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6 REVUE DES ANALySES COûT/EFFICACITé SUR LE DéPISTAGE DE L’ANéVRySME

6.2 Modélisations

Bien que les modélisations constituent un outil intéressant pour estimer à plus long terme la rentabilité d’un programme de dépistage, elles reposent en grande partie sur les valeurs des paramètres choisis tant pour définir les modalités de dépistage que pour en estimer l’efficacité et les coûts. Deu� études ayant pour objet d’analyser la crédibilité des modélisations ont justement choisi comme illustration le dépistage de l’anévrysme de l’aorte abdominale. La première étude critique, réalisée par Campbell et ses collaborateurs

[2007], a examiné 12 modélisations publiées entre 1989 et 2003. Pour chaque modèle, les auteurs ont considéré l’objectif ou la question décisionnelle, la perspective d’analyse, le fondement logique, les hypothèses structurelles, les stratégies et leurs comparateurs, le type de modèle, l’horizon temporel, les états d’évolution de la maladie et la longueur d’un cycle de dépistage. Un tableau présentant les coûts, les résultats (années de vie gagnées ou AVAQ) et les rapports coût/efficacité de chacune des études a été constitué.

Les auteurs soulignent dans leurs conclusions la grande variabilité des résultats sur les rapports coût/efficacité et indiquent que les facteurs pouvant e�pliquer cette variabilité sont trop nombreux pour que l’on puisse arriver à les réconcilier d’un modèle à l’autre. En outre, les carences dans la description des méthodes utilisées font en sorte qu’il est difficile de déterminer quel serait le modèle le plus solide et le plus utile pour guider la prise de décision.

L’autre étude critique [Karnon et al., 2007] a examiné de façon détaillée les études de six groupes d’auteurs en fonction de la pertinence de la question décisionnelle, de la structure et des hypothèses du modèle, du choix des sources de données et de la présentation d’informations suffisantes pour permettre de bien interpréter la portée décisionnelle des résultats, et enfin, des démarches de validation. Les conclusions portent spécifiquement sur chacun des points évalués, mais il s’en dégage nettement une grande variabilité et de nombreuses limites méthodologiques.

Par ailleurs, Meenan et ses collaborateurs [2005] ont réalisé une revue systématique dans le but de répondre à des questions précises : quel est le rapport coût/efficacité du dépistage systématique chez des adultes asymptomatiques, du dépistage chez des personnes à risque élevé de rupture d’anévrysme, de la surveillance périodique des personnes présentant un AAA d’un diamètre de 3 à 5,4 cm (par rapport à un test unique) et du dépistage périodique chez les personnes qui ne présentent pas d’AAA au test initial, et comment les différences d’efficacité des traitements influent-elles sur le rapport coût/efficacité du dépistage de l’AAA ? Des 25 études repérées, seulement quatre ont été jugées pertinentes ou de qualité méthodologique suffisante (bonne ou moyenne). Dans leur conclusion, que nous limitons ici à la première question, les auteurs indiquent que les données probantes pointent vers un rapport coût/efficacité favorable au dépistage systématique, mais qu’elles sont encore rares (un seul essai clinique randomisé).

Ils soulignent également la nécessité de procéder à des analyses de sensibilité plus complètes, inspirées du cadre fourni par l’essai MASS.

Depuis la parution de cette revue systématique, six modélisations ont été publiées, dont une canadienne. Nous les avons jugées de bonne qualité, en utilisant les critères proposés par les trois groupes d’auteurs précités. Le tableau 6 présente les résultats de chacune des modélisations, et leurs détails sont exposés à l’annexe H.

Tous ces travaux ont retenu comme population cible les hommes de 65 ans et la même définition d’un AAA (taille supérieure ou égale à 3 cm). Toutefois, certains paramètres de base variaient, comme la prévalence (de 4,2 à 6,5 %), la participation au dépistage (de 73,3 à 80,2 %) et la fréquence de la détection opportuniste (de 5,1 à 13 %). Il est difficile de comparer, d’une étude à l’autre, les différents paramètres d’évolution clinique – apparition d’événements cliniques comme la rupture d’anévrysme, par e�emple – ou d’efficacité des interventions, bien que les résultats soient tous e�primés en années de vie gagnées et en AVAQ. L’horizon temporel varie de 5 à 40 ans, mais dans cinq cas, il est supérieur à 20 ans. Les coûts comprennent généralement tous les volets, allant de l’invitation au suivi postchirurgical, en passant par le dépistage et la chirurgie. Les taux d’actualisation varient d’une étude à l’autre et, dans certains cas, les effets ont été actualisés. Toutes les études décrivent de façon complète et détaillée la structure

du modèle, les hypothèses et les sources des paramètres utilisés. Enfin, deu� des modélisations ont surtout utilisé les données de l’essai MASS [DoH, 2008; Kim et al., 2007b], et la première de ces études constitue surtout une étude d’incidence budgétaire comparant entre eux quatre scénarios (dont le statu quo).

Tableau 6

Résultats des modélisations sur la rentabilité de programmes de dépistage de l’AAA ciblant les hommes de 65 ans

ÉTudes horizon TeMPorel

rÉsulTaTs (selon le Modèle de base)

∆* Efficacité ∆ Coût ∆ C/E 3 903 £ par AVAQ (implantation immédiate)

Abréviations : AVAQ : année de vie ajustée en fonction de la qualité; AVG : année de vie gagnée; C/E : rapport coût/efficacité.

* ∆ : ce symbole (delta) signifie que les données sont e�primées en termes différentiels (différence de coût, différence d’efficacité et différence de rapport coût/efficacité).

† Les coûts ont été convertis en dollars américains de 2003 (1 $ = 7,2 SEK) et mis à jour à l’aide de l’indice des prix à la consommation.

Il est remarquable de constater que, malgré la réalisation de ces modélisations pour des conte�tes et des pays différents, les résultats sur le plan du rapport coût/efficacité convergent et sont inférieurs aux valeurs seuils généralement reconnues pour juger de la rentabilité économique d’un programme de santé (par e�emple de 20 000 à 30 000 £ par AVAQ, selon le National Institute for Health and Clinical Excellence britannique).

Une stratégie de dépistage visant les hommes de 65 ans est donc considérée selon ces résultats comme efficiente, bien qu’on ne puisse se prononcer de façon ferme sur la faisabilité de sa mise en œuvre. à cet égard, l’analyse réalisée par le Department of Health [DoH, 2008] d’Angleterre montre qu’une autre stratégie, consistant à appliquer le dépistage aux hommes de 65 ans ainsi qu’aux hommes de 70 ans pendant cinq ans, serait plus rentable. Cependant, en raison des grands défis d’implantation qu’elle pose et des bouleversements majeurs qu’elle entraîne dans l’organisation des ressources, cette stratégie n’est pas privilégiée.