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3. Problème spécifique

3.1. Modélisation des savoirs lexicologiques

Jonnaert (1998) et Simard (1997) soulignent que la question qui se pose au didacticien d’une discipline est celle des référents qui doivent assoir la formation didactique des enseignants (ce qui implique entre autres une part des contenus à

enseigner aux élèves eux-mêmes). Hudson (2004) note à cet effet l’utilité de la linguistique pour l’enseignement :

As a discipline, linguistics is able to provide a framework into which to put the various language topics otherwise sometimes dealt with by teachers in a slightly haphazard way (Hudson, 2004 : 107).

Par conséquent, afin de déterminer les connaissances disciplinaires que l’enseignant doit maitriser pour enseigner le lexique au primaire en français langue première, il s’agit d’abord de faire appel à un modèle linguistique théorique du fonctionnement et de l’organisation du lexique, soit un modèle qui propose une description des savoirs lexicologiques.

Nous distinguerons ainsi les savoirs lexicologiques — soit l’ensemble des connaissances systématisées spécifiques à la discipline qu’est la lexicologie — des

connaissances métalexicales, qui désignent la maitrise, par un individu, d’un sous-

ensemble de ces savoirs lexicologiques. En effet, l’enseignant de français n’est pas un spécialiste de la lexicologie, mais il acquiert cependant un certain nombre de connaissances métalexicales qui correspondent à l'appropriation d'autant de savoirs lexicologiques dans la discipline de référence qu’est la lexicologie.

3.1.1. La théorie Sens-Texte comme cadre descriptif

Les didacticiens du lexique en français langue première, s’ils présentent un certain nombre de notions de base permettant d’aborder l’étude et l’enseignement du lexique (Galisson, 1979 ; Gosselin et Simard, 1995 ; Léon, 1998 ; Picoche, 1993, Simard, 1994), ne s’appuient cependant pas sur une théorie lexicologique en particulier (sauf Picoche qui s’inspire de la linguistique de Gustave Guillaume). Quant aux théories linguistiques privilégiant la description théorique du lexique (Cruse, 1986 ; Pustejovsky, 1995), elles ne proposent pas toutes un appareil formel permettant de décrire l’ensemble des phénomènes lexicaux ou encore les composantes de la

compétence lexicale. De plus, elles n’ont pas nécessairement donné lieu à des applications pédagogiques et ne proposent pas non plus de descriptions des unités lexicales suffisamment nombreuses pour être utilisées comme support pédagogique (en d’autres mots, elles ne produisent pas de dictionnaire). Cela fait en sorte que ces théories ne sont peut-être pas les plus appropriées pour servir de référence à la description des savoirs lexicologiques.

La théorie Sens-Texte, plus particulièrement la branche lexicologique de celle-ci, la

lexicologie explicative et combinatoire (Mel'čuk, Clas et Polguère, 1995),

dorénavant LEC, propose quant à elle un système notionnel solide qui présente de façon formelle l’ensemble des savoirs lexicologiques (et le métalangage associé) permettant d’aborder l’étude du lexique. L’intérêt de cette théorie lexicologique par rapport aux autres est qu’elle comporte un système conceptuel riche et organisé permettant de décrire l’ensemble des phénomènes lexicaux, quelle que soit la langue. Elle met également clairement en évidence les rapports étroits qu’entretient le lexique avec la grammaire et avec la morphologie par exemple. Ceci s’explique entre autres par le fait que la théorie Sens-Texte propose un modèle global du fonctionnement de la langue (sémantique, syntaxe, morphologie, phonologie), modèle pouvant idéalement s'appliquer à la description de n'importe quelle langue. En outre, cette théorie a déjà fait l’objet d’applications dans le domaine de l’enseignement/apprentissage de la langue et du lexique en particulier, notamment en français, en anglais et en russe (Anctil, 2005 ; Cauchon, 2003 ; Gentilhomme, 1992 ; Leed & Nakhimovsky, 1990 ; Mel’cuk, 1992 ; Perrault, 2006 ; Polguère, 2000 ; Steele, 1990 ; Tremblay, 2003), ce qui démontre l’intérêt qu’elle représente d’un point de vue didactique. Elle encadre enfin la production de dictionnaires et de bases de données lexicales, ressources indispensables pour l’enseignement et l’apprentissage du lexique.

Les savoirs lexicologiques à la base du système conceptuel qu’est la lexicologie explicative et combinatoire constituent un ensemble notionnel riche dont nous croyons que les notions de base pourraient être acquises par les futurs enseignants au primaire. Ces notions apparaissent précisément dans un ouvrage d’introduction à la sémantique et la lexicologie (Polguère, 2003). Or, bien que l'ensemble des savoirs lexicologiques fassent l’objet d’une caractérisation poussée à l’intérieur de cet ouvrage, on n’en connait pas de modélisation. La modélisation des connaissances est pourtant appropriée pour mettre en évidence la façon dont les savoirs sont organisés entre eux, ce qui permet éventuellement de favoriser l’apprentissage chez les personnes concernées. Parmi les différentes façons de représenter les connaissances systématiques d’un domaine, les ontologies apparaissent comme un moyen de modélisation formel et puissant qui pourrait être utilisé afin de modéliser les savoirs lexicologiques.

3.1.2. La modélisation ontologique des connaissances

Dans le contexte actuel de la société du savoir, les connaissances nécessitent un traitement informatique pour être partagées et réutilisées. Les ontologies répondent précisément à cette demande, car elles permettent de spécifier l’ensemble des concepts relevant d’un domaine donné et d’encoder formellement les liens existants entre ces concepts. En effet, une ontologie est une spécification explicite d’une

conceptualisation (Gruber, 1993), en d'autres mots, une description (informatisée) des

concepts d'un domaine et des relations qui peuvent exister entre eux. Le caractère formel de la description des concepts rend l’ordinateur capable de traiter les connaissances ainsi « ontologisées »9.

9 Nous n’en disons pas beaucoup sur les ontologies pour l’instant, mais toute une section de notre

La création d'une ontologie constitue par ailleurs un projet d'envergure qui nécessite un important travail de conceptualisation. D'abord, le recueil des connaissances à modéliser est soumis à des critères de sélection et d'organisation particuliers. La définition des notions du domaine, de même que l'explicitation des types de liens qui les unissent et des propriétés qui les caractérisent constituent également un exercice complexe. Néanmoins, cet exercice de modélisation présente de nombreux avantages. D'abord, la représentation des notions est explicite et structurée et peut être partagée, ce qui l'ouvre à de nombreux usages. Ensuite, une telle représentation des connaissances et des liens qui les unissent peut être nécessaire dans des domaines où le système conceptuel et terminologique est peu structuré. Enfin, la représentation non linéaire des notions constitue également un aspect intéressant d'une telle modélisation.

De par les avantages qu’elle présente pour la structuration des domaines de connaissances, l’ontologie nous semble appropriée comme mode de représentation des savoirs lexicologiques. On considère de plus que les ontologies sont pertinentes pour la systématisation des connaissances et la planification de l’enseignement dans des contextes de formation à distance (Mizoguchi et Bourdeau, 2002 ; Psyché, 2007). Cela nous conduit à penser qu’il serait possible d’envisager la création de cours dont le contenu disciplinaire serait appuyé par une ontologie de ces connaissances disciplinaires, notamment en didactique du lexique. Une ontologie des savoirs lexicologiques aurait donc sa place dans ce domaine. Nous croyons par exemple que par le biais d’une telle modélisation, il serait possible de mieux préciser les connaissances métalexicales de base que doit maitriser l’enseignant pour mener à bien ses activités d’enseignement du lexique. Cette modélisation permettrait de mieux définir une partie des contenus de nature métalinguistique à transmettre dans un cours de didactique du lexique destiné aux futurs enseignants du primaire en français langue première au Québec.

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