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c : Les modèles internationaux

Dans le document Le Louvre des Sables : le dossier Abou Dhabi (Page 114-117)

III 1.c : Le Musée et le Politique

IV. 2 : Inaliénabilité

IV.2. c : Les modèles internationaux

En Espagne, depuis 1985, les œuvres d’art appartenant à l’État et celles considérées comme ayant un intérêt culturel sont inaliénables. En Italie, le principe de l’inaliénabilité existe mais, depuis 1999, l’échange et la vente d’œuvres sont possibles dans certains cas très supervisés, et sous réserve qu’elles restent accessibles au public. En Allemagne, il n’y a pas de règle concernant l’inaliénabilité mais la vente reste très exceptionnelle ; l’exportation est contrôlée et très limitée. En Hollande, depuis 1999, un code de déontologie, établi par le Ministère de la culture, privilégie l’intérêt des collections des Pays-Bas plutôt que les intérêts individuels des musées ; ceux-ci sont donc encouragés à intensifier les prêts, à s’échanger des œuvres, notamment afin d’harmoniser et de particulariser leurs collections, mais surtout afin d’éviter la dispersion, voire la vente publique, qui a menacé certains musées confrontés à des déficits budgétaires considérables173. Au Royaume-Uni, quelques musées sont sous le régime de l’inaliénabilité via leur code de déontologie professionnelle, mais il ne s’agit pas d’un principe général. Pour preuve, fin 2006, le conseil municipal de Bury, dans la banlieue de Manchester, a

173 Chris Dercon, « Le principe de l’inaliénabilité : une remise en question », dans Jean Galard. L’avenir des

Musées, Actes du colloque organisé au musée du Louvre par le Service culturel les 23, 24 et 25 mars 2000, Paris,

vendu une œuvre de L.S. Lowry, non pas pour financer la galerie d’art de la ville, mais pour éponger ses dettes et servir des projets culturels. Plus récemment, la controverse au sujet du projet de deaccessioning d’un tableau d’Alfred Munnings et d’une sculpture d’Auguste Rodin, par le musée de Southampton, projet conçu afin de générer les fonds manquants à la ville pour créer le musée maritime voué au Titanic, montre que la vente d’œuvres est envisagée à des fins multiples. C’est finalement la protestation du public qui a incité la ville à trouver les fonds ailleurs174.

Aux États-Unis, les collections sont aliénables ; tous les musées, grands et petits, utilisent cette méthode de gestion des collections même s’ils restent discrets en la matière. C’est d’ailleurs pour exposer cette activité marchande du musée qu’en 1999, à l’occasion de l’exposition du MoMA « The Museum as Muse », que l’artiste Michael Asher a établi et présenté la liste des œuvres deaccessioned du musée175. Entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2009, les musées américains ont perçu plus de cent seize millions de dollars en échange de leurs ventes aux enchères via les maisons Sotheby et Christie. À titre d’exemple, mentionnons quelques musées qui ont contribué aux listes des catalogues de ventes aux enchères new yorkaises de l’automne 2009 : le Wadsworth Athenaeum museum of art de Hartford avec des œuvres de céramiques chinoises ; le Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington avec vingt neuf œuvres portant, entre autres, les signatures de Victor Vasarely, Henry Moore, Max Ernst ; le Art Institute

of Chicago avec quatorze objets ; le St Louis Art museum ; le Carnegie Museum of Art de

Pittsburg ; le Baltimore Art museum, ainsi que le Walters Art Museum avec un dessin de Warhol176. Selon Allison Whiting, à la tête du Service aux musées de Christie, la quantité et la

174 Martin Bailey. « Outrage at plan to sell public works », The Art Newspaper, nº 205, septembre 2009, p. 13. 175 Sarah Thornton. Seven days in the Art World, New York & Paris, Editions W.W. Norton & company, 2008, p. 44.

qualité des objets consignés sont équivalentes à celles des années antérieures. Les musées américains semblent avoir voulu profiter de la confiance du marché de l’art des dernières années pour se délester d’œuvres, en échange de fonds d’acquisition ou de gestion, à l’instar du Los

Angeles County Museum of Art et du MoMA de New York qui ont perçu respectivement près de

quatre millions et près de sept millions de dollars au cours de l’année fiscale 2007-2008177.

Au Canada, la majorité des musées sont privés et la plupart de leur Conseil d’administration a adopté des politiques et méthodes d’aliénation, qui sont plus ou moins fastidieuses selon que l’institution reçoive ou non des fonds publics. L’aliénation des œuvres des musées nationaux et des grands musées privés, sous réserve qu’elle respecte les conditions du donateur, est une décision consensuelle des autorités des divers départements concernés et du Conseil d’administration, à la suite de laquelle est entamée la procédure du dessaisissement. Elaine Tolmatch, du Musée des Beaux-arts de Montréal, a répertorié cinq façons de disposer d’une œuvre : par don à une autre institution ; par échange d’œuvres entre deux institutions ; par suite de la vente, privée ou aux enchères ; par destruction ou élimination volontaire dû au « mauvais état, surutilisation, inauthenticité, manque d’originalité, et analyse en laboratoire » ; et la rétrocession, en cas de possession illégale avérée ou en cas de demande de rapatriement178. Le

conservateur et professeur torontois, David W. Barr, suggère toutefois qu’une approche de dessaisissement, commune à tous les types d’objets de collection et à tous les types musées, soit mise en place afin d’unifier « le niveau de professionnalisme des gestionnaires des collections » et les diverses politiques actuellement existantes179. Depuis 1998, l’Association des musées

177 Lindsay Pollock. Op.cit.

178 Elaine Tolmatch. « Définition de l’‘aliénation’ et du ‘dessaisissement’ », Muse, Vol. VIII, nº 2, été 1990, p. 13. 179 David W. Barr. « Legs ou sacrilège ? : Quelques solutions au problème du dessaisissement des collections »,

canadiens (AMC) a mis en place un code de déontologie, en matière de collectionnement,

incluant les critères et les méthodes d’aliénation, à l’usage de ses membres180.

Qu’elle se pratique de manière routinière ou exceptionnelle, discrète ou contournée, la cession des œuvres des collections publiques ou privées est une réalité des musées d’aujourd’hui, tant européens qu’américains, réalité qui reste néanmoins controversée et source de débats de l’ordre du jugement éthique, de la déontologie professionnelle et d’ordre pratique.

Dans le document Le Louvre des Sables : le dossier Abou Dhabi (Page 114-117)