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Modélisation du processus d’écoulement de l’eau dans les sols organiques

Chapitre I Revue de littérature

1.4. Modélisation du processus d’écoulement de l’eau dans les sols organiques

naturel, on a souvent recours à la modélisation. Celle-ci permet de représenter sous forme simplifiée un processus d’intérêt pour une meilleure appréhension, pour faciliter l’explication du processus et la prédiction à une limite déterminée. L’utilisation de la modélisation en physique du sol pour étudier certains processus qui se réalisent dans les sols a commencé à devenir de plus en plus populaire à partir des années 80. Généralement, on a recours à la modélisation pour étudier les mouvements de l’eau dans le sol, le transport de chaleur, de gaz et de solutés dans le sol et le prélèvement d’eau par les racines de plantes. Cela a été également facilité par le développement d’outils informatiques (ex. logiciel) performants et puissants capables de simuler à partir de certaines observations certains processus physiques et de les étudier plus en détail.

Parallèlement, de nombreux modèles (Brooks et Corey, 1964 ; Mualem, 1976 ; van Genuchten, 1980 ; Gerke et van Genuchten, 1993 ; Durner, 1994 ; Kosugi, 1996) à utiliser pour décrire et caractériser certaines propriétés hydrauliques des sols se sont rapidement distingués dans la littérature scientifique. La plupart de ces modèles mathématiques ont servi à caractériser le comportement hydrologique des sols en décrivant leurs propriétés de rétention d’eau et leur perméabilité. De plus, bon nombre de ces modèles ont été codés dans des outils numériques construits pour faciliter l’analyse de certains processus physiques qui peuvent se réaliser dans les milieux poreux comme le logiciel Hydrus (Šimůnek et al., 1998 ; 2006). L’analyse des processus physiques se fait fondamentalement sur la base des observations effectuées et dans des conditions connues. La modélisation des mouvements d’eau dans le sol passe directement par l’observation de variables qui leur sont liées comme la teneur en eau et le potentiel matriciel du sol. Les mesures dynamiques de la teneur en eau (Gardner et al., 2000) et du potentiel matriciel du sol (Mullins et al., 2000) permettent en général à partir de l’utilisation de modèles hydrauliques de mieux décrire et analyser les propriétés hydrauliques.

1.4.1. Teneur en eau et potentiel matriciel du sol

En physique du sol, la teneur en eau d’un sol représente la quantité d’eau (en termes de masse ou de volume), variable dans le temps et dans l’espace, qui occupe les pores du sol. Gardner et al. (2000) présentent une revue de l’ensemble des méthodes de détermination de la teneur en eau du sol. En effet, l’une des méthodes (méthodes indirectes de mesure) automatisées qui sont couramment utilisées pour mesurer la teneur en eau du sol est liée à la mesure d’autres propriétés physiques du

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sol qui lui sont liées comme la conductivité électrique du sol. Toutefois, le « Time Domain Reflectometry (TDR) » est un des meilleurs systèmes de mesure en temps réel et automatisé adapté à des usages au laboratoire et au champ. Celui-ci est un outil puissant pour la mesure simultanée de la conductivité électrique et de la teneur en eau du sol. La première est mise en relation mathématique à la deuxième. La détermination de la teneur en eau des sols organiques doit se faire soigneusement. L’utilisation du TDR nécessite une bonne calibration initiale pour obtenir des données exactes qui indiquent l’état hydrique du sol (Lin et al., 2008). Pepin et al. (1991) et Paquet et al. (1993) ont suggéré des recommandations en rapport à des critères particuliers pour leur calibration pour obtenir des mesures fiables, précises et exactes pour les sols organiques.

Le potentiel matriciel du sol pour sa part, caractérise l’état énergétique de l’eau dans le sol, exprime la force à laquelle l’eau est retenue par le sol et détermine la disponibilité de l’eau pour les racines des plantes (Hillel, 1988). C’est généralement une pression négative associée à un état de sol non saturé en eau. Mullins et al. (2000) présentent une généralité sur les méthodes de mesure du potentiel matriciel du sol avec une description détaillée du tensiomètre, un des instruments de mesure. De nos jours, des méthodes de collecte automatique de données de potentiel matriciel du sol au laboratoire existent en utilisant des systèmes d’acquisition de données. Ceux construits par Campbell Scientific (2016) permettent de brancher un système de capteurs de pression connectés à des tensiomètres pour enregistrer des mesures de teneur en eau dans le temps. Toutefois, la mesure simultanée du potentiel matriciel et de la teneur en eau du sol permet d’établir les courbes caractéristiques d’humidité en sorption et en désorption pour diverses analyses physiques.

1.4.2. Méthode de profil instantané

La méthode de profil instantané ou méthode de drainage interne a été conçue pour déterminer les propriétés de conductivité hydraulique et de rétention d’eau d’un profil de sol qui se draine à partir d’un état initialement saturé. Elle est la méthode expérimentale la plus populaire pour la caractérisation hydraulique in situ. Elle permet d’établir, à partir de mesures simultanées de l’évolution de la teneur en eau et du potentiel matriciel du sol à des endroits bien déterminés du profil les courbes K(θ), K(ψ) (Reynolds, 2007). Ces deux fonctions désignent respectivement la fonction de conductivité hydraulique suivant les deux caractéristiques mesurées. Reynolds (2007) présente étape par étape les procédures à suivre pour déterminer directement les fonctions de conductivité hydraulique au champ et discute des forces et faiblesses de la méthode de profil instantané. L’une des premières utilisations de cette

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méthode au laboratoire sur des colonnes de sol (Watson, 1966) a permis de confirmer l’applicabilité de la loi de Darcy à des écoulements d’eau dans des milieux poreux non saturés. Après l’application au champ de la méthode décrit par Watson (1966), Hillel et al. (1972) ont conclu que la méthode de profil instantané peut être utilisée dans la détermination de la conductivité hydraulique non saturée du profil de sol non homogène présentant deux ou plusieurs couches distinctes, en absence d’écoulement latéral significatif. Cependant, Baker et al. (1974) discutent des limites de l’applicabilité de la méthode au champ (à cause de problèmes d’inexactitude de mesures de certaines sondes, présence d’écoulement latéral considérable). Ils arrivent en partie à la conclusion précédente et que de plus, la méthode serait applicable au sol relativement homogène dans lequel on peut observer un écoulement vertical durant la phase de drainage du profil saturé. Ils suggèrent qu’une perturbation du sol pourrait être nécessaire dans le cas des sols non homogènes ou avec écoulement latéral.

Il existe jusqu’à présent très peu de littérature sur l’utilisation de la méthode de profil instantané pour la détermination par des méthodes directes de la fonction de conductivité hydraulique des sols organiques cultivés. Une des raisons qui pourraient y être associées est leur grande perméabilité. Cependant, l’applicabilité de la méthode pourrait varier d’un type de sol à un autre, dépendamment du niveau de développement, du niveau de consolidation du sol et des conditions de réalisation de l’expérimentation. Des mesures en laboratoire sur des échantillons de profil de sol pourraient permettre de contrôler l’influence des écoulements latéraux. Des mesures directes au champ pourraient ne pas permettre de contrôler l’influence de la variabilité spatiale des sols et des écoulements latéraux en même temps.

1.4.3. Caractérisation hydraulique des sols par méthode inverse (modélisation inverse)

La modélisation inverse est une des méthodes mathématiques couramment utilisées pour étudier certains processus qui relèvent de la physique du sol et caractériser certains systèmes physiques. Les processus d’intérêt qui peuvent être étudiés au moyen de la modélisation inverse incluent les mouvements d’eau et de gaz dans le sol, le transport de particules et de contaminants, le transport de chaleur et le prélèvement d’eau dans un sol. La caractérisation des sols consiste à décrire certaines caractéristiques hydrologiques des sols. La grande applicabilité de la modélisation inverse vient du fait qu’elle peut facilement servir à estimer les paramètres des fonctions hydrauliques du sol en partant de la description d’un simple écoulement transitoire. Les conditions d’écoulement uniforme pourraient être beaucoup plus hypothétiques pour certains sols. Par modélisation inverse, il est possible d’estimer

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simultanément avec une bonne exactitude les fonctions de rétention d’eau et de la conductivité hydraulique non saturée du sol à partir de données expérimentales (Valiantzas et Kerkides, 1990). Cette estimation se fait par la résolution par une méthode numérique de l’équation de Richards en minimisant les écarts entre les variables mesurées et les variables estimées par un modèle. La détermination de ces deux caractéristiques hydrauliques est très utile à l’analyse des mouvements d’eau dans un profil de sol. Hopmans et coll. (2002) discutent de la théorie et des applications de la modélisation inverse. Ils revoient particulièrement le raffinement de la méthode inverse au cours du temps avec son application en physique du sol au laboratoire et au champ. Ils décrivent également quelques modèles hydrauliques utilisés pour décrire les mouvements d’eau dans le sol.

Il est possible de décrire et de caractériser le processus d’écoulement de l’eau dans les milieux poreux. Pour décrire le mouvement d’eau vertical en une dimension avec Hydrus 1D, on se sert de l’équation de Richards (voir équation 1 ci-dessous) qui considère plusieurs variables dont la variation dans le temps de la teneur en eau du sol. Elle tient également compte de la conductivité hydraulique du sol et des changements de gradient hydraulique en respectant certaines hypothèses spécifiques à des facteurs pouvant influencer les flux d’eau dans le sol (Hopmans et al., 2002). Dans cette équation, qui peut être résolue par des méthodes numériques, h désigne le potentiel matriciel du sol [L], K désigne la conductivité hydraulique non saturée [LT-1], θ désigne la teneur en eau volumique [-]. La variable t

désigne le temps [T], z désigne la position verticale [L]. Pour décrire les fonctions hydrauliques caractéristiques du sol on peut se servir de plusieurs modèles comme énumérés en début de cette section. Pour cette étude, on se limite aux fonctions hydrauliques décrites par van Genuchten (1980) basées sur le modèle de Mualem (1976) (voir équation 2 et 3 ci-dessous) compte tenu du nombre de paramètres à ajuster dans Hydrus 1D. Cependant, le nombre de paramètres à ajuster dans Hydrus 1D augmente en utilisant les formes bimodale et trimodale bien que les deux permettent une bonne description du comportement hydraulique des sols organiques (Weber et al., 2017). Dans les équations 2 et 3, α [L-1], n [-] et m [-] sont des paramètres à estimer par optimisation d’une fonction objective pour

décrire les fonctions hydrauliques du sol. Les lettres r et s désignent respectivement résiduelle et saturée. L’augmentation du nombre de paramètres hydrauliques à estimer et l’utilisation de séries de données de grande taille comme dans le cas des profils de sol ayant plusieurs couches distinctes peuvent résulter en un problème inverse mal-posé. Une telle situation pourrait rendre difficiles le processus d’optimisation des paramètres du modèle hydraulique choisi et sa convergence vers une solution unique (Zijlstra et Dane, 1996).

21 𝜕𝜃 𝜕𝑡

=

𝜕 𝜕𝑧

[𝐾(ℎ) (1 +

𝜕ℎ 𝜕𝑧

)]

[Équation 1]

𝐾(ℎ) =

{(1− (𝛼ℎ)𝑛−1 [1+ (𝛼ℎ)𝑛]−𝑚)} 2 [1+ (𝛼ℎ)𝑛]𝑚2 [Équation 2] 𝜃− 𝜃𝑟 𝜃𝑠− 𝜃𝑟

= [

1 1+ (𝛼ℎ)𝑛

]

𝑚 avec m = 1 – 1/n [Équation 3]

L’utilisation de la modélisation amène généralement à une bonne compréhension de certains processus hydrologiques (ex. transport des contaminants chimiques dans la zone vadose jusqu’aux nappes d’eau souterraine) qui se passent dans le sol et permet également de faire de bonnes prédictions. Mis à part les premiers travaux en physique des sols de Boelter (1965 ; 1966) concernant l’étude de propriétés hydrauliques des sols organiques, les travaux de da Silva et al. (1993) sont parmi ceux qui se servent de modèles hydrauliques pour décrire le comportement de substrats de culture tirés des sols organiques. Il suggère que la connaissance des propriétés hydrauliques pourrait aider à prédire la disponibilité de l’eau dans les substrats de culture et d’optimiser l’utilisation de l’eau apportée aux plantes par le biais de l’irrigation. Weiss et al. (1998) ont utilisé cette approche par modélisation pour décrire et caractériser plusieurs types de sols organiques et ont testé certains modèles de rétention d’eau (déjà existants pour les sols minéraux) en utilisant des mesures de variables effectuées sur des échantillons de sols organiques. Néanmoins, ils ont conclu que le modèle hydraulique de van Genuchten (1980) est le plus adapté à cet effet. Ce modèle hydraulique a prédit avec une bonne exactitude l’humidité proche de la saturation.

Très peu de travaux utilisant la méthode indirecte d’estimation des propriétés hydrauliques des sols organiques existent dans la littérature. Les plus récents (Schwärzel et al., 2002;2006 ; Gnatowski et al., 2010 ; Hallema et al., 2015 ; Weber et al., 2017) ont permis de caractériser certaines propriétés hydrauliques des sols organiques par l’utilisation de certains modèles. Des différences majeures dans les propriétés hydrauliques sont survenues d’un sol à un autre en fonction de son niveau de développement. Schwärzel et al. (2006) ont utilisé la méthode inverse pour estimer les paramètres des fonctions hydrauliques caractéristiques des sols organiques à partir de variables mesurées au laboratoire et au champ. Dans les deux cas d’étude, ils ont obtenu une bonne corrélation avec les deux résultats d’estimation. Les caractéristiques de rétention d’eau du sol et de conductivité hydraulique non saturée permettent de réaliser le diagnostic et la description du processus de drainage et de

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l’écoulement de l’eau dans la zone non saturée du profil de sol. La stratification des profils de sol concernés par cette étude et les problèmes de drainage résultant, incluant la formation de nappe perchée ont permis d’élaborer ces hypothèses et objectifs suivants.

1.5. Hypothèses de recherche