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Partie II — Les ontologies

3. Les ontologies

3.2. Contexte d’apparition des ontologies

Les ontologies seraient indirectement apparues dans le contexte des recherches en intelligence artificielle, dans les années 1970, alors que des chercheurs intéressés par les systèmes experts examinaient les possibilités existantes afin d’uniformiser la représentation des connaissances. À ce moment, comme le souligne Psyché (2007 : 20),

des résultats prometteurs poussèrent les chercheurs à s’orienter vers une stratégie déclarative de représentation des connaissances, au lieu d’encoder les connaissances dans des algorithmes (approche procédurale).

Ainsi, durant les années 1980, on assista au développement de systèmes experts (SE), puis de systèmes à base de connaissances (SBC) permettant la réalisation de multiples tâches (planification, diagnostic, conception, maintenance, etc.), dans des domaines variés (médecine, robotique, ingénierie mécanique, finance, etc.). La construction de ces bases de connaissances (BC) s'avéra cependant un processus complexe, nécessitant un temps considérable. Les chercheurs souhaitèrent dès lors être à même de réutiliser et de partager des bases de connaissances ou, à tout le moins, des parties de celles-ci. Pour y parvenir, il devint nécessaire de fournir aux SBC des représentations partagées et explicites des connaissances. C'est ainsi qu'au début des années 1990, des chercheurs américains participant au projet Knowledge Sharing

Efort, soutenu par la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency),

proposèrent une représentation répondant aux critères mentionnés, soit une représentation explicite et partagée, qu'ils nommèrent ontologie (Psyché, 2007). Par la suite, le besoin d’intégrer les ontologies entraina un besoin d’interopérabilité qui demeure aujourd’hui une importante question dans le domaine de l’ingénierie ontologique (Spivak, 2006).

Afin d’appuyer le processus d’interopérabilité, les concepteurs d’ontologies ont commencé à s’intéresser à des ontologies de base (foundational ontologies), suffisamment générales pour décrire les caractéristiques essentielles des objets, des propriétés et des relations dans tous les domaines possibles (encore une fois, cette entreprise n’est pas bien éloignée de l’entreprise ontologique philosophique). Ces ontologies ont pour fonction d’encadrer le développement subséquent d’ontologies afin que ces dernières soient bien construites et consistantes. En fait, un des problèmes encore non résolus est la question d’une méthode unifiée de modélisation ontologique (Psyché, 2007). Cette question est importante parce que sa résolution permettrait d’assurer la réutilisation d’ontologies et conduirait à économiser ainsi temps et efforts en plus d’améliorer l'interopérabilité entre les systèmes. On espère de plus, spécialement dans le contexte du Web Sémantique, que les ontologies génériques pourront supporter une méthode afin d’assurer la communication entre divers types d’agents computationnels (Spivak, 2006). Ce point nous amène à présenter un peu plus en détail le projet du Web sémantique et à montrer de quelle façon il se rattache aux ontologies.

À l’heure actuelle, les ordinateurs peuvent analyser des pages Web pour trouver de l’information ; cependant, afin que les programmes traitent le sens de ces pages à la manière des humains, il faut que le sens de celles-ci soit identifié dans une autre page associée. Cette sorte de réseau Internet parallèle constitue précisément le Web sémantique. Il s’agit plus précisément d’une extension d’Internet, contenant davantage de pages, celles-ci pointant sur des descriptions du sens des informations qui s’y trouvent. (Cette information est nécessaire, car c’est elle qui est interprétable par un agent informatique de recherche.) Selon Spivak (2006), le Web sémantique permettrait ainsi de rendre humains et ordinateurs plus intelligents, parce qu’il a la propriété d’être plus adapté pour gérer des masses d'informations. Le futur du Web sémantique repose cependant sur un certain nombre d'initiatives, la première étant de représenter la connaissance des individus (ceux-ci étant inondés d'informations, ils

ont besoin de l'archiver, d'y avoir accès, de la réutiliser, etc.) pour qu’ils puissent la partager (c'est déjà l'entreprise entamée par des sites tels Wikipédia et d'autres portails de communautés) et ensuite la représenter pour enfin amener les gens à partager leurs connaissances dans différents champs d'intérêt. Ces étapes devraient ultimement permettre aux utilisateurs de naviguer à l’intérieur du Web comme dans un système intelligent cohésif. Or, pour l’instant, le Web sémantique est loin d’être établi, car il y a des milliards de pages accessibles sur Internet dont le contenu doit être identifié dans des pages associées sur le Web Sémantique. On commence donc, domaine par domaine, à définir les concepts nécessaires pour le traitement du contenu informationnel disponible sur Internet. C’est à ce niveau que les ontologies jouent un rôle important, car elles constituent une source de termes formellement définis qui peuvent être interprétés par la machine. L’ingénierie ontologique permet de systématiser les connaissances aux fins d’exploitation par l’ordinateur, celui-ci jouant ainsi le rôle de médiateur pour la diffusion des connaissances entre les personnes travaillant dans des domaines divers (Mizoguchi, 2004). Il existe déjà un nombre important d’ontologies dans des domaines plus variés les uns que les autres. En fait, on peut retrouver, potentiellement, autant d’ontologies que de domaines de connaissances à représenter et à organiser. Pour illustrer notre propos, nous donnerons quelques exemples d’ontologies existantes. Cela nous permettra ensuite de proposer une définition formelle des ontologies dans un contexte d’intelligence artificielle et d’en dégager les caractéristiques.

On trouve par exemple une ontologie du monde d’Harry Potter qui spécifie quels sont les amis et ennemis des différents personnages apparaissant dans les différents romans, quels sont leurs parents ou leurs enfants et à quel ordre de magiciens ils appartiennent. Il existe également une ontologie des noms du Nouveau Testament qui décrit environ 600 noms, ceux-ci étant catégorisés à l’intérieur de différentes classes (God, Jesus, individual men and women, groups of people, and locations). On retrouve même une ontologie des états de conscience des personnes pratiquant le

yoga. En dehors de ces ontologies de nature plus ou moins fantaisistes, on retrouve des modélisations ontologiques à l’intérieur de domaines plus « sérieux », comme l’économie.

On retrouve par exemple des ontologies rattachées au domaine des entreprises, telle

The Enterprise Ontology qui contient un ensemble de termes et de définitions

rattachées au domaine des entreprises. Cette ontologie se divise en plusieurs sections principales (Activité, Organisation, Stratégie, Marketing, Temps). Il existe encore d’autres types d’ontologies rattachées au monde des affaires qui permettent par exemple de répondre au besoin d'accéder à différents types de connaissances concernant une compagnie et de gérer les habiletés et les compétences des personnes. De telles ontologies fournissent des ressources inestimables à propos des compétences des personnes (ce qui montre que l'information n'est pas seulement dans les livres, mais aussi « dans » les personnes) : habiletés, expérience de travail, habiletés langagières, etc.

Gandon (2006) note enfin que l’ensemble des entreprises ontologiques actuelles permet d’envisager la construction d’ontologies pour des usages plus variés les uns que les autres (ontologies pour parfumeurs, œnologues, fromagers, etc.). Dans cette perspective, on comprendra que la construction d’une ontologie pour la représentation formelle des savoirs lexicologiques (pour servir, entre autres, d’appui à la construction d’un module de cours en didactique du lexique) constitue un projet pertinent.

Si ces exemples concrets permettent de comprendre mieux ce que sont les ontologies et ce à quoi elles servent dans un contexte d’intelligence artificielle, il demeure néanmoins nécessaire de définir plus formellement ce qu’est une ontologie.

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