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La modélisation de l’influence des échelles turbulentes non-résolues est une méthode efficace et complète qui permet d’obtenir une meilleure prédiction des propriétés aux petites échelles de la turbulence et par conséquent de la dynamique de particules fluides ou solides. Elle implique cependant la génération de beaucoup d’informations sur la tur-bulence qui se révèlent encombrantes si le but de la simulation est uniquement porté sur l’évolution des particules dans le fluide. On peut alors préférer conserver une mo-délisation de la turbulence moins précise mais plus légère en coûts de calcul pour se concentrer directement sur la modélisation de la dynamique des particules. Cette façon de faire possède l’avantage de pouvoir s’affranchir de certaines contraintes comme le respect de l’équation de continuité ou la modélisation en chaque point de maillage de la turbulence puisque seule la prédiction du mouvement des particules est visée.

Lorsque l’on parle de modélisation lagrangienne des particules, il est surtout fait référence à la modélisation du comportement d’une particule fluide seule ou à la position d’une particule solide. Les méthodes de modélisation de la trajectoire d’une particule fluide s’appuient en grande partie sur l’utilisation d’un modèle de Langevin Généralisé et consistent à déterminer la variation de vitesse instantanée de la particule le long de sa trajectoire à l’aide d’une équation stochastique. Plus de détails sur ces méthodes peuvent être trouvés dans la littérature[134, 87, 89, 88, 27, 92]. Concernant le cas des particules solides, la difficulté principale repose sur le couplage entre la modélisation d’une particule fluide fictive qui serait située à la position de la particule solide et le mouvement relatif entre ces deux particules. Une revue complète des différentes stratégies pour ce genre de problématique a été publiée par Marchioli[69].

Modèles lagrangiens pour un cisaillement homogène : Des efforts ont aussi été faits pour modéliser le déplacement et les statistiques de particules fluides dans un cisaillement homogène. Lu, Fontaine et Aubertin[67] utilisèrent l’analyse par série tem-porelle pour modéliser le déplacement et la dispersion de particules fluides dans la phase initiale du cisaillement. Sawford et Yeung appliquèrent les modèles de Thompson[134] et Borgas[11] basés sur le modèle de Langevin généralisé pour prédire la vitesse[114] et la dispersion[115] de particules fluides. Pope[90] développa également un modèle stochas-tique pour prédire la vitesse des particules fluides, son modèle fut ensuite étendu pour l’accélération des particules[93] dans le cas d’une turbulence homogène isotrope et d’un cisaillement homogène. Malgré une bonne prédiction des fonctions d’autocorrélations des particules, le modèle possède l’inconvénient de ne pas tenir compte du phénomène d’intermittence et de donner une distribution gaussienne de l’accélération.

En définitive, la plupart des modèles lagrangiens pour la dispersion de particules solides ne parviennent pas à s’affranchir de la connaissance de la turbulence instantanée à la position d’une particule et cherchent surtout à modéliser les fluctuations de vitesse non-résolues de particules fluides. Or, pour les mêmes raisons évoquées à la partie 1.2.5, l’accélération des particules semble plus pertinente à modéliser, en particulier pour les particules solides car elle représente la somme des forces qui s’y appliquent et donc

Le principe décrit ici repose sur la considération que la force instantanée agissant sur une particule solide provient d’une contribution exacte issue du champ de vitesse résolu et d’une contribution aléatoire fluctuante ayant pour origine le champ de vitesse résiduel. Cette décomposition représente ainsi la partie résolue et non-résolue de l’accélération de la particule. Le but de cette approche est donc de modéliser cette accélération non-résolue à l’aide d’un modèle stochastique. On appelle ainsi cette méthode LES-STRIP pour STochastic Response of Inertial Particles. Elle a été introduite par Gorokhovski et Zamansky[37, 38].

Pour rappel, l’accélération d’une particule sphérique ponctuelle, de taille inférieure à l’échelle de Kolmogorov et de densité supérieure à celle du fluide est décrite par l’ex-pression suivante :

ap = dup

dt =

uf − up

τp (1.48)

avec τp le temps de réponse des particules dont l’expression est donnée par l’équation (1.11), up la vitesse des particules et uf la vitesse du fluide à la position de la particule. La différence de vitesse entre la particule et le fluide à la position de la particule est, à cause de la nature de la turbulence, une quantité aléatoire. La contribution de cette quantité sur le mouvement des particules provient des fluctuations turbulentes ayant une fréquence supérieure ou égale à 1/τp. Une partie de ces fréquences ne sont bien sûr pas résolues dans le cadre d’une simulation aux grandes échelles. L’hypothèse est alors faite que toutes les fluctuations présentes le long de la trajectoire de la particule appartiennent à la zone inertielle du spectre d’énergie turbulente, ce qui permet d’exprimer la vitesse relative entre les particules et le fluide de façon suivante[58] :

h(uf − up)2i ∼ τphiV (1.49) Cette hypothèse reste toutefois sujette à discussion car elle ne prend pas en compte que le taux de dissipation moyen vu par la particule peut dépendre du temps de réponse τp. En effet, une particule avec un temps de réponse de l’ordre du temps de Kolmogorov aura une tendance plus élevée par rapport à une particule avec un temps de réponse différent de rester dans des zones de faible vorticité et de forte dissipation. Le taux de dissipation moyen étant par conséquent différent entre ces deux particules.

Nous pouvons alors conclure de l’expression (1.49) que le taux de dissipation moyen joue un rôle important dans la dynamique des particules et se présente donc comme une variable intéressante à modéliser pour prédire l’accélération des particules solides. Elle est de plus pertinente dans la considération des phénomènes d’intermittence car la dissipation vue par une particule solide le long de sa trajectoire présente un caractère très intermittent[10] malgré les effets de concentration préférentielle de l’inertie évoqués

dans le paragraphe précédent. La décomposition de l’accélération de la particule telle qu’expliquée au début de cette partie peut finalement s’écrire :

dup dt = dup dt ! + dup dt  = uf − up τp + dup dt  (1.50)

Le premier terme est donc l’accélération obtenue grâce au champ de vitesse résolu et le second terme est l’accélération conditionnée par la valeur de la dissipation à la position de la particule que l’on cherche à modéliser. Cette modélisation s’appuie sur le même principe présenté en section 1.3, à savoir décomposer l’accélération comme le produit de deux modèles stochastiques indépendants, un pour la norme de l’accélération et un pour l’orientation de l’accélération : dup dt  = ap = |ap|ep (1.51)

Selon l’estimation donnée par l’expression (1.49), la norme de l’accélération peut être exprimée en fonction de la dissipation :

|ap| ∼

s



τp (1.52)

et la dissipation peut être modélisée à l’aide d’un processus stochastique. De la même manière décrite en section 1.3 pour la norme de l’accélération des échelles non-résolues, le processus stochastique décrivant l’évolution de√

 est obtenu à l’aide de la

transfor-mation de Îto (voir annexe B) :

d1/2 = −1/2 ln 1/2 1/2σ 2 4 ! dt T + 1 2 1/2 s 2 T dW (t) (1.53)

Les paramètres T et σ2 sont les mêmes que pour l’équation (1.47). Le processus sto-chastique pour l’orientation de l’accélération est identique au modèle stosto-chastique de la LES-SSAM et consiste en une marche aléatoire sur une sphère unitaire. Tout comme la LES-SSAM, Gorokhovski et Zamansky ont d’abord considéré le cas d’une turbulence homogène isotrope pour le développement de leur modèle de type LES-STRIP. Notre motivation est donc de développer un modèle stochastique dans le cadre de cette ap-proche adapté au cas du cisaillement homogène.

1.4.2 Particules de taille supérieure à l’échelle de Kolmogorov

L’expérience a montré que les effets d’intermittence impactent fortement la dy-namique de l’accélération de particules sphériques de taille supérieure à l’échelle de Kolmogorov[97, 138] et que les approches standards consistant à calculer la traînée de Stokes « résolue » ne parviennent pas à reproduire ces propriétés. Dès lors, les considéra-tions présentées à la section précédente peuvent également être appliquées pour ce type de particules. Gorokhovski et Zamansky[37, 38] ont donc présenté une manière différente de décrire le mouvement des « grosses » particules. Elle part de la considération selon laquelle la quantité de mouvement échangée au cours du temps entre la particule et le fluide est déterminée comme étant la masse de fluide entraînée par le mouvement de la

dt 2ρp d2/3

p

f p

Dans le cadre de la description LES-STRIP présentée en section 1.4.1, Gorokhovski et Zamansky introduisirent le concept de traînée fluctuante comme résultat de l’action du champ de vitesse résiduel sur la dynamique des grosses particules. Les échelles (non-résolues) comprises entre l’échelle de Kolmogorov et le diamètre de la particule contri-buent collectivement à l’expression de la force de traînée, il convient donc de considérer que cette force est caractéristique d’une viscosité effective provenant des échelles tur-bulentes de taille égale au diamètre de la particule. On peut alors ré-écrire le temps de réponse des particules de la façon suivante :

τp,tρp

ρf

d2

p

18(ν + νp,t) (1.56)

On exprime alors νp,t à l’aide de la loi d’échelle de Kolmogorov.

νp,t∼ u0dp ∼ hi1/3d4/3p (1.57) En insérant (1.56) et (1.57) dans (1.48) on obtient :

dup dt = (uf − up) τp + ρf ρp hi1/3 d2/3p (uf − up) (1.58)

ce qui est une formulation assez proche de (1.55). Le nouveau terme de droite fut utilisé par Gorokhovski et Zamansky en tant que partie à modéliser dans la décomposition (1.50) et la transformation de Îto fut à nouveau employée pour exprimer la valeur de hi1/3 vue par la particule. Les statistiques lagrangiennes de particules solides obtenues avec cette approche furent comparées avec l’expérience et montrèrent de bons résultats. Cependant, la validité de cette description ne fut pas testée dans le cadre d’une simu-lation numérique directe. Notre motivation sera donc d’utiliser l’expression (1.55) pour décrire le comportement de particules solides de taille supérieure à l’échelle de Kolmo-gorov sans modélisation stochastique. Nos résultats serons comparés avec l’expérience de Qureshi et al.[97].