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Modélisation numérique de la dispersion des rejets en profondeur de la baie de Tanger via l’émissaire marin

Application à la pollution de la baie de Tanger

V.5 Modélisation numérique de la dispersion des rejets en profondeur de la baie de Tanger via l’émissaire marin

En profondeur de la baie de Tanger, les rejets issus de la station de prétraitement transitent par l’émissaire marin et sont émis à une profondeur de -50m en dessous de la surface libre. L’effluent (eau douce) de cet émissaire sort tangentiellement au fond marin sur lequel il est posé horizontalement. Ainsi, sa configuration (Fig. V.15) est physiquement similaire à un jet flottant turbulent pariétal et horizontal.

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Sous les couches surfaciques de la baie, les eaux sont peu renouvelées et l’hydrodynamisme est faible. Ainsi, à des profondeurs de l’ordre de -50m on pourrait considérer la baie comme étant un milieu ambiant statique et homogène. Dans cette partie, on a donc recours directement au chapitre précédent («Étude numérique et expérimentale en Boussinesq d'un jet flottant turbulent pariétal et horizontal d'eau douce dans un milieu statique et homogène d'eau salée) pour l’étude du comportement de l’effluent de l’émissaire. Les résultats numériques et expérimentaux issus du chapitre précédent représentent les résultats d’une maquette à l’échelle de 1/300 de la configuration réelle (Fig. V.15) de l’émissaire de la baie de Tanger.

Pour un milieu ambiant salé d’une salinité de 36g/l (la même salinité des eaux côtières de la baie de Tanger), on présente respectivement, sur les figures V.36, V.37 et V.38 un extrait des résultats du chapitre IV pour les limites, la trajectoire, le rayon et la longueur d’attachement d’un jet flottant turbulent pariétal et horizontal. Toutes les interprétations correspondantes à ce type d’écoulement sont données dans le chapitre IV, section 4. On a montré que pour ce taux de salinité, le jet a tendance à s’attacher plus au fond marin, ce qui pose le problème de la pénétration des matières polluantes suspendues dans son effluent dans les couches du fond marin et la pollution de la nappe phréatique de la baie. La variation de la longueur d’attachement L de l’effluent de ce type d’écoulement est présentée sur la figure IV. 18 du chapitre IV. Cette figure nous permet de prévoir la longueur L en fonction des conditions initiales d’éjection, représentées par le nombre de Froude initial Fr. D’après ces résultats, l’effluent de l’émissaire doit parcourir une distance L sur le fond marin avant qu’il remonte vers la surface libre sous l’effet de flottabilité (chapitre IV).

Fig. V.36. Résultats numériques et expérimentaux des limites du jet flottant turbulent pariétal

et horizontal pour une éjection de l’eau douce avec U0=1.31 m/s, Re=5700 et Fr=44, dans un

milieu statique et homogène d'eau salée d’une salinité de 36g/l 0 20 40 60 80 0 20 40 60 80 100 120 140 y/d x/d Expérimental Numérique

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Fig. V.37. Résultats numériques et expérimentaux de la trajectoire centrale du jet flottant

turbulent pariétal et horizontal pour une éjection de l’eau douce avec U0=1.31 m/s, Re=5700

et Fr=44, dans un milieu statique et homogène d'eau salée d’une salinité de 36g/l

Fig. V.38. Résultats numériques et expérimentaux du rayon du jet flottant turbulent pariétal et

horizontal pour une éjection de l’eau douce avec U0=1.31 m/s, Re=5700 et Fr=44, dans un

milieu statique et homogène d'eau salée d’une salinité de 36g/l 0 20 40 60 80 0 20 40 60 80 100 120 y/d x/d Expérimental Numérique 0 5 10 15 20 25 0 20 40 60 80 100 120 r/d x/d Expérimental Numérique

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V.6 Conclusion

Dans les chapitres précédents, on a traité et analysé en échelle réduite, la phénoménologie de la dispersion de rejets via des jets flottants turbulents et horizontaux (à configuration libre ou pariétale). Compte tenu de toutes les interprétations tirées de ces chapitres, on a présenté dans le chapitre actuel une modélisation à grande échelle du processus côtier de la dispersion de rejets, en présence des courants marins et sous l’effet de la bathymétrie, dans un milieu marin. L’application de cette modélisation a concerné le problème de la pollution de la baie de Tanger au Maroc par les rejets des oueds qui y débouchent.

Ce processus côtier est étudié moyennant un modèle mathématique basé sur les équations de Navier-Stokes et le modèle de turbulence k- standard pour un écoulement incompressible avec l’approximation de Boussinesq. La résolution numérique de ce modèle a été faite par la méthode des volumes finis. En répertoriant les différents paramètres géographiques, physiques et hydrodynamiques de la baie de Tanger, on a présenté des simulations de la dispersion des rejets dans la baie pour un temps caractéristique allant d’une heure à 48 heures suivant les périodes des courants de la marée semi-diurne qui caractérise la baie.

Par une modélisation bidimensionnelle, jugée primordiale pour une prédiction générale de l’écoulement, on a simulé le processus de dispersion des rejets sur la surface libre en hiver et en été. Les débits des oueds changent entre ces deux périodes de l’année et les résultats ont révélé une dispersion plus rapide et plus dense durant la saison hivernale. Cette dispersion prend la forme de structures tourbillonnaires au niveau des embouchures des oueds, qui se propagent vers le large de la baie sous l’effet de l’interaction des rejets entre eux et des courants de flux et de reflux de la marée.

Par la modélisation tridimensionnelle, on a tenté de mieux approcher les écoulements réels dans la baie en tenant compte cette fois-ci de la bathymétrie. Ainsi, on a étudié l’interaction de cette dernière avec les courants engendrés par la marée et les variations des débits des différents oueds (en hiver, soit la période la plus défavorable). En comparaison avec le modèle bidimensionnel, le suivi de l’évolution du panache des rejets en surface libre de la baie a révélé une dispersion plus dense près des embouchures et limitée par les pentes de la bathymétrie du fond. Au-delà de ces pentes, le panache devient de plus en plus dilué et transporté dans le sens des écoulements de la marée.

L’écoulement généré par les rejets des oueds est physiquement similaire au cas des jets ronds turbulents en interaction. Cette dernière est due à la formation de structures tourbillonnaires qui résultent des grands gradients de vitesse dus aux apports d'eau douce des oueds. Ces gradients représentent un forçage interne aux masses d'eau, issu essentiellement des différences de densité dues aux gradients de salinité et de température entre l'eau salée de la baie et l'eau douce des rejets.

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Nos résultats numériques décrivant l’hydrodynamique de l’écoulement des rejets des oueds dans la baie ont été validés qualitativement par des comparaisons avec les résultats expérimentaux d'études géochimiques. Cette validation a tenté de comparer les zones analysées par les tests in-situ, avec les zones de localisation des rejets détectées par les simulations numériques. Une autre validation a été faite par une comparaison avec une photo satellitaire Spot XS de l'état de la baie vis-à-vis les rejets des eaux douces. Ces comparaisons révèlent un accord très intéressant et se rapprochent bien de la réalité.

La simulation en échelle réelle du processus a constitué un défi dont le temps de calcul était un facteur contraignant. En effet, dans le modèle de la baie de Tanger, nous avons respecté fidèlement la bathymétrie et les différents détails de la géométrie avec un maillage très bien adapté. Ainsi le temps de calcul a duré de 10 jours environ pour une heure du temps réel du processus. Pour approfondir encore la modélisation de ce dernier, on prévoit comme perspective de prendre en compte l’effet du vent avec les variations de l’élévation de la surface libre.

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