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1.4 Le pseudo-gap : phénoménologie et modèles

1.4.2 Modèles

La communauté scientifique est actuellement loin d’avoir tranché la question sur l’origine et même la nature de ce nouvel état. Il est possible de classer les modèles pro- posés en trois grandes classes. Premièrement, la phase n’est qu’une évolution de la phase isolante [10, 168, 151]. Deuxièmement, les modèles présentant la phase de pseudo-gap comme un précurseur de la phase supraconductrice [155, 156, 74, 162]. D’un autre côté, ceux qui la considèrent comme une phase en compétition avec la supraconductivité, avec une brisure de symétrie (symétrie de rotation : [111], de translation [182, 43, 184], ou de renversement du temps [189]). Nous allons ici présenter brièvement quelques théo- ries auxquelles nous allons faire le plus référence mais cette revue n’est en aucun cas exhaustive.

1.4.2.1 La théorie RVB.

Dans un réseau carré bidimensionnel antiferromagnétique de spin 1/2, l’état fonda- mental serait la superposition de tous les états singulets possibles. En d’autres termes, il s’agit d’une superposition de toutes les configurations de paires d’électrons singu- let de spin. Briser un singulet, c’est-à-dire la liaison de valence, coûte donc l’énergie J de super-échange. A demi-remplissage, c’est-à-dire autour du dopage nul, la répulsion coulombienne intra-site rend le système isolant, les paires ainsi préformées ne peuvent conduire à la supraconductivité [10]. En introduisant des trous de dopage, on observe alors un liquide de paires singulets de spin. Ces paires se forment alors en dessous d’une température que l’on notera TRV B et qui a la même évolution en dopage que T*. Lorsque

le nombre de trous introduits devient de l’ordre de t/Uef f alors ces paires acquièrent

une cohérence de phase à la manière d’une condensation de Bose, en dessous d’une température que l’on notera TBC. Cette température croît avec le dopage. Pour que la

supraconductivité apparaisse, il faut à la fois que les paires d’électrons soient formées et qu’ils aient une cohérence de phase. On retrouve donc le dôme supraconducteur en dessous du minimum entre TRV B et TBC. Cette théorie est en accord avec les mesures

de la densité superfluide effectuée par Uemura et al. [186] par spectroscopie µSR. Ils observent en effet une relation linéaire entre TC et ns/m∗, ns étant la densité de paires

de Cooper et m∗ la masse effective ce celles-ci [186]. Dans cette approche, la symétrie du paramètre d’ordre et nécessairement de type d, la symétrie s ayant une température de formation des paires singulet TRV B nulle.

0 TC

max

0 8 10 16 19 25

Température

Concentration en trous (en %)

AF

Supraconducteur

Liquide de

spin

(spinons)

Condensation des

porteurs de charge

(holons)

T

c 0 TC max 0 8 10 16 19 25 Température

Concentration en trous (en %)

AF

Supraconducteur

Liquide de

spin

(spinons)

Condensation des

porteurs de charge

(holons)

T

c

Figure1.11 – Diagramme de phases dans la théorie RVB. Les degrés de libertés de spin et de charge sont séparés. Il se forme en dessous de TRV B des paires de spins singulets.

Ce sont des spinons. Les charges quant à elles condensent à la manière d’un condensat de Bose en dessous de TBC. La supraconductivité a lieu lorsque les paires singulets sont

formées et qu’elles sont en cohérence de phase, en dessous de TBC.

1.4.2.2 Ordre de charge et de spin : les stripes.

L’introduction de trous dans l’isolant de Mott frustre la matrice AF. En effet, le dé- placement de ces trous entraîne la formation de paires d’électrons voisins ayant le spin dans la même direction. Cette brisure de liaison AF coûte une énergie J au système. Afin de minimiser le nombre de ces paires AF brisées, les charges doivent se regrouper. La conséquence serait l’existence dans l’espace réel de zones macroscopiques riches en trous et d’autres zones pauvres en trous ordonnés antiferromagnétiquement. Un deuxième effet va entrer en compétition avec ce regroupement des charges : la répulsion coulombienne entre les électrons. Celle-ci va pousser le système à uniformiser la répartition des charges dans l’espace réel. Le résultat de cette compétition est la formation de lignes de charges riches en trous séparant des lignes pauvres en trous et ordonnées antiferromagnétique-

ment. Ces lignes AF sont en opposition de phase (déphasage de π) de part et d’autre de chaque ligne de charge, comme illustré sur la Fig. 1.10a. et b.. La symétrie par translation du réseau est brisée.

Cet ordre de type stripes prend donc appui sur les mesures d’ordre ou de fluc- tuations incommensurables mesurées par diffusion de neutrons. A la défaveur de cette image, ces fluctuations antiferromagnétiques demeurent commensurables et centrées en QAF = (π, π) du côté dopé en électrons. De plus, si ces fluctuations sont à l’origine

de l’appariement supraconducteur, la symétrie du dôme supraconducteur ne peut être expliquée : le poids spectral des fluctuations étant plus important du côté sous-dopé, l’interaction attractive entre les électrons devrait être plus forte, et la TC devrait par

conséquent être supérieure dans cette région du diagramme de phases. 1.4.2.3 Ordre magnétique orbital.

Plusieurs modèles théoriques impliquant des boucles de courant ont été proposés. Dans tous les cas l’ordre magnétique associé entre en compétition avec la phase su- praconductrice. De manière générale, la ligne de transition Tmag en fonction du dopage

tombe à zéro pour une valeur de dopage autour de 19%. Il y a donc formation d’un point critique quantique, auquel sont associées de fortes fluctuations critiques. Dans ce type de modèle, ce sont précisement ces fortes fluctuations qui sont le moteur de l’appariement des paires de Cooper [187].

Onde de densité de symétrie d. La phase Onde de densité de symétrie d (DDW : d Density Wave en anglais) proposée par Chakravarty et al. [43] en est un exemple, avec des courants circulants dans les plaquettes CuO2 le long des liaisons cuivre-oxygène

comme illustré Fig. 1.12a. D’un carré à l’autre, le sens du courant est alterné, assurant ainsi un moment magnétique macroscopique nul. L’origine de cette distribution de cou- rants est une onde de densité de charge non conventionnelle de symétrie d. La symétrie par translation du réseau est donc brisée ainsi que celle par renversement du temps. En diffraction on devrait alors observer un pic de Bragg magnétique en Q = (0.5, 0.5). Aucune mesure reproductible n’a pu mettre en évidence un signal compatible avec cette phase. Il n’y a en effet aucun indice qui prouve que la phase de pseudo-gap brise la symétrie par translation du réseau. Cette phase est équivalente à une phase de flux, même si l’origine théorique est différente [138].

Phase de Courants Circulants (CC). Les phases CC −θI et CC −θII sont d’autres

exemples que nous développerons plus en détail dans le chapitre sur la phase de pseudo- gap. Le courant circule dans ces phases dans les triangles formés par le cuivre et ses

Figure1.12 – a) Schéma de la distribution de courant pour la phase DDW [43]. Cette phase brise la symétrie par translation du réseau puisque la maille élémentaire magné- tique est le double de la maille élémentaire cristalline. De plus, la symétrie par renverse- ment du temps est brisée b) c) : Schéma de la distribution de courant pour les phases CC − θI b) et CC − θII c)[189].

deux oxygènes voisins (cf. Fig. 1.12b. et c.). Pour la phase CC −θI, il y a 4 boucles de

courants par plaquette CuO2, et uniquement 2 pour la phase CC − θII. Dans les deux

cas l’invariance par translation du réseau est préservée car le motif est à l’intérieur de la maille élementaire et les courants circulent en opposition de phase assurant ainsi un moment magnétique orbital total nul [189]. On peut alors parler d’ordre AF à Q = 0.

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