux minutes correspondrait principalement à l’environnement extérieur. Dès les temps courts, l’eau proviendrait alors des zones éloignées dont le comportement hydrodynamique n’a pas été affecté par la création du site.

Finalement, on retiendra que tout ceci revient à pomper dans un puits de 300 mètres de diamètre (taille du SEH) qui serait alimenté par une couronne de 8 kilomètres de diamètre afin d’observer le même rabattement sur tous les puits du site. Cette conception, construite à partir d’une équation de diffusion simple milieu, paraît déraisonnable et conforte l’hypothèse d’une propagation d’onde (et non de masse) pour assurer la déplétion du système sans aller chercher l’eau à très grande distance. La taille choisie pour la première couronne du modèle double milieu modifié (avec terme hyperbolique) est discutable mais peut se justifier par l’absence de variation notable de charge hydraulique sur un puits situé à un peu plus d’un kilomètre du site.

Les capacités du double milieu avec terme hyperbolique à homogénéiser le comportement du site de 2005 ont été testées avec les approches homogène et fractale déjà utilisées pour l’interprétation des données de 2004. La procédure d’inversion est modifiée par la présence des paramètres u et γ dans les équations.

I.5.2. Procédure d’inversion

L’inversion des données est orchestrée en deux temps. Les paramètres u et γ sont calés manuellement puis le jeu de paramètres s est identifié automatiquement par un algorithme de Levenberg-Marquardt.

1ère étape

Le coefficient γ est fixé à 1 considérant dans un premier temps que la connexion entre les puits et l’aquifère est parfaite (hypothèse confortée d’ailleurs par plusieurs faits : réponse immédiate des autres puits du site, imagerie optique montrant de larges ouvertures karstiques…). Connaissant la relation de proportionnalité entre γ, u et s, la valeur de γ pourra être réajustée sans avoir besoin d’inverser à nouveau les données. La pertinence du jeu de paramètres effectifs obtenu est regardée a posteriori et statue sur la valeur de γ. Les valeurs de s sont préconditionnées par les valeurs obtenues lors de l’inversion des courbes de rabattement de 2004. La vitesse u est ensuite déterminée de façon à ce que, pour un rabattement donné, la différence de temps entre deux courbes simulées, l’une proche du puits pompé, l’autre éloignée, soit de l’ordre de 104 secondes, laps de temps conforme aux observations. La vitesse u est gardée constante sur la première couronne pour toutes les inversions du modèle. Pour les données 2005 du SEH, u est égal à 10-6 s-1. L’emmagasinement spécifique moyen de fracture étant de

10-6 m-1, la vitesse effective résultante est de l’ordre du m s-1. En intégrant dans cette vitesse u le ratio entre le volume occupé par les drains et le volume total de la couronne, on obtient une valeur physiquement réaliste c pour la propagation d’onde. Par exemple, un ratio de 1/1000 donne une célérité c de l’ordre de 1000 m s-1, valeur en adéquation avec la propagation d’une onde de choc dans un fluide.

2ième étape

Les paramètres s K r ,Ss r ,Ss= f

( )

f

( )

m

( ) ( )

r ,α r de l’approche homogène ou fractale sont identifiés par un algorithme de Levenberg-Marquardt selon une procédure similaire à celle présentée pour l’inversion des données de 2004. La fonction objectif n’a pas de raison d’être modifiée puisque les paramètres u et γ ajoutés sont inversés séparément. Elle est donc définie par l’équation (I.11). La sensibilité du modèle au coefficient d’échange est supérieure à celles des autres paramètres de 4 à 5 ordres de grandeur, nécessitant comme précédemment le reconditionnement de la matrice Jacobienne des erreurs.

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