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Modélisation du phénomène biologique

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Apprentissage temporel par STDP

1. Article : « Neurons tune to the earliest spikes through STDP »

3.2. Modélisation du phénomène biologique

Il y a cependant une grande différence par rapport à la manière dont la STDP a été mise à jour expérimentalement. Dans toutes les expériences décrites ci-dessus, une modification du poids synaptique est le résultat de répétitions soutenues des stimulations (par exemple une soixantaine de fois chez Bi & Poo, 1998 ou Froemke & Dan, 2002). Or dans notre modèle, comme dans la plupart des autres, une seule stimulation suffit à produire un effet sur les connexions synaptiques, ce qui appelle plusieurs remarques.

Premièrement, l’expérimentation a mis à jour ce phénomène de STDP sur une synapse seule, alors qu’ici nous nous sommes efforcés d’en prédire les effets pour un ensemble de synapses connectant plusieurs neurones présynaptiques à un seul neurone postsynaptique. Nous avons supposé que la STDP, telle qu’observée in vitro, pouvait s’étendre à un ensemble de synapses d’un même neurone. Chaque paire d’EPSP-impulsion postsynaptique s’appliquerait alors à autant de synapses et une seule décharge. Nos résultats suggèrent alors que si dans un premier temps aucune modification synaptique ne serait observable, en revanche, à force de stimulations, il arriverait un moment où les afférences les plus tardives commenceraient à être potentialisées. En poussant encore les stimulations, la LTP viendrait potentialiser des afférences un peu plus précoces et la LTD déprimer celles qui venaient d’être renforcées. Au final, l’expérimentateur devrait observer la potentialisation sélective des afférences les plus précoces. Mais comme pour toute prédiction théorique, celle-ci demande à être vérifiée expérimentalement avant que de constituer un fait scientifique.

Une deuxième remarque rejoint la première car elle concerne, cette fois directement, la question de la rapidité des changements. Comme il est rappelé ci-dessus, les modifications graduelles sont instantanées dans notre modèle alors qu’elles résultent d’une simulation soutenue dans les expériences menées in vitro. C’est effectivement une grande simplification, mais nous noterons ici que celle-ci se retrouve dans la plupart des travaux théoriques menés sur la STDP, notamment ceux qui ont mis à jour ses propriétés computationnelles les plus importantes (par exemple, Gerstner, Kempter, VanHemmen & Wagner, 1996 ; Song, Miller & Abbott, 2000 ; VanRossum, Bi & Turrigiano, 2000). Nous touchons donc les limites de la modélisation quant à la fidélité de la simulation avec le phénomène biologique.

Troisièmement, les taux de décharge des stimulations peuvent aussi avoir un effet sur la quantité de modifications induite par la STDP : en-dessous de 10Hz par exemple, il ne pourrait y avoir de potentialisation (Sjostrom, Turrigiano & Nelson, 2001). Cela remettrait en question nos résultats dans la mesure où l’absence de potentialisation empêcherait, éventuellement, la STDP d’atteindre les afférences les plus précoces. Cette question n’a pas été abordée directement dans ces travaux, qui ne prenaient en compte essentiellement que les latences des impulsions reproductibles. Mais nous pouvons essayer d’y répondre en considérant que les latences courtes auront tendance à être associées à des taux de décharge élevés ; et inversement, les latences longues à de faibles

fréquences. Donc la disparition de LTP dans des régimes de décharges relativement faibles, tels qu’en-dessous de 10Hz, ne concerne que des afférences aux latences longues. Or ce sont les plus précoces qui sont sélectionnées, soit celles qui correspondraient à de fortes décharges, pour lesquelles la STDP est conservée telle quelle. De ce point de vue, nous pouvons donc supposer que nos résultats restent inchangés.

Enfin, même dans le champ expérimental, les mécanismes impliqués par la production de STDP restent controversés (Lisman & Spruston, 2005). Il a par exemple été longtemps admis que le potentiel d’action postsynaptique était primordial au déclenchement des régulations observées (Markram, Lubke, Frotscher & Sakmann, 1997 ; Magee & Johnston, 1997) : sa rétropropagation dans l’arbre dendritique agirait alors comme un signal informant les synapses sur le moment de la décharge, et elles pourraient alors être potentialisées, ou affaiblies, en conséquence. Or des résultats plus récents ont montré que la LTP pouvait être induite alors même que la rétropropagation du potentiel d’action était bloquée (Golding, Staff & Pruston, 2002 ; Stiefel, Tennigkeit & Singer, 2005). Cela n’a pas de conséquence directe sur nos résultats, car nous nous en sommes tenus à une forme de STDP classique, modélisée aussi simplement, et justement, que possible. Mais cela montre que de chercher à la décrire d’une manière très fine pourrait s’avérer contre-productif au fur et à mesure que la recherche expérimentale avance.

Nous conclurons donc en soulignant bien que les résultats avancés ici sont bien avant tout computationnels, et d’inspiration biologique plutôt que de correspondre stricto sensu à une réalité difficile à saisir dans toute sa complexité. Les prédictions de ce modèle restent donc à vérifier pleinement dans le champ expérimental. Mais, comme nous le verrons par la suite, l’application de cette stratégie temporelle d’apprentissage dans des réseaux ascendants de neurones impulsionnels asynchrones va s’avérer computationnellement puissante, et va permettre, éventuellement, de mieux comprendre le traitement visuel rapide.

4. Conclusions

Nous avons montré comment des synapses réparties spatialement peuvent apprendre à intégrer une vague d’impulsions reproductibles émises par une population afférente et produire une réponse rapide et sélective au niveau du neurone postsynaptique, et ce même en présence du bruit environnant. En conséquence, que la STDP amène naturellement un neurone à répondre

rapidement et sélectivement à partir des toutes premières impulsions reçues dans ses afférences soutient l’idée selon laquelle même des tâches complexes de catégorisation visuelle rapide peuvent être effectuées sur la base d’une seule vague asynchrone d’impulsions (VanRullen & Thorpe, 2002). D’un côté, avec un codage par latence, les neurones seraient en mesure d’émettre l’information la plus importante en premier (VanRullen & Thorpe, 2001c). Et d’un autre, avec de la STDP, un neurone apprendrait à faire attention aux décharges qui arrivent en premier (Guyonneau, VanRullen & Thorpe, 2005). Ainsi, bien qu’étant séparés dans l’espace et ne disposant que des potentiels d’action pour communiquer, une population de neurones afférents et un neurone postsynaptique s’accorderaient sur un même principe de codage, pour ce qui est du traitement visuel rapide. Reste à savoir maintenant si ce résultat peut s’étendre à une population de neurones efférents ; si, notamment, ces neurones deviennent sélectifs et le cas échéant, à quoi ceux-ci deviennent sélectifs. Mais avant de répondre à ces questions, nous allons d’abord commenter le résultat présent du point de vue de la décharge postsynaptique, puis introduire une mesure de l’avancement de l’apprentissage qui nous permettra d’étendre cette forme d’apprentissage temporel à des populations de neurones.

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