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B. LA TRANSFUSION IN UTERO (TIU) :

2. MODALITÉS DE TRANSFUSION IN UTÉRO

a. L’étape pré-transfusionnelle :

l’éventualité d’une anémie fœtale et du recours à une transfusion in utero doit toujours être prévue à l’avance. Une consultation initiale dans un centre spécialisé, doit être organisée afin que la patiente soit déjà connue de l’équipe (et vice- versa) en cas d’anémie. La visite permet de s’assurer que l’ensemble des examens éventuellement nécessaires en cas de transfusion est bien réuni (carte de groupe, phénotype sanguin maternel étendu, RAI, sérologies virales maternelles, consultation d’anesthésie...). Après cette prise de contact, le suivi peut parfaitement être réalisé à distance par un échographiste habitué à ce type d’examen échographique.

La surveillance du PSV-ACM doit se faire idéalement en première partie de semaine, ce qui laisse tout le temps d’organiser une TIU en période ouvrable si nécessaire. En effet, le week-end est la période la plus difficile pour se fournir en produits sanguins. La préparation du culot globulaire demande également du temps (sélection, concentration, irradiation de la poche sanguine...). Enfin, la réalisation d’une transfusion in utero nécessite idéalement la disponibilité d’une équipe complète et entraînée à ce type d’intervention (médecin

préleveur pour la ponction de sang fœtal, médecin hémobiologiste réalisant la transfusion, anesthésiste sur place, infirmière formée au geste...). Toutes ces compétences sont difficiles à réunir dans un contexte d’urgence et leur absence risque d’exposer à une prise en charge dégradée.

On peut discuter la mise en place d’une tocolyse le temps du geste. La corticothérapie prénatale est réalisée préalablement lorsque l’âge gestationnel le justifie et si le risque d’extraction paraît élevé.

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Les étapes préalables au geste technique font appel à la collaboration avec les équipes d’hémobiologie et de distribution des produits sanguins. Le sang devra être soigneusement sélectionné afin d’assurer la compatibilité avec le sang maternel et le sang fœtal.

b. LE SANG

Le sang devra être soigneusement sélectionné afin d’assurer la compatibilité avec le sang maternel et le sang fœtal. Il sera donc nécessairement O Rh–1 et compatible avec le

phénotype sanguin maternel (Kell, Jka, etc.). Cette stricte compatibilité est particulièrement indispensable dans les cas où des transfusions fœtales itératives sont envisagées afin

d’éviter l’apparition de nouvelles immunisations maternelles, qui rendraient extrêmement compliquée la sélection d’un sang compatible pour les transfusions ultérieures. Le sang est naturellement testé pour le VIH, les hépatites virales et le CMV. Il est de plus déleucocyté, déplasmatisé et irradié. Enfin, le culot est concentré pour obtenir une hématocrite

supérieure à 70 % afin de limiter le volume à transfuser [35,36].

c. VOLUME DE SANG A TRANSFUSER

§ Le volume transfusionnel est calculé par la méthode décrite par Rodeck en 1984 [4], en utilisant le volume fœto-placentaire estimé (V), l'hématocrite fœtal dans l'échantillon pré-transfusionnel (Ht1), l'hématocrite du donneur (Ht2) et le hématocrite fœtal espérée après transfusion (Ht3):

Volume transfusionnel = V(Ht3- Ht1) ⁄ Ht2

Exemples de calculs utilisés pour calculer le volume foeto-placentaire (V) sont: ● 0,1 mL volume / g de poids fœtal estimé [37],

ou ● 0,15 mL volume / g de poids fœtal estimé [38], ou ● 1,046 + (poids fœtal en grammes) x 0,14 [39].

§ Afin de simplifier ces formules, Giannina et al. [37] a introduit une équation simplifiée et l'a comparée aux méthodes décrites précédemment [39,40]:

Volume transfusionnel =

0,02 × augmentation cible de Ht fœtal pour 10% × estimation du poids fœtale en g En supposant que l'hématocrite du sang du donneur est d'environ 75%. Cette équation s'est avérée aussi exacte que la formule introduite par Rodeck et est donc très utile comme

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méthode de calcul simplifiée pour le volume de transfusion [4,37]. L'hématocrite cible devrait être d'environ 45% [25,39,40,41,42].

§ De plus, les tests d'hémoglobine fœtale avant l'TIU sont aujourd'hui souvent utilisés pour calculer avec précision le volume à transfuser. Le taux d’hémoglobine fœtale est contrôlé en extemporané de manière répétée au cours de la TIU à l’aide d’un Hemocue® afin de guider le geste, et le taux d’hémoglobine final est fixé en fonction du taux d’hémoglobine en début d’acte (l’objectif étant relativement plus bas que le taux initial est bas) et de la tolérance fœtale.

d. TECHNIQUE

§ La TIU est réalisée dans des conditions strictes d’asepsie chirurgicale, sous anesthésie locale, par une équipe entraînée. Lorsque l’âge gestationnel permet d’envisager une extraction fœtale, la réalisation du geste au bloc opératoire dans un environnement pédiatrique expérimenté permet ainsi le recours immédiat à une césarienne en cas de complication per- opératoire du geste transfusionnel.

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• Transfusion intravasculaire

§ La transfusion intraveineuse directe est la technique la plus fréquemment réalisée pour le traitement de l’anémie fœtale. Le geste échoguidé s’effectue à l’aide d’une aiguille 20 G le plus souvent. La ponction est préférentiellement située au pied du cordon dans la veine ombilicale.

§ Certaines équipes ponctionnent plutôt la veine ombilicale dans sa portion intrahépatique. Ce site s’accompagnerait d’une réduction de la fréquence des bradycardies secondaires à la ponction d’une artère ombilicale. De plus, en cas de saignement du vaisseau ponctionné, le sangserait réabsorbé par le péritoine [44] . § Le premier temps consiste en une ponction de sang fœtal (1 ml) et l’obtention du taux

d’hémoglobine fœtale par un analyseur extemporané type Hemocue®. L’anémie ayant été confirmée, le geste de transfusion peut démarrer immédiatement après curarisation du fœtus.

§ Sur le premier prélèvement sont réalisés a postériori une numération formule sanguine avec détermination des réticulocytes, ainsi qu’une détermination de groupe sanguin avec phénotype Rh-Kell et test direct à l’antiglobuline sur le prélèvement de sang fœtal avant le premier acte transfusionnel.

§ La vérification du placement correct de l'aiguille se fait en injectant une petite quantité de solution saline, suivie d'une dose ajustée de poids fœtal de myorelaxant. L'aiguille est connectée à un sac contenant le sang de donneur. Le sang est guidé à travers un appareil de chauffage, qui réchauffe le sang à la température corporelle.

§ Après transfusion de la quantité de sang estimée, l'aiguille est rincée avec une solution saline et laissée en place pendant 1 à 2 minutes pour permettre le mélange du sang dans l’unité fœto-placentaire. Ensuite, un échantillon de 1 ml est prélevé pour une évaluation immédiate, et si l'hématocrite souhaité n'est pas encore atteint, plus de sang est donné. À la fin de la procédure, un échantillon final est prélevé à nouveau après 1 à 2 minutes de mélange [45].

§ Le sang est transfusé à un débit de 5 à 10 ml par minute. Pendant la procédure, le flux sanguin est continuellement visualisé sur l'écran de l’échographe pour confirmer la position de l'aiguille. Périodiquement, la fréquence cardiaque fœtale est vérifiée pour les arythmies, en particulier la bradycardie. Si une bradycardie se produit, il faut attendre

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jusqu'à ce que la fréquence cardiaque se soit normalisée pour continuer la transfusion [45].

§ Le volume de chaque échange ne doit pas dépasser 5 ml/kg, et se fait en va-et-vient grâce à un robinet à quatre voies.

§ L’objectif est une hématocrite entre 40 et 50 % ou un taux d’hémoglobine à 14-16 g/dl. § Certaines équipes proposent une transfusion en deux temps en cas d’anasarque et/ou

d’anémie sévère (hématocrite < 15 %) avec un premier geste permettant de remonter l’hématocrite à 25 % suivi d’un second geste 24 à 48 h plus tard pour atteindre un hématocrite de 50 %(22).

§ Dans les situations d’anasarque, l’exsanguino- transfusion pourrait être une alternative intéressante pour limiter la surcharge volémique avec une hématocrite plus stable, et augmenter ainsi l’intervalle entre les procédures [46].

§ Cependant, les complications liées à la procédure associé à l’exsanguino-transfusion peuvent être plus élevés, en raison d'une durée plus longue et des mouvements d'aiguille [47]. De plus, on pense que l'excès de volume après une simple TIU quitte le compartiment intravasculaire, ce qui diminue le risque de surcharge volumique et les fœtus semblent assez bien tolérer une seule IUT [48,49]. Dans une étude de cohorte récente (relativement petite) dans laquelle la TIU et l'exsanguino-transfusion ont été comparés [50], aucune différence dans les avantages ou les complications n'a été trouvée. Cependant, les données sur la durée des procédures n'étaient pas disponibles. § De nos jours, la plupart des centres de thérapie fœtale optent pour des transfusions

simples plutôt que des transfusions d'échange.

• Transfusion intrapéritonéale

§ La transfusion intrapéritonéale, introduite par Liley en 1967 a été la première technique proposée pour la prise en charge de l’anémie fœtale. Ce geste est réalisé sous écho-guidage.

§ Du sang (quelques ml) est injecté dans la cavité abdominale, le geste est d’autant plus facile qu’il existe une ascite. L’efficacité de cette transfusion repose sur la réabsorption par le péritoine du volume sanguin transfusé, redistribué ensuite dans la circulation fœtale.

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§ Son efficacité est retardée par rapport à celle d’une transfusion vasculaire.

§ L’avantage de ce geste est sa facilité de réalisation, permettant des transfusions précoces à un âge gestationnel où le cordon n’est pas accessible.

§ Il comporte néanmoins de nombreux inconvénients. Il ne permet pas d’évaluation directe de l’hémoglobine fœtale initiale ni de transfusion de gros volumes sanguins. De plus, son efficacité est diminuée en cas d’ascite.

§ Actuellement, sa seule indication est l’anémie fœtale sévère à un âge gestationnel précoce dans l’attente de la possibilité de réalisation d’une transfusion intravasculaire. Certaines équipes réalisent systématiquement une transfusion intrapéritonéale en complément de la transfusion intravasculaire pour augmenter l’intervalle entre deux transfusions [30].

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