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EFFICACITÉ DU DÉPISTAGE NÉONATAL

Dans le document Dépistage néonatal CUD - Avis (Page 62-67)

L’évaluation de l’efficacité du dépistage néonatal consiste idéalement à comparer les résultats cliniques à court, à moyen et à long terme entre les patients repérés par le dépistage néonatal et ceux repérés cliniquement.

Devis d’étude et méthodologie

Le tableau 6 présente les trois études observationnelles qui ont rapporté des données cliniques colligées auprès de patients repérés par le dépistage néonatal et de patients repérés après l’apparition de symptômes cliniques, venant de la Chine, de Taiwan et de l’Australie. Aucune de ces études n’a fait de suivi des patients pendant une période prolongée.

L’étude de Yang et ses collaborateurs [2013] a repéré des nouveau-nés dans une province chinoise par dépistage néonatal (LC/MS/MS) entre 2009 et 2011, en utilisant une valeur seuil de C0 de 17 µmol/L. La même valeur seuil de C0 a été employée pour les patients symptomatiques pendant la période de 2008 à 2011. Les trois enfants repérés cliniquement sont des enfants symptomatiques de tout le pays et dont les prélèvements ont été envoyés vers ce centre de dépistage. Le suivi des patients soumis au dépistage a varié entre 3 et 22 mois, alors qu’il a été d’au moins un an pour un patient repéré cliniquement. Une fois le diagnostic confirmé, les patients ont tous été traités avec de la L-carnitine, et le niveau de carnitine plasmatique a été mesuré aux deux à trois mois. Les auteurs ont décrit trois patients atteints du CUD qui se sont présentés avec des symptômes (convulsions ou myopathie cardiaque et squelettique), et neuf nouveau-nés atteints du CUD qui étaient tous asymptomatiques au moment de la confirmation du diagnostic.

L’étude de Lee et ses collaborateurs [2010] a rapporté des nouveau-nés atteints du CUD repérés par dépistage néonatal. Un nouveau-né a été repéré, entre 2001 et 2006, au moment où la valeur seuil du C0 était entre 2,6 et 2,86 µmol/L, et trois nouveau-nés ont été repérés entre 2007 et 2009 au moment où la valeur seuil du C0 a varié entre 6,44 et 10,95 µmol/L. Un cinquième patient leur a été adressé par un autre centre de dépistage.

Ils ont aussi décrit huit patients qui se sont présentés avec des symptômes

(cardiomyopathie, hyperammoniémie, symptômes similaires à ceux du syndrome de Reye), dont un qui était le grand frère d’un patient soumis au dépistage. Aucune information n’a été fournie sur la provenance des quatre autres patients. Tous les nouveau-nés repérés par dépistage néonatal étaient asymptomatiques au moment de la confirmation du diagnostic.

Wilcken [2008] a décrit des patients qui ont été repérés en Nouvelle-Galles du Sud (Australie), trois patients (entre 18 mois et 6 ans) qui se sont présentés avec des symptômes avant l’implantation du dépistage néonatal, et un patient repéré par

dépistage néonatal. Cependant, aucune durée de suivi n’est mentionnée par l’auteure.

Pour certains patients repérés par le dépistage néonatal, des données jusqu’à 22 mois sont présentées, et pour la majorité des patients l’information a été obtenue de façon ponctuelle alors que le moment de la rencontre de suivi n’était pas mentionné. Des cas maternels ont aussi été décrits par chacun des auteurs, et ils sont présentés dans le tableau 5. Le nombre de patients présentés dans chacune des études demeure faible, et aucune analyse statistique n’a été conduite. Par ailleurs, les études n’ont pas été

élaborées dans le but de faire des comparaisons directes entre les deux groupes, mais plutôt pour caractériser chacun des patients, y compris son génotype [Yang et al., 2013;

Lee et al., 2010].

Tableau 6 Caractéristiques des patients et des populations évaluées dans les études

Étude

Dépistage néonatal Repérage clinique

Nombre de

9 Asymptomatique : 9 2008-2011 Chine

3 Convulsions, hypoglycémie, hyperammoniémie : 2

8 Syndrome de Reye (similaire) : 8

Cardiomyopathie : 4 Hyperammoniémie avec ou sans hypoglycémie et acidose métabolique : 6

3 Insuffisance cardiaque : 3 (décès : 1)

Sigles : Dx : diagnostic; n.r. : non rapporté.

Limites des études

Les trois études présentent un biais de sélection inhérent au mode d’inclusion des participants. Le repérage plus systématique des personnes atteintes avec le dépistage néonatal peut entraîner des différences importantes dans le profil de sévérité de la maladie entre les groupes soumis au dépistage et ceux repérés cliniquement.

La concentration de carnitine libre est plus faible au moment du diagnostic chez les patients repérés cliniquement que chez les nouveau-nés repérés par dépistage néonatal, d’après les études de Lee et ses collaborateurs [2010] et de Yang et ses collaborateurs [2013] (tableau 7).

Tableau 7 Moyenne des valeurs de la carnitine libre au moment du dépistage (patients soumis au dépistage) ou au moment du diagnostic (patients avec symptômes)

Étude

Patients soumis au dépistage (nombre de patients)

Patients symptomatiques avant diagnostic (nombre de patients)

Yang et al., 2013 8,04 +/- 3,06 µmol/L

(n = 9)

2,27 +/- 2,00 µmol/L (n = 3)

Lee et al., 2010 3,94 +/- 1,36 µmol/L

(n = 4)

1,20 +/- 1,53 µmol/L (n = 7)

De plus, les patients qui ont reçu leur diagnostic à la suite d'un dépistage néonatal sont plus jeunes que les patients qui ont reçu un diagnostic suivant l’apparition de symptômes de la maladie. Dans l’étude de Lee et ses collaborateurs [2010], l’âge moyen au

diagnostic des patients repérés par dépistage était de 33 +/- 26 jours (n = 5), alors qu’il était de 5,0 +/- 6,6 ans (n = 8) pour les patients repérés cliniquement.

Aucune étude n’a fait d’analyse statistique pour comparer les groupes vu le faible

nombre de patients dans chacun des groupes, le manque de suivi des patients et le petit nombre de données cliniques disponibles pour chacun d’eux.

Mortalité

Deux des trois études ont rapporté des décès dans le groupe de patients repérés cliniquement (tableau 6) [Lee et al., 2010; Wilcken, 2008]. Aucun décès n’a été rapporté chez les patients repérés par le dépistage néonatal dans les trois études retenues.

Manifestations cliniques

Aucun symptôme ni hospitalisation n’a été rapporté pour les patients repérés par dépistage néonatal dans deux des trois études [Yang et al., 2013; Wilcken, 2008].

Les patients repérés par dépistage décrits par Yang et ses collaborateurs [2013] ont été traités avec de la L-carnitine à la suite de la confirmation de leur diagnostic. Ils ont été suivis pendant une période variant de 3 à 22 mois, et aucun de ces patients n’a démontré de retard de croissance ou de développement.

Lee et ses collaborateurs [2010] ont rapporté cinq patients repérés par dépistage néonatal. Trois nouveau-nés ont commencé la supplémentation en L-carnitine, un n’a pas été traité et est demeuré asymptomatique (suivi de 1 an). Le dernier a reçu une supplémentation en L-carnitine de façon irrégulière pendant les 18 premiers mois de sa vie et il a manifesté des symptômes (symptômes similaires à ceux du syndrome de Reye, une cardiomyopathie et des battements ventriculaires prématurés).

Les manifestations observées avant le traitement chez les patients qui ont reçu un diagnostic après avoir eu des symptômes incluent des manifestations de

cardiomyopathie et myopathie, de l’insuffisance cardiaque, de l’hyperammoniémie et des symptômes similaires à ceux du syndrome de Reye et des convulsions [Yang et al., 2013; Lee et al., 2010; Wilcken, 2008].

Deux patients repérés cliniquement, âgés de 1,2 et 1,7 mois, se sont présentés avec des convulsions, une hypoglycémie, une anémie et une hyperlactacidémie [Yang et al., 2013]. Leurs symptômes ont disparu après l’instauration du traitement. Le troisième patient a reçu son diagnostic à l’âge de 88 mois, mais dès l’âge de 4 ans il avait

démontré des symptômes comme de la faiblesse et une perte d’endurance physique, de la cardiomyopathie et de l’anémie. Ses symptômes se sont aussi résorbés rapidement après l’instauration du traitement, mais un an plus tard il accusait toujours un retard de croissance comparativement aux enfants de son âge.

Wilcken [2008] a rapporté de l’insuffisance cardiaque chez les trois patients repérés cliniquement. L’un d’entre eux est décédé des suites de son épisode d’insuffisance

cardiaque alors que les deux autres ont été traités et n’ont plus manifesté de symptômes.

Points saillants

Le dépistage néonatal introduit un biais de sélection important dans les études observationnelles, qui se traduit notamment par la différence en concentration de la carnitine libre plasmatique, l’âge des participants des deux groupes ou par la variabilité de la présentation clinique et sa

sévérité.

Les données disponibles ne permettent pas de conclure quant à l’efficacité du dépistage néonatal du défaut de captation de la carnitine cellulaire (CUD).

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