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Modélisation de la physique des roches du champ Jobo

Modèles de physique des roches ou pétro-acoustiques

4. Modélisation de la physique des roches du champ Jobo

La Figure 2.4 représente la vitesse de compression (Vp) en fonction de la porosité pour les sables propres de l’intervalle G du champ Jobo. On peut voir clairement deux tendances parallèles : une avec des vitesses plus fortes (environ 2850 m/s) pour les puits A et B, et une autre avec des vitesses plus faibles (environ 2630 m/s) pour le puits C, c'est-à-dire une différence de vitesse entre les deux tendances d’environ 220 m/s. Les courbes superposées montrent la limite de Reuss (ligne noire) et les modèles 1) non consolidés (ligne marron), 2) d’augmentation de la cimentation entre grains (ligne cyan) et 3) de ciment constant entre grains (ligne bleue). Les trois derniers modèles sont calculés pour une porosité critique "c de 40%

et une porosité critique de grains cimentés "b de 39%. La Figure 2.5 montre le même graphique pour l’intervalle C, où les points sont mieux ajustés aux modèles précédents. Dans ce cas, la partie inférieure de l’intervalle C du puits A tombe sur le domaine non consolidé, comme le puits C. Le moins bon calage des données aux modèles pour l'intervalle G peut être dû à une légère augmentation du gradient de la pression de surcharge qui augmente le contact entre grains, ce qui entraîne l’augmentation de la vitesse. Une autre cause possible peut être la présence d’une quantité minime (presque négligeable) de ciment de quartz sur les grains.

Malheureusement aucune de ces hypothèses ne peut être vérifiée parce qu’il n'y a pas de données de carottes disponibles pour les puits B et C.

En ce qui concerne l’intervalle C, il existe deux niveaux d’arrangement des grains dans le champ Jobo, l’un de grains non consolidés, représenté par les puits A et C dans les intervalles B2 (non montré) et C inférieur, et l’autre de grains très légèrement consolidés par la présence de ciment de quartz sur leur pourtour aux puits B et A (hors B2 et C inférieur). Les deux types d’arrangement diminuent la porosité de la roche à cause de la présence de petits grains d’argile, principalement kaolinite, entre les pores.

Ces observations ont été vérifiées par les analyses de carottes, comme les présente la Figure 2.6, où les lames minces montrent la différence de consolidation entre les intervalles, supérieur et inférieur, de C pour le puits A. Le premier correspond à un sable peu consolidé avec un certain contact entre les grains de petite taille à cause de la présence de ciment de quartz autour des grains, tandis que le deuxième correspond à un sable à gros grains de quartz avec un très faible (presque nul) contact entre eux. La Figure 2.7 montre la même section que la Figure 2.6 vue à la microscopique électronique, qui fait ressortir la surface de surcroît du quartz et la présence de kaolinite qui connecte les grains. D’après le modèle d’Hertz-Mindlin, les modules d’incompressibilité et de cisaillement (respectivement Vp et Vs) sont proportionnels au nombre de coordination ou de contact entre grains, C. Une augmentation du contact entre grains, même très faible, résulte donc en une augmentation de vitesse (Dvorkin et Nur, 1996 ; Avseth et al., 2000). Sur le champ Jobo, la réduction de porosité d’environ 1% ("c-"b) à cause de la présence de ciment produit une augmentation de la vitesse d’environ 220 m/s. Des résultats similaires ont été publiés par Avseth et al. (2000) pour un réservoir de la Mer du Nord, où 2%

de réduction de la porosité à cause du ciment entre les grains entraîne une augmentation de la vitesse de 500 m/s. Notre résultat est très important parce qu’un écart de 220 m/s (environ 8%) de vitesse peut causer une réponse sismique très différente, comme on le montrera dans la section sur la modélisation AVO (chapitre 3).

Figure 2.4 : Modèles de physique des roches pour l’intervalle G. Limite de Reuss et les modèles : non consolidés ("c=40%), d’augmentation de ciment et de ciment constant ("b=39%).

Figure 2.5 : Modèles de physique des roches pour l’intervalle C. Limite de Reuss et les modèles : non consolidés ("c=40%), d’augmentation de ciment et de ciment constant ("b=39%).

Figure 2.6 : Lames minces sur carottes, qui montrent la différence de consolidation et de taille de grains au niveau de l’intervalle C du puits A : a) 1108 m (C supérieur)

et b) 1144 m (C inférieur).

Figure 2.7 : Lames minces en microscopie électronique de 7a), montrant le surcroît de quartz et la présence de kaolinite entre les grains de quartz.

Dans le cadre de la discrimination des lithologies et des fluides, un graphique appelé Rock Physics Templates (Avseth et al., 2005) représente le rapport !"#!$ en fonction de l’impédance acoustique %", superposé aux modèles non consolidés des constituants de la roche. La Figure 2.8 présente ce graphique pour le puits A. La ligne grise représente le modèle non consolidé de l’argile (roche constituée par 100%

d’argile) et la ligne bleue celui du sable avec une saturation d’eau Sw de 100%. Les lignes de couleur qui partent du modèle non consolidé du sable représentent le même modèle, chacune pour une porosité totale fixée, la saturation d’eau variant de 0% à 100%. Ces lignes sont estimées à partir des équations des modules d’incompressibilité et de cisaillement du modèle non consolidé (2.10, section 3), puis

en leur appliquant les équations de substitution de fluides de Gassmann (Gassmann, 1951 ; Avseth et al., 2005) afin d’estimer Ip et Vp/Vs pour les différentes saturations d’eau.

Figure 2.8 : Rock Physics Templates (Ip vs Vp/Vs) du puits A.

Les équations de Gassmann permettent d’estimer le module d’incompressibilité de la roche saturée en fluide Ksat à partir des modules d’incompressibilité du minéral constituant de la roche Km, du fluide saturant de la roche Kf, du module d’incompressibilité de la roche sèche Kdry et de la porosité " :

(2.13) Le module de cisaillement de la roche saturée µsat est égal au module de cisaillement de la roche sèche µdry, car les ondes S ne se propagent pas dans le fluide. La densité de la roche saturée !sat devient :

(2.14) où !f est la densité du fluide et !m est la densité du minéral constituant.

Dans le cas de deux ou plus minéraux constituant la roche, on estime un Km

effectif en utilisant la moyenne de Hill, la moyenne arithmétique des moyennes de

Voigt et de Reuss (Mavko et al.,1998); et s’il y a au moins deux fluides saturants, Kf

effectif est obtenu à partir de la moyenne de Reuss.

Le modèle de l’argile suppose une roche composée à 100% de kaolinite (K=17 GPa et !=7,5 GPa), saturée à 100% d’eau et d’une porosité critique "c de 70%. Dans le cas du modèle du sable, la roche est composée à 100% de quartz (K=39 GPa et

!=44 GPa), saturée à 100% d’eau et avec une porosité critique "c de 40%. Le choix de la kaolinite et du quartz comme uniques minéraux constituant respectivement l’argile et le sable, est le résultat de l’analyse de la carotte du puits A qui montre que ces minéraux représentent plus de 90% des argiles et des sables du réservoir.

Il faut noter que l'huile lourde au dessous d’une certaine température (d’environ 60ºC) peut se conduire comme un quasi-solide (Batzle et al., 2006). Dans ce cas le module de cisaillement de l’huile n’est pas négligeable par rapport à celui de la roche. En conséquence, !dry!!sat, ce qui est en contradiction avec un des résultats des équations de Gassmann.

Dans le cas du réservoir Morichal, l’huile lourde de degré API égal à 10° est à une température de 64°C, ce qui entraîne une valeur pour le module de cisaillement du fluide !f d’environ 0,3 GPa, selon les mesures de laboratoires de Batzle et al. (2006) (Figure 2.9). Cette valeur est négligeable en comparaison avec les modules de cisaillement des principaux composants de la roche du réservoir (sable et kaolinite).

Han et al. (2007b) montrent aussi que, pour une température supérieure à 60°C, Vs

est proche de zéro. Par conséquent, !dry=!sat et les équations de Gassmann sont valides pour le réservoir Morichal. Dans le cas où l'huile lourde serait quasi-solide (Température < 60 °C), il faudrait la traiter comme un deuxième squelette (différent de la partie minéral) qui remplit les pores et contribue au terme de Kdry de la roche totale (Ciz et Shapiro, 2007).

L’impédance acoustique Ip est réputée être un bon discriminant des lithologies et plus ou moins des fluides, car elle augmente quand la roche devient plus dure ou moins poreuse et elle diminue quand la roche devient moins consolidée, plus poreuse ou si le fluide dans la roche est moins dense (Domenico, 1976 ; Castagna et al., 1985 ; Mavko et al., 1998). Par ailleurs, le rapport Vp/Vs est connu comme un excellent discriminateur de fluides puisque lorsque l’huile remplace l’eau dans le réservoir, Vp diminue mais Vs est insensible au changement de fluides (sauf dans le cas de huile lourde très visqueuse) (Gassmann, 1951 ; Domenico, 1976 ; Mavko et al., 1998) ; donc une roche saturée en huile a un rapport Vp/Vs plus faible que la même roche saturée en eau. De cette façon, la Figure 2.1 montre clairement que les sables poreux (points jaunes) ont un rapport Vp/Vs plus faible que les autres lithologies. Les points qui tombent au dessous de la ligne du modèle non consolidé (ligne bleue) représentent les sables très poreux et fortement saturés en huile de B2 et C inférieur, tandis que les autres points jaunes, rouges et verts au dessus de la ligne représentent les sables moins poreux et moins saturés en huile des autres intervalles. L’argile et le charbon sont principalement groupés autour de la ligne du modèle d’argile. Les sables argileux (points verts) qui tombent autour de la ligne du modèle d’argile et les argiles qui tombent près du modèle du sable sont des points à la limite entre les classes de faciès des sables argileux et des argiles sableuses (chapitre 1, section 3). Cette limite est toujours très difficile à déterminer à cause de la similarité entre les propriétés élastiques et pétrophysiques des deux faciès. Un argument similaire explique les points rouges des sables qui tombent au dessus de

la ligne du modèle d'argile : il s'agit de sable à la limite entre cette classe et la classe de sable argileux.

Figure 2.9 : Modules d'incompressibilité K et de cisaillement ! de l'huile lourde en fonction de la température (Modifiée de Batzle et al., 2006). On observe qu'à une température supérieure à 60 °C la valeur de ! est négligeable (<0,3 GPa) par rapport à ! du minéral.

5. Discussion des résultats

Les résultats précédents montrent les caractéristiques particulières des sables non consolidés du réservoir Morichal. En premier lieu, ce type de lithologies doit être traité à l’aide du modèle de la théorie d’amas de sphères comme celui d’Hertz-Mindlin et de ses modèles dérivés : non consolidé, augmentation de la cimentation entre grains et ciment constant entre grains. Ces ensembles de modèles permettent d’expliquer le comportement mécanique du réservoir et la variation des propriétés élastiques par rapport aux lithologies, propriétés pétrophysiques et types de fluides.

Les deux niveaux de consolidation observés sur les Vp aux puits indiquent aussi deux types de roches réservoir avec une porosité similaire, mais une saturation d’huile plus forte pour la roche moins consolidée, ce qui entraîne une meilleure qualité comme réservoir. Donc, cette différence de vitesse est due à un processus de sédimentation. Cela ne doit pas être confondu avec une variation de vitesse due à un mouvement de fluides, conséquence de la production d’hydrocarbure, qui peut être du même ordre de grandeur.

Finalement, on a observé que Ip et le rapport Vp / Vs sont de bonnes variables discriminantes des lithologies et des fluides et pourraient être exploitées dans un cadre d’inversion sismique (Connolly, 1999). De plus, grâce aux modèles de physique des roches, on peut lier Vp (ou Ip) à la porosité et ainsi utiliser les données sismiques comme variable secondaire pour l’habillage en porosité du réservoir au moyen d’un cokrigeage géostatistique par exemple. !

Chapitre 3 :