• Aucun résultat trouvé

1.3.1 But de la modélisation hydrologique

L’hydrologie est avant tout une science de l’observation. Cependant l’accès à l’ensemble des variables à tout instant au sein du bassin est une utopie. Cela rend compliqué voire impos-sible la quantification exacte des échanges hydriques sur le principe d’une modélisation fine purement physique. Afin de contourner ce problème, il est nécessaire de développer des outils plus conceptuels basés sur la compréhension globale du système. Étant données la complexité du fonctionnement d’un bassin versant et la variabilité de sa réponse selon l’échelle spatio-temporelle, les modèles hydrologiques sont rarement exhaustifs de l’ensemble des processus.

Outre les outils opérationnels, la modélisation des systèmes hydrologiques assiste la re-cherche. Par exemple une fois calibrés, les modèles peuvent permettre d’identifier les processus dominants et les non-linéarités lorsque appliqués sur d’autres périodes. En observant le com-portement du modèle vis-à-vis de la réalité, le modélisateur peut ensuite modifier sa structure afin de valider des hypothèses ou dans d’autres cas identifier des processus dominants (Braud et al., 2010). Plusieurs études récentes analysent le réalisme de différents modèles conceptuels telles que celles de Euser et al. (2013), Hrachowitz et al. (2014) à partir de la notion de

si-gnatures hydrologiques, soit "une expression de la réponse hydrologique issue de l’hydrogramme

à une échelle de temps donnée", où encore Fovet et al. (2015) à l’aide d’analyse d’hystérèses. Ces derniers ont par exemple utilisé quatre modèles de complexité croissante et montré que

les meilleures performances étaient obtenues avec le modèle le plus complexe. A la différence des trois autres modèles, ce dernier incorpore un compartiment zone humide riparienne ce qui dans ce cas démontre l’importance de la zone riparienne sur la réponse hydrologique du bassin versant.

La modélisation hydrologique a deux domaines d’application qui diffèrent par l’objectif opé-rationnel. En bassin versant jaugé, le but est de comprendre le fonctionnement hydrologique, et de reproduire au mieux la dynamique observée pour mieux la prédire. En bassin non-jaugé, la limitation voire l’absence de données rend la tâche plus complexe. Il s’agira dans ce cas de maxi-miser l’information fournie par la donnée, la connaissance dans le bassin versant et ailleurs, et de proposer des modèles suffisamment flexibles pour être transposés.

1.3.2 Approches de modélisation

La modélisation hydrologique traditionnelle est construite de telle sorte que le trajet de la goutte d’eau soit décrit dans le sens direct, de l’impact de la goutte de pluie jusqu’à l’exutoire du bassin versant. Communément cela se traduit par l’articulation d’une fonction de production reproduisant le bilan hydrologique local ou le fonctionnement de versant, et d’une fonction de transfert associée au transport advectif général, ou limité au sein du réseau hydrographique (figure 1.3). La complexité du modèle sera définie par le niveau de détail et de processus que l’on cherche a décrire.

Approches empiriques La vision de ces approches est purement statistique. L’entrée me-surable (pluviometrie) et la sortie (débit) du bassin versant sont reliées au moyen d’une ou plusieurs équations. La force de cette approche réside dans sa simplicité d’application. Cepen-dant l’absence de compréhension du fonctionnement hydrologique du bassin étudié empêche toute généralisation. Nous pouvons citer comme exemple le SCS-CN (USDA-SCS, 2004), l’hy-drogramme unitaire (HU) (Sherman, 1932) ou les modèles ARX (Box et al., 2015). Ces ap-proches nécessitent des données de calage, et ne répondent pas à l’objectif de prédiction en bassin non-jaugé.

Approches à bases physiques Une connaissance des processus physiques et du milieu phy-sique à modéliser sont les données indispensables pour une approche à base phyphy-sique. Le prin-cipe de ce modèle est de discrétiser le milieu en éléments fins, d’y appliquer les lois physiques fondamentales adéquates, puis d’agréger les réponses individuelles des éléments fins. Ces mo-dèles sont réalistes et fournissent de bons résultats mais nécessitent un grand nombre de don-nées. De plus les lois fondamentales ne sont pas toutes adaptées à toutes les échelles de modé-lisation, c’est la problématique du scaling (Hingray et al., 2009).

Approches conceptuelles Entre le simple lien de cause à effet de l’approche empirique et le réalisme associé à l’approche à bases physiques se situent les modèles conceptuels. Cette vi-sion propose un intermédiaire où l’hydrologue va construire le modèle selon la perception qu’il a du fonctionnement du bassin versant. C’est-à-dire qu’il va choisir les processus dominants

R

n

R

n

R

n

R

n

R

n

P P

P R

n

Q

Q

TF

FP

PROCESSUS DE VERSANT ET DE NAPPE PROFONDE

TF2

FP

FIGURE1.3 – Articulation du versant au réseau conceptualisé pour la modélisation

hydrologique. FP et TF sont respectivement la fonction de production et la fonction de transfert. Rn, la partie de l’averse (P) qui atteint le cours d’eau.

caractéristiques d’un système donné (sous la forme par exemple d’un réservoir) et les lier de manière empirique ou semi-empirique. Dans les faits, il y a donc un certain réalisme propre aux approches à bases physiques, et une relative simplicité de calibration étant donnée la par-cimonie du paramétrage et de la quantité de donnée nécessaires. Chaque réservoir est régi par trois équations. L’équation de continuité (conservation de la masse), l’équation de stockage (volume), le(s) équation(s) d’échanges entres réservoirs (Hingray et al., 2009).

1.3.3 Problématique du bassin non-jaugé

Les dernières décennies ont vu de nombreuses avancées sur la compréhension des processus hydrologiques. Couplée aux récents progrès en métrologie et technologiques (ex : radar météo-rologique), l’hydrologie opérationnelle s’est enrichi d’un large panel de modèles. Cependant, tant que la communauté des hydrologues ne sera pas parvenu à un schéma unifié du fonc-tionnement hydrologique d’un bassin versant, alors la seule donnée permettant de contraindre

les modèles restera le débit. Ces deux contraintes sont à l’origine de modèles souvent non génériques et donc sources d’incertitudes en prédiction. Par ailleurs, le nombre restreint de stations de jaugeage fournissant l’information hydrométrique constitue une limite pour leur régionalisation (Pomeroy et al., 2013). Cette source d’incertitude s’ajoute à l’ensemble des non-linéarités météorologiques et géographiques décrites précédemment. L’Association Internatio-nale des Sciences Hydrologiques (AISH) a conduit entre 2003 et 2012 la décennie de prédic-tions en bassin non-jaugé (PUB) afin, entre autres, de réduire ces verrous (Blöschl et al., 2013, Hrachowitz et al., 2013, Pomeroy et al., 2013, Sivapalan et al., 2003). La stratégie PUB était organisée selon quatre angles d’attaque :

1. Comment maximiser la valeur prédictive des données disponibles ?

2. Comment améliorer le réalisme des processus dans les approches à bases physiques ? 3. Comment augmenter la qualité et la quantité d’informations mesurées ?

4. Comment réduire et quantifier l’incertitude ?

Le coeur du problème en modélisation non-jaugée s’articule autour du concept d’unicité spatio-temporelle, relative aux non-linéarités (Beven, 2000). Ce constat amène à la conclusion d’un besoin d’approches flexibles. Parallèlement, du fait de la complexification des modèles asso-ciée à une paramétrisation plus importante et leur calibration dans certaines conditions hydro-logiques spécifiques, apparaissent les problèmes d’équifinalité et de non-stationnarité (Perrin et al., 2001). Le manque de réalisme du modèle est alors clairement impliqué dans cette li-mitation. C’est une question fondamentale soulevée par Klemes (1986) et reprise par Kirchner (2006) puis McDonnell et al. (2007) : Obtenons-nous les bonnes réponses pour les bonnes raisons ?

Avons-nous bien compris le fonctionnement du bassin, et correctement retranscris cette conception de manière mathématique ?. Il apparaît donc indispensable de mieux comprendre les processus de versant et leur non-linéarité et d’en faire ressortir des concepts. Par exemple, le principe du "fill-and-spill" abordé par McNamara et al. (2005), Spence et Woo (2003), Tromp-van Meerveld et McDonnell (2006) évoque des effets de seuil dans la réaction du versant à la pluie. L’utilisa-tion de traceurs a entre autres permis de mettre en évidence que différents facteurs contrôlent les processus de transport au sein du complexe bassin et versants. Pour certains, ce facteur sera la capacité de stockage (Harman et al., 2011, Sayama et McDonnell, 2009, Sayama et al., 2011), pour d’autres ce sera plutôt lié à des caractéristiques topographiques (Hrachowitz et al., 2009, McGuire et al., 2005, Tetzlaff et al., 2009). Le développement de la discipline du non-jaugé est une conséquence directe du manque d’informations mesurables. Cette lacune a incité le développement de nouvelles technologies métrologiques à large échelle (satellite et radar), où au sol ; ces deux types d’information étant complémentaires dans la mesure où la première in-forme sur la variabilité spatiale et la seconde plutôt sur la variabilité temporelle fine en certains points (bassins versants expérimentaux). La prise en compte de ces nouvelles données et l’uti-lisation conjointe d’indices variés telles que les signatures hydrologiques, ou les caractéristiques statiques du bassin assistent la création de schémas boucle pour la réduction des incertitudes (Beven, 2002, Beven et al., 2012, Gupta et al., 2008) ou la recherche de similarité (figure 1.4).

DONNEES D’ENTREE/SORTIE MODELE CARACTERISTIQUES STATIQUES DU BASSIN SIGNATURES HYDROLOGIQUES COMPORTEMENT DYNAMIQUE DU BASSIN STRUCTURE DU MODELE

CONCEPTUALISATION DES PROCESSUS DOMINANTS

SIMILARITE PHYSIOGRAPHIQUE

CONNAISSANCE DES CARACTERISTIQUES

Assimilation des données Calibration-validation

FIGURE1.4 – Utilisation synergique d’informations pour contraindre le paramétrage

des modèles. Adapté de Gupta et al. (2008)

1.4 Principe de la modélisation hydrologique à base