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Deux modalités de rencontres. Nous pouvons distinguer deux modalités

LE CONTENU DES MESURES

82. Deux modalités de rencontres. Nous pouvons distinguer deux modalités

de ce modèle de justice restaurative : les médiations pénales post-sentencielles et les rencontres détenus-victimes (RDV). Ces deux types de rencontres restauratives peuvent être organisés à la demande des victimes ou des condamnés ou sur proposition des services les accompagnants. Ce sont généralement les contentieux les plus douloureux et graves, tels que homicides, agressions sexuelles infra et extrafamiliales, voies de fait graves, etc., qui font l’objet de ces rencontres. Ces types de justice restaurative se déroulent sous la responsabilité des médiateurs ou animateurs spécialement formés et, dans le cas des RDV, la présence des représentants de la communauté est en plus exigée.

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Appellation adoptée par Monsieur le professeur Robert Cario. Cette appellation pourrait varier en fonction des systèmes pénaux.

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Extrait de la présentation des formations en justice restaurative fournie par l’INAVEM, www.inavem.org.

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CARIO (R.) (Dir.), Les rencontres détenus victimes. L’humanité retrouvée, Ed. L’Harmattan, Coll. Controverses, 2012, 166 p.

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Extrait de l’intervention de Marie-José BOULAY publiée dans le cadre de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive 14-15 février 2013, Paris, www.conférence-consensus.justice.gouv.fr.

Au Canada, il est allégué que ces deux modèles de rencontres post-sentencielles s’inspirent grandement du modèle de « l’approche humaniste en médiation » développé par Mark Umbreit, professeur de l’Université du Minnesota (Etats-Unis). Ce modèle met l’accent sur la transformation individuelle et sur la restauration du lien social dans un objectif d’harmonie et de paix par le biais du processus de dialogue, la communication entre les personnes liées entre elles par un événement grave. La parole et la libération émotive sont au coeur de ce processus243.

Les médiations pénales post-sentencielles « impliquent les protagonistes directs (ou les proches de la victime) et peuvent conduire, ou non, à une rencontre en face à face »244. Ces médiations ont vu le jour en 1989 dans la région du Pacifique canadien, en Colombie Britannique et sont généralisées à l’ensemble du Canada depuis 2004245. Dans la scène pénale européenne, la Belgique a initié ce type de médiations en 1998 et, depuis, développe considérablement la justice restaurative dans le cadre pénitentiaire246.

Expérimentée pour la première fois en Angleterre en 1983 et pratiquée aujourd’hui, notamment au Québec (Canada)247 et en Belgique, une rencontre détenus-victimes (RDV) réunit un groupe d’auteurs et un groupe de détenus-victimes n’ayant rien à voir les uns avec les autres, mais ayant causé ou subi un même type d’infractions. Ce face-à-face direct et collectif s’organise dans les établissements pénitentiaires, mais, il peut être mis en place au bénéfice de condamnés exécutant des peines au sein de la

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V. sur les caractéristiques de cette approche humaniste d’Umbreit et sur son influence sur la pratique canadienne de rencontres post-sentencielles, ROSSI (C.), Les rencontres détenus-victimes dans les cas de crimes graves au Québec : une offre unique de reconnaissance sociale des conséquences des crimes les plus graves, In CARIO (R.) (Dir.), Les rencontres détenus victimes. L’humanité retrouvée, op. cit., pp. 46-49.

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CARIO (R.), Justice restaurative. Principes et promesses, op. cit., p. 116.

245

V. sur les expériences canadiennnes en ce domaine, not. ROSSI (C.), ibid., pp. 49-50 , CARIO (R.), ibid. ; le portail en ligne du Service Correctionnel du Canada, www.csc-scc.gc.ca.

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V. sur la justice restaurative belge en contexte carcéral, not. PETERS (T.), AERTSEN (I.), Approche restaurative des crimes et des délits en Belgique, In Arch. Pol. Crim, 1999-21, pp. 174-176 ; PETERS (T.), Victimisation, médiation et pratiques orientées vers la réparation, In CARIO (R.), SALAS (D.) (Dir.), OEuvre de justice et victimes, Vol. 1, Ed. L’Harmattan, Coll. Sciences criminelles, 2001, pp. 245-248 ; HUTSEBAUT (F.), PETERS (T.), La justice restaurative et les victimes, In CARIO (R.), GAUDREAULT (A.) (Dir.), L’aide aux victimes : 20 ans après. Autour de l’oeuvre de Micheline Baril, Ed. L’Harmattan, Coll. Sciences criminelles, 2003, pp. 109-112 ; BUONATESTA (A.), La médiation entre auteurs et victimes dans le cadre de l’exécution de la peine, R.D.P.C., 2004, n° 2, pp. 242-257 ; AERTSEN (I.), PETERS (T.), Recherche-action et justice restauratrice, In Les cahiers de la Justice, Revue semestrielle de l’E.N.M., Ed. Dalloz, 2006, n° 1, pp. 37-38 ; PIGNOUX (N.), La réparation des victimes d’infractions pénales, op. cit., pp. 395-396.

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communauté248. Les RDV se déroulent sous la responsabilité des animateurs formés et en présence des représentants de la communauté.

83. Le déroulement des rencontres. D’une manière générale, les deux types de

rencontres restauratives post-sentencielles susmentionnées se déroulent selon un processus très proche des autres mesures restauratives classiques évoquées précédemment. Mais, la mise en place de ces rencontres exige de la part des organisateurs (médiateurs/animateurs) de minitieuses préparations et une authentique professionnalisation des intervenants249.

Dans un premier temps, le médiateur/animateur s’interroge sur la recevabilité des cas qui lui sont soumis en rencontrant les personnes concernées afin de vérifier la volonté, les motivations et la capacité des personnes concernées (condamnés et victimes) à s’investir dans ces rencontres restauratives. Au cours de ces rencontres de préparation, le médiateur/animateur leur explique les caractéristiques de la mesure envisagée (son cadre, ses contraintes, ses limites notamment), les informe de la possibilité de quitter à tout moment le processus et leur rappelle, qu’en cas de besoin, un accompagnement psychologique leur sera assuré.

La rencontre entre les participants a lieu dans un second temps, en milieu carcéral le plus souvent, selon les modalités particulières aux deux types de rencontres restauratives. Pour ce qui est des médiations post-sentencielles, la rencontre se déroule, dans la plupart des cas, en présence d’un seul médiateur/animateur professionnel et rémunéré. L’organisation d’une rencontre de médiation exige au médiateur/animateur de multiples rencontres de préparation avec chacune des parties, pouvant se prolonger sur plusieurs mois. La rencontre peut ne pas avoir lieu si les bénéfices escomptés sont

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V. sur les RDV québécoises, not. SHANTZ (D.), Traitement des délinquants et des victimes d’actes criminels, In Petit manuel de justice réparatrice, Pub. Sécurité publique Canada, 2008, pp. 23-34, www.justequipping.org ; De VILLETTE (T.), Faire justice autrement. Le défi des rencontres entre détenus et victimes, Médiaspaul, éd., Canada, 2009, p. 39 et s. ; ROSSI (C.), Les rencontres détenus-victimes dans les cas de crimes graves au Québec : une offre unique de reconnaissance sociale des conséquences des crimes les plus graves, In CARIO (R.) (Dir.), Les rencontres détenus victimes. L’humanité retrouvée, op. cit., pp. 39-68 ; ROSSI (C.), Le modèle québécois des rencontres détenus-victimes, In Les cahiers de la justice, Revue semestrielle de l’E.N.M., Ed. Dalloz, 2012, n° 2, pp. 107-126.

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La présentation suivante du processus des médiations post-sentencielles et des RDV est référée essentiellement à la synthèse de CARIO (R.), Justice restaurative. Principes et promesses, op. cit., pp. 126-129.

insuffisants, voire contre-productifs particulièrement pour la victime. De même, si les parties ne veulent pas d’une médiation face-à-face, une médiation indirecte par le biais d’échanges épistolaires et/ou audiovisuels peut être organisée.

Quant aux RDV, elles sont animées par deux animateurs, le plus souvent, et chaque session est placée sous leur responsabilité. Une visite de l’établissement pénitentiaire où se dérouleront les rencontres est, en général, judicieusement proposée aux victimes participantes. La préparation de la salle (disposition en cercle notamment) doit assurer à chacun confidentialité, sécurité et convivialité. Une session de rencontre peut durer cinq à six semaines, avec des rencontres hebdomadaires de deux ou trois heures. Un important rituel organisant les tours de parole et requérant parfois l’utilisation d’outils et d’objets symboliques, comme par exemple, « le bâton de parole » est imposé pour permettre à chacun de s’exprimer effectivement. Les deux représentants de la communauté associés au processus ont pour rôle de manifester l’intérêt porté par la société à la réparation la plus complète des conséquences de l’infraction commise, d’encourager les participants dans leur implication et de promouvoir ainsi la restauration du lien social. Les animateurs, tout comme les représentants de communauté, se gardent de tout jugement de valeur lors des échanges. A l’occasion de chaque rencontre, chacun doit pouvoir, dans le respect de la parole de l’autre, exposer ce que l’infraction a provoqué en lui et ce que ces rencontres pourraient apporter ou sont sur le point d’apporter au fur et à mesure de leur déroulement. Au cours d’une dernière session, les participants sont réunis pour évoquer les résultats atteints au cours de ce cheminement coopératif. Un échange d’objets ou d’écritures sans valeur marchande peut intervenir afin de finaliser la clôture de la session et de renforcer davantage encore le processus d’intercompréhension voire même de réconciliation entrepris.