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Modélisation des stratégies de gestion de l’incertitude en situations critiques

Chapitre 5 Stratégies de gestion de l’incertitude dans les cas critiques

3. Modélisation des stratégies de gestion de l’incertitude en situations critiques

Un autre résultat majeur issu de nos travaux empiriques est la proposition d’une nouvelle version de l’heuristique RAWFS (Lipshitz & Strauss, 1999). Cette contribution, fondée sur les séquences critiques de gestion d’incertitude dans le TRM, décrit la manière dont l’opérateur met en place différentes stratégies de « coping » pour se sortir de la situation « impasse ». Au même titre que les processus cognitifs sous-jacents à l’ordonnancement sous incertitude, il aurait été particulièrement intéressant de confronter les stratégies mises en place par l’exploitant de transport avec celles utilisées par l’infirmier coordinateur. Cependant, au cours de l’intervention menée dans le SSIAD, l’infirmier n’a pas eu à faire face à ce type de situations critiques. Cela n’est d’ailleurs pas surprenant, étant donné que la dynamique de cette situation est relativement faible et que l’apparition de nouvelles demandes demeure très occasionnelle.

Dans la mesure où l’heuristique proposée reprend une base théorique préexistante, un modèle peut tout de même être proposé. D’autant plus que nos contributions émanent d’études en conditions réelles et qu’elles sont parfaitement complémentaires avec le modèle de base de Lipshitz et Strauss (op. cit.), basés sur des rapports rétrospectifs en laboratoire. Néanmoins, nul doute que cette nouvelle version devra être confrontée, à son tour, à de nouvelles données issues de diverses situations d’ordonnancement.

Par ailleurs, tout au long de ce travail de thèse, nous avons souligné l’importance de regrouper les différentes disciplines, afin d’assister et d’optimiser les situations d’ordonnancement de la manière la plus efficiente possible. Or, cette collaboration, notamment entre l’ingénierie et les sciences humaines, ne peut s’accomplir sans le partage d’un référentiel commun. L’accessibilité réciproque des contributions théoriques doit alors s’inscrire au cœur des préoccupations de ces disciplines. Parler le même langage, pour une réflexion plus approfondie et plus productive, tel devrait être le point de départ de toute démarche de recherche pluridisciplinaire.

En partant de ce principe, nous nous sommes basés sur un format standard, partagé par de nombreuses disciplines, afin de concevoir le modèle de la gestion de l’incertitude (cf. Figure 48). Il s’agit du format BPMN11, qui sert notamment à modéliser les Système d’Information (SI) et les

de la comparaison à la modélisation

Page | 140 processus d’activité des entreprises, indispensables à la conception d’outils adaptés d’aide à la prise de décision (Briol, 2008).

Figure 48. Modèle de la gestion d’incertitude en situations critiques : nouvelle version d’heuristique RAWFS.

En comparaison avec la version originale de RAWFS, cette version basée sur notre étude in-vivo a permis de compléter l’heuristique en s’appuyant sur cinq enseignements majeurs:

- Mise en place systématique et immédiate de la stratégie de « réduction » - Possibilité de renouveler une stratégie avec un objet différent : « Bouclage » - Possibilité de mise en œuvre de plusieurs stratégies en parallèle : « parallélisme »

- Apparition d’une nouvelle stratégie « active » de gestion en début du procédé : « influencer le processus »

de la comparaison à la modélisation

Page | 141 En adoptant une approche comparative et en portant un regard croisé sur l’ensemble de nos résultats, nous avons démontré l’existence de mécanismes cognitifs communs à différentes situations d’ordonnancement. De plus, certaines variables semblent présenter également des effets convergents. Les effets induits par l’incertitude, par les contraintes prégnantes ou par la dynamique présentent beaucoup de similitudes. Il s’agit par exemple d’un accroissement des activités d’élaboration d’information, de diagnostic ou d’autoévaluation. Le point commun de ces dimensions réside dans le fait qu’elles contribuent toutes à la complexité de la situation (Cegarra, 2008). Néanmoins, d’autres facteurs de complexité, comme la pression temporelle, semblent favoriser d’autres comportements cognitifs, contrebalançant les effets précédemment cités. Réduire l’incertitude en recherchant de nouvelles informations, ou finaliser sa décision au plus vite afin de ne pas céder à la pression temporelle et être « débordé » ? Comme d’autres situations de résolution de problème, l’ordonnancement semble également soumis aux lois de compromis implicites, qui résistent encore aux tentatives scientifiques d’élucidation.

En considérant ces points communs - et sans occulter les spécificités qui semblent également émerger - nous avons proposé des modèles de l’activité d’ordonnancement et de gestion de l’incertitude. Évidemment, ces modèles ne représentent pas une fin en soi ; au contraire, ils devront à leur tour être validés et évoluer au fil de travaux scientifiques futurs.

de la comparaison à la modélisation

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Discussion et conclusion générales

Ce chapitre final représente le dénouement du projet de thèse relaté à travers ce manuscrit. Dès lors, il est important de profiter de cet « atterrissage » pour dresser un bilan du chemin parcouru et définir au mieux les « destinations futures ». Ainsi, cette partie vise à proposer un regard synthétique sur l’ensemble des contributions apportées au cours la présente recherche doctorale. En nous basant sur les forces et les limites de ces contributions, nous tenterons également de suggérer des perspectives de recherche pour d’éventuels projets futurs. En ergonomie, comme dans toutes les autres disciplines fondées sur l’Homme, les objets attrayants et inexplorés demeurent nombreux et variés. Cependant, la recherche, c’est également la prise de position et la priorisation des objectifs. Ainsi, parmi les perspectives qui seront proposées, nous tâcherons de souligner celles qui, de notre point de vue, pourraient être considérées comme étant prioritaires.

En nous rapportant à l’ensemble de nos travaux développés tout au long des précédents chapitres, nous pouvons mettre en avant quatre contributions principales. Celles-ci, relatées à travers la figure 49, se répartissent à travers trois catégories. Il s’agit tout d’abord des contributions méthodologiques, qui reposent principalement sur la conception de la méthode d’analyse des protocoles. Ensuite, nous pouvons distinguer les contributions théoriques. Celles-ci regroupent l’ensemble des résultats obtenus au cours des travaux dans les deux secteurs d’intervention, le TRM et le SSIAD. Ces contributions sont symbolisées par les deux modèles proposés : le modèle du « cheminement cognitif » et la version réévaluée de l’heuristique de gestion de l’incertitude RAWFS. Enfin, la troisième catégorie de contribution, que nous avons intitulée « pratique », se fonde sur la typologie des situations de planification. Celle-ci aurait pu être associée aux contributions méthodologiques ou théoriques. Cependant, nous pensons que cette typologie doit être considérée avant tout comme un outil pratique, applicable aussi bien dans une optique de recherche qu’au cours d’une intervention de terrain.

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Figure 49. Les différentes contributions apportées au cours de la thèse.

Les parties suivantes de ce chapitre sont dédiées à une synthèse générale des apports et des perspectives émanant de nos travaux de recherche. Celle-ci s’articulera autour des trois catégories de contributions distinguées, à savoir les apports méthodologiques, théoriques et pratiques.