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Modélisation des écoulements diphasiques

On retrouve des problèmes à surfaces libres dans de nombreuses applications. On peut citer par exemple le remplissage de moules dans l’industrie des polymères où on doit prédire la position d’un front de matière qui doit remplir entièrement le moule. Lors de la coextrusion de plusieurs polymères, il y a présence de plusieurs couches de polymères séparées par des surfaces libres. Les surfaces libres sont présentes aussi dans la nature sous forme de gouttes de pluie, de vagues sur l’océan, etc.

La simulation numérique de ces écoulements, susceptible de fournir une meilleure compré- hension des procédés industriels, permet d’en optimiser les performances et d’en réduire les coûts. Il existe différentes méthodes de suivi et de capture d’interfaces soient les méthodes lagrangiennes (Bach et Hassager (1985)), les méthodes eulériennes ou les méthodes mixtes (Unverdi et Tryggvason(1992)). Nous nous concentrerons sur les méthodes eulériennes. Dans ce contexte, nous citons les méthodes de pseudo-concentration, les méthodes de fraction de volume telles que les méthodes volume de fluide (VOF), les méthodes dites SLIC (Simple Line Interface Calculation), les méthodes PLIC (Piecewise LinearInterface Calculation), etc. Nous avons considéré, dans ce travail, la méthode des surfaces de niveau («level-set») initiale- ment introduite par Osher et Sethian (1988). Cette méthode est très populaire pour tous les types de problèmes à surface libre stationnaire ou instationnaire. La résolution d’une équation de convection permet alors de prédire les mouvements de l’interface dans un champ de vitesse donné. Les travaux de Fortin et Benmoussa (2006) etBenmoussa et Fortin (2006) sur la dé- formation de gouttelettes en cisaillement ou en élongation, que ce soit dans le cas 2D ou 3D sont des exemples d’applications de ces méthodes.

Les variables caractéristiques du fluide (ρ et µ) dépendent d’une fonction ϕ représentant la distance à l’interface, notée Γ. La méthode des surfaces de niveau qui est basée sur cette dépendance se définit de la manière suivante :

ϕ(x) =      < 0 si x ∈ Domaine fluide 1 = 0 si x ∈ Γ > 0 si x ∈ Domaine fluide 2 (5.15) Le signe permet de distinguer adéquatement les deux milieux fluides. La valeur de cette fonc- tion ϕ est, ensuite, convectée avec le fluide. L’équation d’évolution s’écrit de la façon suivante :

∂ϕ ∂t + u

f · ∇ϕ = 0 (5.16)

avec la condition initiale ϕ(x,y,0) = ϕ0(x,y).

Les propriétés du fluide sont évaluées de la façon suivante : la fonction distance ϕ est négative dans le fluide 1, positive dans le fluide 2 et nulle à l’interface. La densité et la viscosité du

fluide se traduisent par :

ρ(ϕ) = ρ1+ H(ϕ)(ρ2− ρ1) (5.17)

µ(ϕ) = µ1+ H(ϕ)(µ2− µ1) (5.18)

où H est la fonction de Heaviside qui est nulle si ϕ < 0 et qui vaut 1 ailleurs. L’application de cette méthode à la simulation d’écoulements à surfaces libres n’est pas immédiate. En outre, les fonctions de Heaviside doivent être régularisées pour permettre la convergence de la méthode numérique. En général, on remplace la fonction de Heaviside, sur un petit intervalle au voisinage de zéro, par une fonction sinusoïdale donnée dans5.19. Plus de détails sont donnés dans les travaux deBenmoussa (2006).

H(ϕ) ' F(ϕ) =          0 si ϕ ≤ −, 1 2  1 +ϕ  + 1 πsin( πϕ  )  si −  ≤ ϕ ≤ , 1 si  ≤ ϕ (5.19)

L’écoulement dans ce cas se modélise par les équations de Navier-Stokes, qui s’écrivent en suivant la surface libre :

         ρ(ϕ) ∂u f ∂t + u f · ∇uf 

− 2µ(ϕ)div( ˙γ(uf)) + ∇p = ρ(ϕ)f dans Ωf(t)

∇ · uf = 0 dans Ωf(t)

(5.20)

Il est bien connu que la solution d’une équation hyperbolique telle que l’équation 5.16 est difficile et requiert une technique de stabilisation. Dans ce travail, on utilise la même technique de stabilisation pour les équations de transport de k et de  de la section5.1.3. On considère alors la méthode SUPG pour éviter les oscillations numériques et on définit les fonctions tests SUPG notées par ˆΦ

ˆ Φ =  Φ + τ u f ||uf|| · ∇Φ  , La formulation variationnelle de l’équation5.16est

Z Ω  ∂ϕ ∂t + u f· ∇ϕ  ˆ Φdv = 0 (5.21)

Des polynômes quadratiques P2 ont été utilisés pour la discrétisation en espace de cette équa-

tion hyperbolique5.21et une différence arrière du second ordre totalement implicite (O(∆t)2)

a été utilisée pour la dérivée en temps. Si la solution ϕ(x,y,t(n)) de l’équation 5.16 au temps

t = t(n) est notée par ϕ(n), la descrétisation temporelle s’écrit ∂ϕ

∂t(t

(n)) ' 3ϕ(n)− 4ϕ(n−1)+ ϕ(n−2)

la condition initiale ϕ0(x,y) est souvent choisie comme une distance signée. C’est la base de

la méthode des surfaces de niveau introduite par Sethian (1996). Cela signifie que l’interface coïncide avec la surface de niveau zéro de la fonction de niveau ϕ0 et que si ϕ0(x,y) = 1 le

point (x,y) est, alors, à une distance unitaire à partir de l’interface. Dans le cas contraire, si ϕ0(x,y) = −1 le point (x,y) est, donc, à une distance unitaire dans la direction opposée.

La construction de la fonction distance ϕ0(x,y) est relativement facile dans la majorité des

applications.

L’équation 5.16 transporte l’interface à la bonne vitesse. Néanmoins, malgré le fait que la fonction ϕ0(x,y) est initialement une fonction distance, la solution ϕ(x,y,t) pour t > 0 ne

conservera pas nécessairement cette propriété. Pour de grands pas de temps, de forts gradients apparaissent près de l’interface, provoquant des oscillations et des solutions irrégulières. Par conséquent, la fonction de distance doit être réinitialisée périodiquement (voirSussman et al.

(1994) pour plus de détails) .

Il est facile de vérifier que la fonction de distance doit satisfaire l’équation suivante : |∇ϕ| = 1 avec ϕ = 0 sur Γ

Comme nous l’avons mentionné, la fonction ϕ(n)n’est pas nécessairement une fonction distance

et si elle n’est pas rénitialisée périodiquement, des oscillations apparaissent à l’interface. Pour remédier à ce problème, on remplace ϕ(n) par une fonction distance notée ˆϕ, obtenue par la

résolution de l’équation différentielle suivante : ∂ ˆϕ

∂ˆt = sign(ϕ

(n)) 1 − |∇ ˆϕ|

(5.23) avec ˆϕ(x,y,0) = ϕ(n)(x,y).Dans cette équation, ˆt est un temps artificiel et sign(ϕ(n)) est une fonction signée définie par :

sign(ϕ(n)) =      −1 si ϕ(n)< 0, 0 si ϕ(n)= 0, 1 si ϕ(n)> 0. (5.24) Remarques :

— Notons bien qu’à la convergence de l’équation 5.23dans le cas stationnaire, |∇ ˆϕ| = 1; par conséquent, ˆϕest une fonction distance.

— Puisque la fonction sign(ϕ(n))n’est pas différentiable, on utilise en pratique une fonction

lisse définie par :

sign(ϕ(n)) =        −1 si ϕ(n)≤ −, ϕ  + 1 π sin( πϕ  ) si −  ≤ ϕ (n)≤ , 1 si  ≤ ϕ(n). (5.25)

Cette régularisation produit une fonction différentiable et une interface d’épaisseur 2. En pratique, on choisit la valeur de  faible, de l’ordre de 10−2. Cette même régularisation

a été utilisée dansSussman et Fatemi(1999). On référera le lecteur àBenmoussa(2006) pour la résolution de l’équation 5.23.

5.2.2 Algorithme de résolution

Le système global non linéaire de résolution d’écoulement à surface libre est résolu par l’algo- rithme suivant :

1. Initialiser les variables uf, p et ϕ

2. Jusqu’à la convergence de toutes les variables :

a. Résoudre les équations de Navier-Stokes5.20 par la méthode de projection et cal- culer uf et p

b. Résoudre l’équation5.21pour ϕ et mise à jour de ϕ

c. Retour à l’étape a si le critère n’est pas satisfait ou dans le cas contraire passer à l’étape d

d. Réinitialiser la fonction distance en résolvant l’équation5.23 et retour à l’étape a e. Retour à l’étape a si le critère de convergence globale n’est pas satisfait ou dans le

cas contraire arrêter les calculs. Remarque :

Dans l’algorithme précédent, les étapes 2a et 2b peuvent être résolues d’une manière différente. En effet, nous pouvons transporter ϕ par le champ ˜u qui est un champ à divergence non nulle (voir 1.1.4) et effectuer, ensuite, une étape de correction sur le champ de vitesse u. Plus de détails sur cette méthode sont donnés dansDeteix et al.(2014).

5.2.3 Résultats numériques

On s’intéresse, dans cette section, à la présentation des résultats numériques pour les écoule- ments à surface libre. L’exemple présenté consiste en l’étude d’un jet d’un fluide incompressible et a pour but de valider numériquement l’algorithme présenté à la section précédente. On trai- tera ce problème dans le cas 2D et aussi dans le cas 3D.

Cas 2D

On considère le problème où la géométrie et les conditions aux limites sont illustrées à la figure 5.3. On considère dans ce cas deux fluides, à savoir : l’eau et l’air. Les propriétés physiques de l’eau sont : (ρ = 999,97 kg/m3 , ν = 0,884·10−6m2s−1) ; celles de l’air s’écrivent :

(0,0) σ · n = 0 (8,4) uy = 0 u = (0,0) u = (1 − y2,0) (0,1) y = 1 (2,4)

Figure 5.3 – Géométrie et conditions aux limites pour l’écoulement dans un jet.

fixée à  = 0.25. La position initiale de l’interface entre ces deux fluides est donnée par

ϕ(y) = y − 1 = 0 (5.26)

La forme de l’interface à différents instants (par exemple, t = 4s, 8s, 12s, 30s) est tracée sur la figure 5.4. On peut y voir la perturbation de l’interface qui se propage jusqu’à la sortie. Notons que le diamètre d’un jet de fluide Newtonien à la sortie d’un écoulement de Poiseuille est peu différent du diamètre du tube. À très faible Reynolds, on observe un gonflement de l’ordre de 19%. Nous avons utilisé l’adaptation de maillage hiérarchique pour améliorer la solution (voir Fortin(2001) etBois(2012) pour plus de détails). Le maillage obtenu après adaptation est donné à la figure5.5. La figure5.6présente la solution obtenue après adaptation de maillage. Nous avons obtenu un gonflement de 19%. Ce résultat est en accord avec ceux obtenus par Mitsoulis (1999). Le gonflement s’explique ici, par le réarrangement du profil de vitesse de l’écoulement purement Newtonien.

Cas 3D

Nous considérons maintenant le cas du jet en 3D. La géométrie et les conditions aux limites sont données à la figure 5.7. Dans ce cas aussi, nous considérons les paramètres de l’eau et de l’air, présentés à la section précédente. La position initiale de l’interface entre ces deux fluides est donnée par

ϕ(y,z) = y2+ z2− 1 = 0 (5.27) Nous montrons à la figure 5.8 la forme de l’interface à différents instants (par exemple, t = 4s, 10s, 20s, 60s) sur une coupe suivant l’axe des z du domaine. Notons qu’à l’instant t=60 s, l’écoulement est stabilisé et nous obtenons un gonflement d’environ 12%.

t= 4s t= 8s

t= 12s t= 30s

Figure 5.4 – Jet en 2D : évolultion de l’interface

Figure 5.6 – Jet en 2D : solution finale

u = (1 − y2− z2,0,0)

t= 4s t= 10s

t= 20s t= 60s

Encore une fois, nous avons utilisé l’adaptation de maillage hiérarchique pour améliorer la solution. Le maillage obtenu après adaptation est donné à la figure5.9. La figure5.10présente la solution obtenue après adaptation de maillage.

Ce résultat est conforme à celui obtenu parMiddleman et Gavis(1961) etNickell et al.(1974). En effet,Middleman et Gavis (1961) ont montré expérimentalement qu’un jet formé à partir d’un fluide Newtonien pouvait connaître une expansion de son diamètre en fonction de la valeur du Reynolds Re associée à l’écoulement au sein de l’injecteur. L’injecteur utilisé dans leurs expériences est un tube de diamètre constant (de l’ordre de la centaine de microns) et de quelques centimètres de long. Le nombre de Reynolds Re est défini ici à partir du diamètre de l’injecteur et de la vitesse moyenne au sein de l’injecteur. Ils démontrent qu’à faible Reynolds, un gonflement de l’ordre de 12% est observé en sortie. Ce gonflement s’explique par la réorganisation du profil des vitesses qui impose généralement ∂uz

∂z 6= 0. L’équation de

continuité en coordonnées cylindriques implique alors ∂u ∂r + u r = − ∂uz ∂z 6= 0

D’où, l’existence d’une composante radiale de vitesse u, positive ou négative, qui modifie les dimensions de l’écoulement et implique un gonflement en sortie.

Figure 5.10 – Jet en 3D : solution finale

Les deux tests présentés ici, mettent en évidence notre approche pour la résolution des écou- lements à surfaces libres, que ce soit en 2D ou en 3D. Nous pouvons affirmer que l’algorithme de résolution fonctionne bien et donne des résultats qui concordent avec ceux de la littérature. Une fois les algorithmes5.1.5et5.2.2validés numériquement, nous en considérons le couplage avec celui d’IFS.

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