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Modélisations des problèmes de tournées de véhicules

Cette section a pour objet d’effectuer un bref rappel sur les principaux modèles de transports, en mettant l’accent sur les systèmes innovants présentés dans les sections précédentes. Nous étudions en particulier le transport à la demande modélisé par le DARP.

Le problème du voyageur de commerce et le VRP

Les premiers travaux portant sur les problèmes d’optimisation de transports sont associés au fameux problème du voyageur de commerce - ang. traveling salesman problem (TSP) - qui remonte à un ou deux siècles. Son origine n’est pas clairement établie bien qu’elle semble se situer au début des années 1800. Le TSP peut s’énon- cer simplement comme suit : un voyageur de commerce doit se rendre une seule et unique fois dans un ensemble de villes donné tout en minimisant la distance totale parcourue. Cela intègre une contrainte de cycle (départ et arrivée au dépôt) et une contrainte d’unicité du service (un seul passage par nœud).

Le problème a été formulé à plusieurs reprises par des mathématiciens américains, irlandais (dont l’illustre William Rowan Hamilton qui en créa un jeu : the Hamilton’s Icosian game) et autrichiens dont Karl Menger à qui on attribue les premiers travaux de résolution [Menger (1932)]. Les TSP entrent dans l’ensemble des problèmes NP- Difficile. La preuve de cette complexité a été donnée suite à celle d’un problème voisin : la recherche d’un cycle hamiltonien pour lequel Richard M. Karp montra qu’il était NP-Complet [Karp (1972)].

La figure 2.7 représente une solution d’une instance du TSP avec 4 villes. Le véhicule part du dépôt, visite les 4 villes et retourne au dépôt.

Figure 2.7 – Une solution du TSP d’une instance à 4 villes

Le problème de tournées de véhicule - ang. vehicle routing problem (VRP) - re- prend celui du voyageur de commerce excepté sur ce point que les différents services peuvent être réalisés cette fois par plusieurs véhicules (au nombre de K). Certaines modélisations intègrent une contrainte de capacité qui limite chaque véhicule à réa- liser un nombre maximum d’opérations. La figure 2.8 montre un VRP avec deux véhicules chacun satisfaisant 4 demandes partant et arrivant d’un même dépôt.

Figure 2.8 – Une solution du VRP d’une instance à 8 demandes

Le pickup and delivery problem.

De multiples variantes sont issues du TSP mais la construction du planning des véhicules acheminant des marchandises ou des personnes, le problème de ramassage et de livraison - ang. Pick Up and Delivery Problem (PDP) -, peut être considéré comme le principal ancêtre du DARP. Il a été enrichi et de ce fait complexifié avec le temps. Posons-en, en quelques lignes, les principales caractéristiques. Le PDP est un VRP auquel on ajoute des contraintes de couplage sur les nœuds correspondant aux origine et destination d’une même demande, des contraintes de précédence (le ramassage est réalisé avant la livraison), et des contraintes de capacité.

Un ou des véhicules (au nombre de K) partent d’un dépôt pour effectuer ces tâches de ramassage et de livraison avant d’y revenir. Le dépôt fait partie de l’en- semble des nœuds X du graphe G associé au problème, les autres nœuds représentant les origines et destinations des demandes à satisfaire. Chaque paire de nœuds peut être reliée par une arête de E. On leur attribue généralement une valuation positive synonyme de coûts (comme la distance ou la durée pour rejoindre deux nœuds). Par ces arcs, les K véhicules peuvent parcourir l’ensemble des nœuds du graphe et ceci dans le but de satisfaire l’ensemble des demandes de D. Le modèle intègre aussi souvent des contraintes de capacité reflétant ici la quantité maximum de chargement qu’un véhicule peut supporter sur tout arc du graphe. Cette capacité, notée CAP , est donc comparée à la somme des charges courantes. Le problème consiste à créer les chemins des K véhicules de telle sorte que chaque demande soit satisfaite tout en répondant à l’ensemble des contraintes. Ces chemins, qui sont appelés tournées, doivent être établis de façon à optimiser un critère de performance. Ce dernier peut être de différents ordres. Le critère le plus fréquent concerne les distances parcou- rues. D’autres contraintes peuvent également intervenir, les contraintes de fenêtres de temps, par exemple.

Celles relatives au couplage et à la précédence se classent en trois catégories. Les plus fréquentes dans les PDP sont soit 1-1, soit 1-M-1, - ang. one-to-one problem et one-to-many-to-one problem -. Le premier détermine l’unicité des origines et desti- nations par demande et le second remplace l’un des deux par le dépôt. Enfin, les problèmes many-to-many (M-M) caractérisent le fait que chaque nœud (dépôt com- pris) peut jouer le rôle d’origine ou de destination (point de ramassage ou point de livraison). L’ensemble de la classification des problèmes de Pickup and Delivery est

donné dans [Berbeglia et al. (2007)].

La figure 2.9 représente deux tournées formant la solution à une instance du PDP à 4 demandes. Par exemple, la demande d’index 1 est satisfaite par le passage en o1 (nœud origine ou de ramassage) en amont du passage en d1 (nœud destination ou de livraison). Ici, la capacité des véhicules est au moins supérieure aux deux sommes des charges de chacun des deux couples de demandes pris en charge par un véhicule.

Figure 2.9 – Une solution du PDP d’une instance à 4 demandes

Le Dial-A-Ride problem

Le Dial-a-Ride Problem est relatif au transport à la demande. Formellement, il n’existe pas de nette distinction entre DARP et PDP. Mais, alors que la sémantique de base du PDP concerne le transport des biens et la logistique, celle du DARP met en jeu des personnes. En conséquence, on met l’accent sur les critères de qualité et les contraintes reflétant les préoccupations d’individus (rendez-vous, temps d’attente, temps de parcours individuels...) ainsi que sur la version dynamique du problème.

Les problèmes de transports de personnes ont fait l’objet de nombreuses études et après une baisse de l’engouement pour le DARP au siècle dernier en raison de problèmes technologiques, il intéresse à nouveau les chercheurs. Cela n’est évidem- ment pas lié à un phénomène de mode mais à un besoin grandissant d’optimiser les coûts, la qualité de service et même aujourd’hui la robustesse. Mais, à l’avenir, il est probable que ces problèmes seront au cœur des nouveaux services de transports comme nous avons pu le voir en début de ce chapitre. Avant d’établir un état de l’art sur les techniques de résolution, arrêtons nous d’abord sur les caractéristiques élémentaires qui composent le DARP.

Les demandes. Ce sont les usagers du service qui forment les requêtes devant être satisfaites par les véhicules. La demande comprend des lieux d’origine et de des- tination, une information sur la taille de l’objet à transporter (le chargement) et des obligations temporelles à respecter. Ces dernières contraintes consistent en une fenêtre de temps sur chaque point de passage et une durée maximum pour joindre l’origine et la destination.

Les véhicules. Une flotte de véhicules, autonome ou pas, est à disposition des usa- gers pour la satisfaction de leurs requêtes. Si elle dispose de véhicules aux caractéris-

tiques identiques, nous parlons de flotte homogène, sinon de flotte hétérogène. Dans la plupart des cas, la différence s’établit au niveau de leur capacité. Cette dernière peut être modélisée selon différentes mesures comme le poids, le volume ou encore la surface au sol. Des problèmes plus complexes les différencient par des indices de consommation énergétique ou de puissance.

Les objectifs. Les critères qu’évalue la performance d’une solution d’une instance du DARP peuvent être nombreux. Ils sont analogues à la fonction Objectif suivant les termes de la programmation linéaire, et l’optimisation peut alors être d’ordre mono-critère ou multi-critères ([Paquette et al. (2007)]). Les quatre critères les plus couramment employés sont :

1. La distance totale parcourue par les véhicules. Ce critère permet par exemple de minimiser la consommation d’énergie ou l’usure des véhicules. Cette dis- tance ne couvre pas les temps des arrêts des véhicules, et n’a donc pas d’effet direct sur les temps de travail, temps d’acheminement, etc... ;

2. Le temps global de l’ensemble des tournées. Cette somme cumule les durées de toutes les tournées et peut être interprétée comme les temps de travail des conducteurs. La minimisation de ce temps semble directement impliquer une "compression" des intervalles entre tous les arrêts des véhicules ;

3. Le temps total pour la réalisation de toutes les connexions. Il est obtenu par l’addition de toutes les durées pendant lesquelles chaque passager est pris en charge par le service, soit le temps entre le chargement et le déchargement de chaque demande. Le terme connexion est ici tiré du vocabulaire des réseaux informatiques, il qualifie la durée de réalisation d’une demande - ang. ride time -. Cet objectif peut servir de mesure de la qualité de service ;

4. Le temps d’attente global. C’est la différence entre le temps global de l’en- semble des tournées et la distance totale parcourue par les véhicules. En effet, la très grande majorité des modèles ne sont pas en phase avec la vitesse ef- fective des véhicules ce qui amène à considérer seulement le déplacement du véhicule de manière binaire : soit celui-ci roule à vitesse constante soit il est arrêté. Lorsqu’un véhicule a parcouru la distance séparant deux lieux consé- cutifs prévus sur son plan de route alors que la prochaine action à réaliser ne peut s’effectuer à l’instant3, nous parlons de temps d’attente. La minimisation

de ces derniers peut être indispensable dès lors que les véhicules sont soumis à la congestion du trafic. Par exemple, pour les véhicules ne pouvant se dépasser (d’autant que certains peuvent être indépendants de la flotte) pour des raisons technologiques (véhicules autonomes) ou de voirie (rues étroites par exemple), il y a tout intérêt à minimiser ces temps pour éviter un embouteillage. Aussi, toute la période passée par les usagers dans les véhicules à l’arrêt est synonyme de désagrément pour eux, surtout si le véhicule est bondé.

Il existe bien d’autres sens de l’optimisation et tout dépend évidement du contexte. Par exemple, si chaque sortie du dépôt implique un coût important, l’exploitant di- rigera la supervision de sa flotte vers une optimisation minimisant le nombre de véhicules nécessaires à la satisfaction des demandes. La capacité des véhicules peut également intervenir dans l’objectif à atteindre et cela de deux façons qui peuvent sembler contradictoires : le confort des usagers et le rendement des véhicules.

Les contraintes. Les contraintes du PDP sont toutes susceptibles d’être reprises ici. D’autres contraintes, spécifiques au transport de personnes, peuvent être rajoutées. Certaines concernent les temps de connexion (chaque borne est fournie par un usa- ger) et d’autres la durée totale de chaque tournée (donnée par l’exploitant). D’une certaine manière ces bornes poussent l’optimisation dans le sens des objectifs 2 et 3 présentés ci-dessus. Les clients du service fournissent également deux fenêtres de temps, une pour le lieu d’origine et l’autre pour le lieu de destination. Ce sont deux périodes pendant lesquelles le chargement et le déchargement doivent avoir lieu.

L’ensemble de ces contraintes temporelles réduit considérablement le nombre de solutions, ce qui complique le problème d’un point de vue syntaxique, mais permet aussi de filtrer le processus de recherche. Les problèmes de Dial-a-Ride étudiés dans cette thèse intègrent l’ensemble de ces contraintes et nous nous intéresserons plus particulièrement aux méthodes rapides et génériques, induisant une continuité entre contextes dynamique et statique. Le tableau 2.2 résume l’ensemble des contraintes des 3 principaux problèmes présentés ci-dessus.

Contrainte / Problème TSP VRP PDP DARP

Service unique OUI OUI OUI OUI

Cycle (Dépôt) NON OUI OUI OUI

Capacité OUI OUI OUI

Durée Maximum de tournée OUI OUI OUI

Précédence OUI OUI

Couplage OUI OUI

Durée Maximum de connexion OUI

Fenêtre de temps OUI

Table 2.2 – Contraintes des principaux problèmes de transport

Les contextes statique et dynamique. [Psaraftis (1995)] définit les deux contextes par leur différences : le problème des tournées statiques amène à chercher un objet- solution définitif à partir de requêtes connues en amont de la résolution (nous parlons également alors de demandes déterminées), au contraire du problème dynamique qui doit prévoir l’instauration de nouveaux besoins de la part des usagers, quitte à réorganiser ce qui a déjà été établi dans la conception précédente des plans de route. Autrement dit l’objet-solution prévoit en quelque sorte l’arrivée de nouvelles requêtes.

La préemption. La plupart des modèles traités dans la littérature sont non préemp- tifs, c’est-à-dire qu’ils impliquent la prise en charge d’une demande en un unique parcours et sans escale. Nous étudierons ici deux variantes de la notion de préemp- tion : l’intégration de la possibilité de diviser la charge - la préemption de charge - et l’acheminement de la charge avec escales ou opération de transbordement - la préemption de véhicules -. Ces variantes, qui reflètent des hypothèses sur le fonction- nement du système, permettent d’augmenter le nombre de solutions mais aussi de considérer des chargements plus importants que la capacité du véhicule elle-même.