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4.2.2.2 Le Zuki au karaté

Le Choku Zuki, qu’on abrégera en Zuki par la suite, est le coup de poest le coup de poing fondamentaling fondamental du karaté. C’est d’ailleurs généralement la première technique apprise sur un dojo. Beaucoup de gestes de karaté découlent de ce mouvement fondamental, de sorte qu’un karatéka ne cesse de perfectionner son Zuki au cours de sa vie de sportif.

Le Zuki requiert une forte synchronisation des deux bras. Alors que le premier se retire en position armée contre la hanche, le second frappe simultanément tout en suivant une trajectoire linéaire qui se termine face au sternum. Les deux bras doivent être très relâchés. En théorie, toute la force provient de la rotation des hanches et de la contraction des muscles abdominaux, synchronisés avec la respiration du karatéka. Les deux poignets doivent tourner de manière homogène durant le mouvement de telle sorte qu’ils aient pivoté de 180 à la fin du geste. Durant tout le mouvement les poings doivent rester fermés.

La figure 4.4 illustre en parallèle un mouvement de Zuki exécuté par un expert et enregistré par image, puis un Zuki expert enregistré et extrait par motion capture et vu sous plusieurs angles.

30 mouvements d’experts et 65 de novices ont été enregistrés et extraits par motion

capture au laboratoire M2S de Rennes. Ils ont été exécutés par 6 experts et 9 novices.

Ce mouvement a été notamment choisi pour la grande rigueur de synchronisme entre membres qu’il requiert.

4.3 Modélisation du mouvement expert

Tous les experts exécutent globalement le même geste. Pour autant, la vitesse d’exécution peut varier d’un sujet à l’autre, de même que le positionnement des membres. Toutes ces variabilités nécessitent une modélisation du geste expert afin de mener à bien la tâche d’évaluation d’un sujet novice. Dans un premier temps, nous allons donc modéliser un mouvement expert moyen, puis allons lui adjoindre une tolérance traduisant la variabilité admissible autour de ce mouvement dit “mouvement nominal” (terme repris de [72]).

4.3.1 Mouvement nominal

Afin de gommer les différences de vitesses d’exécution des mouvements experts, une première étape consiste à les recaler. Dans la mesure où ces mouvements sont considérés comme optimaux, le synchronisme entre les membres n’est pas remis en cause et le recalage des gestes est fait globalement, en considérant tous les membres du corps. Deux gestes X0(k) et X1(k) de durées M0 et M1 sont alignés grâce à une généralisation du DTW 1D à l’alignement multidimensionnel. La carte de distance d de composantes dk,k0, utilisée dans le DTW (équation 3.2), est donnée par :

dk,k0 =

A X

a=1

(a) Une séquence d’images d’un mouvement de Zuki (Youtube, 2015).

(b) Mouvement de Zuki squelettisé.

Figure 4.4 – Kinogramme d’un mouvement de Zuki.

où xai(k) représente la position 3D de l’articulation a, à l’instant k du geste i, comme défini page 74.

Un chemin de déformation φX0X1(k), k ∈ {1...K} est extrait, conformément à l’équa-tion 3.6 :

φX0X1(k) = (φX0

X0X1(k), φX1

X0X1(k)) (4.2)

La figure 4.5 illustre la déformation de deux services X0(k) et X1(k) relativement à leur chemin de déformation φX0X1 obtenu par DTW. Bien que les mouvements ne soient pas rigoureusement les mêmes, le DTW trouve un compromis qui minimise la distance cumulée totale entre les deux squelettes lors de leurs mouvements.

Pour rendre compte de tous les signaux et comme le DTW ne permet que l’alignement d’une paire de signaux, nous utilisons le DBA. Plus précisément, comme explicité dans la section 3.2, nous proposons d’utiliser le CDBA pour moyenner l’ensemble des gestes experts, afin de limiter les problèmes de chemins pathologiques évoqués dans le chapitre

4.3. MODÉLISATION DU MOUVEMENT EXPERT 81

Figure 4.5 – Deux services de tennis alignés par le DTW. Les deux premières lignes représentent sous forme de kinogrammes deux services de tennis de durées différentes, la troisième ligne superpose ces deux services une fois alignés par DTW.

précédent. Du CDBA (algorithme 2) résulte alors le geste nominal, nommé Xn(k) = {xa

n(k)}a=1...Apar la suite. Ce geste nominal peut être vu comme le geste moyen du jeu

de gestes experts alignés les uns avec les autres.

En aucun cas il ne fait office de geste parfait, il doit simplement être vu comme un outil mathématique et non comme un mouvement réel ; dans un premier temps parce que, de par sa mise en place, il ne conserve pas la structure morphologique du corps, et dans un second temps parce que le geste parfait n’existe pas et surtout pas en tant que moyenne de gestes corrects. À l’instar d’une gaussienne 1D modélisée par une moyenne et un écart-type, nous allons maintenant affiner la modélisation du geste expert par l’introduction d’une tolérance, image de la variabilité de chaque articulation autour de la position de la même articulation du mouvement nominal.

4.3.2 Tolérance articulaire

Pour tenir compte des variabilités d’exécution des gestes par les experts, on introduit la tolérance. La qualité d’un mouvement dépend donc de la tolérance accordée à chaque articulation autour de sa position nominale. Cette tolérance, bien sûr, dépend du mouve-ment étudié. Typiquemouve-ment, le positionnemouve-ment du pied lors d’un coup de pied de karaté demande bien plus de précision spatiale que le positionnement de ce même pied lors d’un lancer au basket-ball. Cette tolérance dépend bien évidemment aussi de l’articu-lation considérée et du temps. Les entraîneurs sportifs parlent d’ailleurs bien souvent de positionnement instantané (posture) plutôt que global : on dira par exemple souvent que le tronc de l’athlète de saut de haies doit être le plus bas possible lorsque la jambe est à l’horizontale au-dessus de la haie, plutôt que de parler de la trajectoire totale de

la jambe lors du franchissement.

Reprenant les travaux du chapitre précédent, nous ajoutons au moyennage par CDBA un calcul de la tolérance, comme le fait l’algorithme 3, généralisé au moyennage de séries temporelles à plus haute dimension. De fait, la tolérance σan(k) est calculée pour chaque articulation a et à chaque instant k comme la matrice de covariance des positions de cette même articulation parmi toutes les données expert recalées sur le geste nominal. On notera Σn(k) = {σna(k)}a=1...A. Là encore, afin de réduire la complexité en temps de calcul, les termes non diagonaux des matrices de covariance 3 × 3 sont négligés.

La figure 4.6 montre deux tolérances spatiales du poignet et de la hanche à un instant donné d’un mouvement. Notez la grande différence de tolérance accordée à chacune de ces deux articulations.

Figure 4.6 – Tolérance spatiale du poignet gauche (en jaune-vert) et de la hanche droite (en bleu) à un instant k donné. Le mouvement nominal à cet instant est illustré en noir opaque, et correspond à la moyenne des gestes alignés, en gris sur la figure. Pour plus de lisibilité, les tolérances affichées correspondent à 3 × σna(k) à titre illustratif.