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Modélisation du transfert de protons

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4.2 Échange Hydrogène/Deutérium

4.2.4 Modélisation du transfert de protons

4.2.4.1 Limites des modèles existants

De nombreux modèles ont été proposés pour prédire l’échange HX basé sur des propriétés calculées à partir de structures connues. Ces modèles s’appuient généralement sur l’accessibilité ou la pénétration au solvant [Lumry and Rosenberg, 1975] [Richards, 1979] [Woodward et al., 1982] [Li and Woodward, 1999], le champ électrostatique [Matthew and Richards, 1983] [Fogolari et al., 1998] [LeMaster et al., 2009] [Anderson et al., 2006] ou encore la dynamique structurale. Parmi les modèles proposés basés sur la dynamique structurale et spécifique à l’échange HX, les plus connus sont ceux de Vendruscolo et al. [Ven- druscolo et al., 2003] et Liu et al. [Liu et al., 2012], l’un basé sur un modèle phénoménologique et l’autre basé sur l’algorithme COREX [Hilser and Freire, 1996], nommé DXCOREX [Liu et al., 2012], respecti- vement. Le but de ces méthodes est de générer un ensemble de conformations représentatif des données d’échange HX expérimentaux. Cet ensemble est généré par Monte-Carlo, qui dans le cas du modèle phé- noménologique est contraint par les données RMN, nécessitant ainsi des données complètes résolues à l’échelle du résidu. Les facteurs de protection P F sont obtenus soit pour DXCOREX en calculant le ratio entre le nombre de protons amides HN accessibles au solvant et ceux qui ne le sont pas, ou pour le modèle Vendruscolo à partir de l’expression phénoménologique P F = —cNc+ —hNh avec Nc et Nh le nombre

de contacts et le nombre de liaisons hydrogène formées, respectivement, et —c et —h deux paramètres qui

sont ajustés pour améliorer la corrélation entre les données prédites et expérimentales. Cependant, il a été montré que ces modèles s’avéraient insatisfaisants dans leur ensemble [Skinner et al., 2012b] [Park et al., 2015]. Par exemple, quelle que soit la métrique utilisée pour définir si le proton amide est dans un état com- pétent ou non, des résultats comparables sont obtenus, spécialement dans le cas du modèle de Vendruscolo où les paramètres — sont optimisés [Kieseritzky et al., 2006]. De plus, les méthodes basées sur la surface accessible au solvant, comme DXCOREX, ne permettent pas de séparer clairement les protons amides HN capables d’échanger de ceux qui ne le sont pas.

Ainsi, ces résultats soulignent la difficulté d’interprétation des données HX. Des concepts de base comme la nature des états « ouvert » et « fermé » restent encore assez flous. Ceci est en partie liée au fait que les prédictions HX ont souvent été interprétées dans le contexte de structures cristallographiques, qui par définition sont « statiques ». Or la présence d’échange souligne que l’ensemble conformationnel accessible à une macromolécule biologique est plus large que celui représenté par les structures stables obtenues par cristallographie. D’autres approches ont été proposées basées sur la génération d’ensemble

CHAPITRE 4. COMPARAISON MODÈLES-EXPÉRIENCES 96 de conformations, comme celles présentées précédemment [Vendruscolo et al., 2003] [Liu et al., 2012] ou à partir de simulations de dynamiques moléculaires tout atome [Petruk et al., 2012] [Hsu et al., 2013] [Radou et al., 2014] [McAllister and Konermann, 2015] [Park et al., 2015] [Persson and Halle, 2015] afin d’apporter une vue plus dynamique et plus fidèle en y incluant explicitement le solvant pour ces dernières. Malheureusement, l’échelle de temps accessible par les simulations de dynamiques moléculaires classiques tout atome reste limité, au mieux de l’ordre de la micro- à la milliseconde pour les systèmes de petite taille (< 70 résidus) [Piana et al., 2013], ce qui est bien en deçà de l’échelle de temps mesurable par échange HX, de l’ordre de la seconde jusqu’à plusieurs jours [McAllister and Konermann, 2015]. Ce paramètre est aussi l’un des principaux facteurs limitants dans la prédiction de l’échange HX. Connaissant l’importante flexibilité du LBD de certains récepteurs nucléaires en absence de ligand, cette limitation est parfaitement illustrée par la méthode DXCOREX qui en partant de la forme inactive du LBD de PPAR“, n’obtient qu’une corrélation de 0.56 entre les données prédites et expérimentales, contrairement à la forme active en complexe avec le rosiglitazone, beaucoup plus stable, avec une corrélation de 0.80 [Liu et al., 2012]. Des simulations utilisant un modèle « gros-grains » permettent de confirmer l’importance de l’échantillonnage conformationnel [Craig et al., 2011], mais souffrent malheureusement du manque de détails à l’échelle atomique, rendant plus compliquée la comparaison avec les données expérimentales.

En résumé, les limitations dans l’interprétation des données d’échange HX se situent principalement au niveau des modèles utilisés pour identifier le degré de protection d’un proton amide HN, mais aussi au niveau de l’échantillonnage conformationnel. Néanmoins, la plupart des auteurs s’accordent aujourd’hui à dire que le degré de protection des protons amides HN contre l’échange HX ne dépend pas simplement que de leur exposition au solvant, de leur enfouissement ou de l’atome accepteur, provenant soit du squelette peptidique ou d’une chaine latérale [Milne et al., 1998] [Skinner et al., 2012a] [Park et al., 2015] [Persson and Halle, 2015]. Le paramètre déterminant pour expliquer la protection de certains protons amides HN à l’échange HX serait lié à la difficulté de rompre une liaison hydrogène, dans laquelle ils sont impliqués, de sorte qu’ils soient accessibles pour être attaqué par un catalyseur (OH≠ou H+). Et que cette difficulté à rompre une liaison hydrogène est liée à la stabilité de l’environnement local ou global qui joue un rôle de régulateur dans la vitesse d’échange HX [Craig et al., 2011] [McAllister and Konermann, 2015] [Pers- son and Halle, 2015]. Ainsi, l’utilisation de simulations de dynamiques moléculaires tout atome offre une meilleure alternative que les structures cristallographiques pour interpréter les données d’échange HX, de fait l’utilisation d’un solvant explicite permettant de suivre directement les interactions entre les protons amides HN et le solvant. De même que pour l’échantillonnage conformationnel, l’introduction de nou-

CHAPITRE 4. COMPARAISON MODÈLES-EXPÉRIENCES 97 velles méthodes d’échantillonnage avancées comme la dynamique moléculaire accélérée permettra à terme d’outrepasser cette limite, afin d’explorer plus rapidement toutes les conformations accessibles.

4.2.4.2 Modèles utilisés

Il n’est pas possible d’observer les réactions de transfert de protons par un modèle de mécanique mo- léculaire. Il est dès lors nécessaire de définir des critères génériques pour tous les protons amides HN, afin d’identifier les états où il pourrait y avoir un échange de protons. À partir des études sur le sujet, il est maintenant admis que les liaisons hydrogène sont un des principaux facteurs limitants dans le méca- nisme d’échange HX. La vitesse d’incorporation est affectée par les liaisons hydrogène intramoléculaires qui peuvent bloquer le mécanisme de transfert de protons. De même que la vitesse d’échange HX peut-être ralentit du fait de l’enfouissement du proton amide HN. Ainsi ces observations suggèrent que la tendance qu’a un proton amide HN à échanger devrait être corrélée avec la persistance et la nature des liaisons hy- drogène qu’il forme. Une approche basée seulement sur le nombre de liaisons hydrogène où les protons amides HN sont impliqués, obtenue à partir de l’ensemble des conformations générées par dynamique moléculaire, devrait donc permettre de prédire la vitesse d’échange HX.

Par analogie avec le modèle de dépliement local, proposé par Linderstrom-Lang, on définira de manière générale un proton amide HN comme étant dans un état compétent si celui-ci interagit uniquement avec une ou plusieurs molécules d’eau par liaison hydrogène, sans interagir avec le squelette peptidique ou les chaines latérales [Park et al., 2015] [Persson and Halle, 2015]. Dans le cas contraire, si ces critères ne sont pas satisfaits, alors on considéra le proton amide HN comme étant dans un état incompétent. L’identification des liaisons hydrogène se fera selon des critères purement géométriques, en ne prenant en compte que la distance et l’angle entre le proton amide HN et l’atome accepteur. Ainsi, toutes les liaisons hydrogène seront identifiées dans chaque conformation extraite avec un intervalle de 1 ps pour chaque trajectoire aMD et cMD en utilisant le module Python MDAnalysis [Michaud-Agrawal et al., 2011]. Dans le cadre de cette étude, plusieurs modèles ont été explorés.

4.2.4.2.1 Modèle simple

Ce modèle, dérivé directement du modèle cinétique classique, consiste à partir du principe que lorsqu’ un proton amide HN sans interaction intramoléculaire établit une liaison hydrogène avec une molécule d’eau, celui-ci est dans un état compétent pour l’échange. Pour ce modèle, les critères géométriques pour détecter une liaison hydrogène seront les suivants :

CHAPITRE 4. COMPARAISON MODÈLES-EXPÉRIENCES 98 — Distance NH – OH2Æ 2 Å

— Angle NH – OH2Ø 150¶

4.2.4.2.2 Modèle concerté

Ce second modèle dit « concerté », part du principe que deux molécules d’eau, ou plus, à proximité d’un proton amide HN sont nécessaires pour considérer celui-ci comme compétent, contrairement au mo- dèle simple [Persson and Halle, 2015] (Figure 4.6). À l’approche d’un ion hydroxyde OH≠, ce dernier va interagir avec le proton amide HN et l’extraire, convertissant l’ion hydroxyde OH≠ en molécule d’eau. Simultanément, une seconde molécule d’eau interagira avec l’anion imidate N≠nouvellement formé, afin que ce dernier puisse acquérir un nouveau proton amide HN. Cette seconde molécule d’eau sera ainsi convertie en ion hydroxyde OH≠.

FIGURE4.6 – Représentation schématique du transfert de proton à l’aide de deux molécules d’eau coor-

données par le proton amide HN. À la fin du processus du transfert d’électron, au moins une des deux molécules d’eau accepte une liaison hydrogène provenant du groupement HN ou DN. Dans l’état intermé- diaire, les deux molécules d’eau interagissent avec le groupement imidate N≠.

Une étude récente de l’échange à partir de simulations de la protéine BPTI [Persson and Halle, 2015] indique qu’un critère géométrique impliquant la proximité de deux molécules d’eau, inspiré par le méca- nisme ci-dessus, permet une meilleure détermination de l’échange à partir de trajectoires de dynamique moléculaire. Les critères géométriques utilisés pour détecter une liaison hydrogène dans ce cas seront moins stricts que dans le cas du modèle simple. Ainsi, les critères utilisés seront ceux définis par défaut pour la fonction COOR HBONd de CHARMM [De Loof et al., 1992] :

— Distance NH – OH2Æ 2.4 Å

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