• Aucun résultat trouvé

MODALITÉS DIAGNOSTIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

Dans le document Dépistage néonatal CUD - Avis (Page 41-45)

Modalités diagnostiques

Différents paramètres biochimiques sont quantifiés dans le cadre de la démarche diagnostique concernant le défaut de captation de la carnitine cellulaire (CUD). Comme le niveau de carnitine libre dans le plasma est réduit par rapport à la valeur normale chez les patients atteints du CUD, le niveau de carnitine total et libre est mesuré dans le plasma [Morris et Spiekerkoetter, 2016; ACMG, 2006a].

Selon certains auteurs, le niveau des autres acylcarnitines devrait demeurer dans l’intervalle normal [Magoulas et El-Hattab, 2012], alors que d’autres auteurs suggèrent que la faible concentration de carnitine libre affectera la formation et le niveau des autres acylcarnitines [Longo et al., 2016].

Des tests additionnels peuvent confirmer le diagnostic, soit l’activité du

transporteur OCTN2 quantifiée dans les fibroblastes des patients et l’analyse moléculaire du gène SCL22A5 [Morris et Spiekerkoetter, 2016; ACMG, 2006a]. Toutefois, il n’y a pas de consensus concernant le seuil d’activité du transporteur de la carnitine dans les fibroblastes pour confirmer un diagnostic positif de CUD. Généralement, un transporteur qui présente une activité de moins de 10 % à moins de 20 % par rapport à un témoin normal est considéré comme pathologique [Steuerwald et al., 2017; Morris et

Spiekerkoetter, 2016; Magoulas et El-Hattab, 2012].

Certains centres métaboliques quantifient la concentration urinaire de carnitine libre tout en s’assurant que la fonction rénale est normale et que les niveaux d’acides organiques urinaires sont également normaux [Longo, 2016].

Pour les cas repérés suivant l’apparition de symptômes de la maladie, une errance diagnostique peut être observée, principalement en présence de symptômes cardiaques.

D’après les données présentées dans le tableau 2, certains patients ont dû attendre jusqu’à 5 ans avant de connaître l’origine des symptômes (moyenne de 21,6 mois). Le diagnostic de la maladie chez un nouveau-né, ou même un résultat faux positif au dépistage néonatal, permet parfois de poser un diagnostic chez les autres membres de la famille [Lund et al., 2020; Chen et al., 2013; De Biase et al., 2012; Lund et al., 2012].

Modalité de traitement et suivi

Aucune ligne directrice n’a été repérée en référence au traitement et au suivi des patients atteints du CUD. Cependant, la supplémentation en L-carnitine semble bien établie comme traitement adéquat pour le CUD.

3.2.1. Modalité de traitement

Pour éviter une demande accrue en carnitine par les cellules dans le but de produire de l’énergie par l’intermédiaire de la β-oxydation des acides gras, les patients doivent éviter

les périodes de jeûne. Cela permettra de diminuer les risques de décompensation métabolique. Dans certains cas, plus sévères, le jeûne nocturne serait à proscrire chez les jeunes enfants de moins de un an pour éviter les risques d’hypoglycémie et de cardiomyopathie ainsi que les complications à long terme [Morris et Spiekerkoetter, 2016]. Dans les cas d’infection comme la gastroentérite, ou d’une décompensation métabolique, un apport accru en glucose est requis pour subvenir aux besoins énergétiques et ainsi éviter le recours à l’oxydation des acides gras comme source d’énergie, puisque celle-ci requiert de la carnitine [El-Hattab, 2016; Morris et Spiekerkoetter, 2016].

Les patients doivent aussi prendre des suppléments de L-carnitine. L’objectif du traitement est d’atteindre la limite inférieure de l’intervalle normal de concentration sérique en carnitine. Toutefois, en raison de l’excrétion rénale importante, cet objectif n’est pas toujours atteint. D’après la littérature consultée, la prise de carnitine élimine les futurs épisodes de décompensation métabolique. Les doses de carnitine varient

habituellement entre 50 et 200 mg/kg/jour, mais elles peuvent aller jusqu’à

400 mg/kg/jour en fonction du niveau plasmatique de carnitine libre obtenu chez le patient et de ses symptômes [Steuerwald et al., 2017; OMIM, 2014].

Des effets secondaires à la prise de la carnitine ont toutefois été décrits, comme des symptômes gastro-intestinaux, surtout si de fortes doses de L-carnitine sont

administrées, et une odeur corporelle de poisson. Cette odeur, qui est causée par la flore bactérienne gastro-intestinale, peut être atténuée par l’administration par voie orale d’un antibiotique, le métronidazole, ou par la réduction de la dose de L-carnitine [El-Hattab, 2016].

3.2.2. Efficacité du traitement

Aucune étude portant sur l’efficacité du traitement du défaut de captation de la carnitine cellulaire n’a été recensée dans la littérature concernant le dépistage néonatal du CUD.

La plupart des auteurs s’entendent sur l’amélioration des symptômes chez les patients symptomatiques en traitement [Shibbani et al., 2014; Waisbren et al., 2013; De Biase et al., 2012; Lamhonwah et al., 2004; Wang et al., 2001]. D’après l’information obtenue à propos des différents cas cliniques présentés dans la littérature, la cardiomyopathie et la faiblesse musculaire s’atténuent aussi au cours des mois suivant l’instauration du

traitement [Longo et al., 2016].

Des nouveau-nés soumis au dépistage et dont le traitement n’a pas été instauré rapidement ou a été mal suivi sont aussi répertoriés dans la littérature. Lund et ses collaborateurs [2012] ont décrit un nouveau-né atteint du CUD qui n’a commencé son traitement qu’à l’âge de 18 mois alors qu’il présentait un retard de croissance et un retard de développement moteur. Lee et ses collaborateurs [2010] ont aussi rapporté le cas d’un enfant qui a reçu son traitement de façon irrégulière pendant ses 18 premiers mois et qui a démontré des symptômes similaires à ceux du syndrome de Reye, une

cardiomyopathie et des battements ventriculaires prématurés. Dans les deux cas, l’instauration d’un traitement à la L-carnitine a permis d’éliminer les symptômes.

L’étude sur le dépistage populationnel a aussi permis de constater l’efficacité du traitement sur une population traitée tardivement. La proportion de patients adultes soumis au dépistage et qui ont rapporté des symptômes de fatigue et de palpitations est passée de 43 % à 12 % en réponse au traitement à la L-carnitine [Rasmussen et al., 2014a]. Un patient avec une hypertrophie de la paroi du ventricule gauche a démontré une faible amélioration de son hypertrophie après deux ans et demi de traitement, mais il a déclaré avoir de meilleures capacités et endurance physique [Rasmussen et al.,

2014a].

Des cas d’hypoglycémie et des décès soudains suivant une arythmie (sans atteinte cardiaque connue) chez des patients ont été décrites [Lin et al., 2020; Longo et al., 2016;

Hwu et al., 2007]. Certains auteurs ont avancé que la cessation abrupte du traitement pourrait augmenter les risques de décès soudain [Lin et al., 2020; Wilson et al., 2019].

3.2.3. Suivi

Un suivi est nécessaire, même s’il n’y a pas de symptômes, pour quantifier la concentration de carnitine plasmatique et évaluer la fonction cardiaque

(électrocardiogramme et échographie cardiaque) [Morris et Spiekerkoetter, 2016].

La fonction hépatique (transaminase) et la fonction musculaire (créatine kinase) peuvent aussi être évaluées. La fréquence du suivi dépend de la sévérité de la maladie et de l’âge du patient. Les concentrations de glucose, d’ammoniaque, d’électrolytes et les gaz sanguins devraient être quantifiés au moment du diagnostic et au moment du suivi [Morris et Spiekerkoetter, 2016; ACMG, 2006a].

En cas de grossesse, les femmes atteintes du CUD, même si elles sont

asymptomatiques, auront des visites de suivi plus fréquentes, puisque la demande énergétique du corps augmente et que la grossesse entraîne une baisse du niveau physiologique de carnitine plasmatique. Les symptômes du CUD peuvent donc apparaître ou s’aggraver durant la grossesse [El-Hattab, 2016].

Pronostic

Le pronostic dépend de l’âge, du type de présentation et de la sévérité des symptômes au moment du diagnostic. À long terme, le pronostic demeure favorable pour les patients atteints du CUD tant qu’ils prennent une supplémentation en L-carnitine. Le traitement devrait être commencé le plus rapidement possible pour éviter des dommages

irréversibles. De plus, les patients adultes, même s’ils sont asymptomatiques, demeurent à risque de souffrir de problèmes cardiaques et de décéder subitement d’un arrêt

cardiaque s’ils ne sont pas traités. Finalement, plusieurs cas de mort subite du

nourrisson pourraient être liés au CUD [Van Rijt et al., 2016; Amat di San Filippo et al., 2006; Melegh et al., 2004].

Dans les études repérées, les épisodes de décompensation métabolique, la fatigabilité, la faiblesse musculaire et les problèmes cardiaques se sont résorbés partiellement ou totalement chez les patients après l’instauration du traitement [Longo et al., 2016;

Magoulas et El-Hattab, 2012]. Certains d’entre eux ont développé des retards de

croissance ou de développement moteur ou cognitif. La fréquence de ces complications est mal documentée, puisque chacune des publications ne rapporte qu’un faible nombre de cas. Dans la majorité des cas, les symptômes se sont estompés ou ont disparu avec la supplémentation en carnitine [Shibbani et al., 2014; Waisbren et al., 2013; De Biase et al., 2012; Lamhonwah et al., 2004; Wang et al., 2001]. Pour quelques-uns, des séquelles motrices ou cardiaques ont persisté, mais elles étaient cependant légères. Par exemple, dans quelques études, certains enfants ont continué à souffrir de faiblesse musculaire, d’un manque d’endurance et d’une hypertrophie du cœur qui ne se sont pas résorbés totalement ou encore d’un retard cognitif [Kilic et al., 2012; Lund et al., 2007; Amat di San Filippo et al., 2006; Melegh et al., 2004; Cederbaum et al., 2002; Lamhonwah et al., 2002].

Points saillants

Le dépistage néonatal permettrait de prévenir l’errance diagnostique et de commencer une supplémentation en L-carnitine chez les patients atteints du défaut de captation de la carnitine cellulaire avant qu’ils ne deviennent symptomatiques.

Un suivi est nécessaire pour quantifier la concentration de carnitine plasmatique et évaluer les fonctions cardiaque, hépatique et musculaire.

Sans traitement, les symptômes cardiaques peuvent se présenter à tout âge, et s’avérer fatals dès leur apparition.

La supplémentation en L-carnitine permettrait de résorber complètement ou partiellement les symptômes et d’éviter l’apparition de symptômes futurs. Les patients traités avec une supplémentation en L-carnitine ont un pronostic favorable.

Dans le document Dépistage néonatal CUD - Avis (Page 41-45)