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A. La maladie de Parkinson

8. Modèles expérimentaux

Les différents mécanismes à l’origine de la MP ont été identifiés grâce à l’étude de modèles expérimentaux cellulaires comme animaux, toxiques et génétiques.

8.1 Modèles cellulaires

Les modèles cellulaires de la MP les plus utilisés sont les lignées neuronales issues de neuroblastome humain (comme les SH-SY5Y) et les cultures primaires de neurones mésencéphaliques. Le traitement de ces cellules par les neurotoxines, comme le MPP+, la 6-OHDA ou la roténone, montrent de nombreux aspects de la mort des neurones dopaminergiques observés dans la MP. Les neurones mésencéphaliques sont une source de neurones dopaminergiques mais ces cellules humaines sont relativement difficiles à obtenir et à cultiver. Les lignées cellulaires de type SH-SY5Y sont des cellules qui possèdent les caractéristiques biochimiques de neurones humains dopaminergiques (Xie et al., 2010). Ces cellules permettent également d’exprimer ou d’invalider les gènes humains sauvages ou ayant des mutations pathogènes afin de disséquer les fonctions moléculaires des gènes et protéines impliqués dans la MP. Par exemple, le gène LRRK2 présentant la mutation G2019S a été exprimé dans cette lignée suggérant ainsi l’implication de l’autophagie dans sa pathogénie (Plowey et al., 2008). Les cellules SH-SY5Y exprimant de façon stable la mutation A53T de SNCA sont plus vulnérables à l’exposition au MPP+ et pourraient servir de modèles pour tester de nouvelles thérapeutiques

(Zhao et al., 2007). L’invalidation de la Parkin dans cette même lignée a permis de montrer son implication dans la mitophagie (Gegg et al., 2010). Ces 3 exemples parmi beaucoup d’autres confortent l’intérêt de tels modèles. Enfin, des lignées cellulaires « cybrides » (cytoplasmic hydrids) ont été créées en fusionnant des plaquettes contenant l’ADN mitochondrial de sujets parkinsoniens avec des cellules SH-SY5Y (Trimmer & Bennett, 2009). Ces cellules présentent un dysfonctionnement mitochondrial, des perturbations des voies de mort cellulaire et des inclusions type corps de Lewy.

Ces modèles cellulaires ne représentent pas toute la complexité de la maladie et l’interprétation des résultats issus de ces modèles peut être sujette à caution. C’est pourquoi, en parallèle, des modèles expérimentaux animaux sont développés permettant d’étudier le processus cellulaire dans le contexte d’un circuit fonctionnel neuronal.

8.2 Modèles animaux

Un modèle animal idéal de MP doit être caractérisé par une perte progressive des neurones dopaminergiques et un début à l’âge adulte. De plus, il doit reproduire le phénotype clinique notamment moteur qui répond à la dopathérapie (Chesselet, 2008). Différents modèles animaux (primates, rongeurs (souris et rats), poisson zèbre (Danio rerio), mouches (Drosophila melanogaster), vers (Caenorhabditis elegans), etc…) ont été générés par administration de substances neurotoxiques et par manipulations génétiques pour disséquer les mécanismes à l’origine de la maladie et tester de nouveaux traitements.

8.2.1 Modèles animaux toxiques

Les neurotoxiques les plus utilisés à l’heure actuelle sont la 6-hydroxydopamine, le MPTP et la roténone. Ces toxines détruisent les neurones dopaminergiques de la SN, à l’origine d’un syndrome parkinsonien chez les animaux.

8.2.1.1 6-hydroxydopamine

La 6-OHDA est l’une des premières toxines utilisées et documentées (Ungerstedt, 1968). La 6-OHDA est principalement injectée de façon unilatérale et stéréotaxique au niveau nigro-strié, car elle ne traverse pas la barrière hémato-encéphalique et car des lésions bilatérales sont à l’origine d’un tableau très sévère. Elle est à l’origine d’un syndrome parkinsonien avec comportement de rotation permettant de comparer les 2 hémisphères cérébraux et ainsi de tester de nombreux traitements. La toxine peut être utilisée chez le rat, la souris, le primate voire C. elegans (Bezard et al., 1998 ; Bezard & Przedborski, 2011).

injection intraveineuse a été responsable d’un syndrome parkinsonien (Langston et al., 1983). Le MPTP traverse la barrière hémato-encéphalique et est métabolisé par les astrocytes en MPP+ qui pénètre les neurones dopaminergiques grâce au transporteur de la dopamine (Javitch et al., 1985). Le MPP+ se concentre au niveau mitochondrial où il inhibe le complexe I de la chaîne respiratoire à l’origine d’une déplétion en ATP et d’un stress oxydant responsable de la mort neuronale. Le modèle expérimental MPTP est l’un des plus utilisés dans le cadre de la MP principalement par administration systémique chez la souris et le primate. Ce modèle a permis d’apporter de nombreux éléments sur la physiopathologie et la pathogénie de la MP et sert également à tester de nombreuses molécules. Néanmoins, à ce jour, aucune molécule neuroprotectrice efficace dans les modèles MPTP n’a pu être transposée en pratique clinique chez l’homme (Cannon & Greenamyre, 2010).

8.2.1.3 Roténone

La roténone est un insecticide puissant inhibiteur du complexe I mitochondrial non seulement des neurones dopaminergiques, mais aussi au niveau systémique. Son injection intracérébrale produit des lésions non spécifiques. La roténone est désormais plutôt utilisée par administration systémique ou intra-péritonéale de façon chronique à faibles doses afin de produire une dégénérescence nigro-striée plus sélective et des inclusions cytoplasmiques d’alpha-synucléine (Betarbet et al., 2000). Ce modèle reste controversé, car certaines équipes ne retrouvent cet effet que chez 50% des rats traités. Néanmoins, ce modèle a l’avantage de produire une neurodégénérescence progressive correspondant plus à la MP que les modèles par administration aigüe de 6-OHDA ou MPTP. D’autres espèces animales (souris, drosophile) reproduisant ce phénotype avec la roténone ont également été proposées (Cannon & Greenamyre, 2010).

8.2.2 Modèles animaux génétiques

En raison du décryptage du génome murin et de la facilité de sa manipulation génétique, la souris est de loin le modèle animal le plus utilisé. Néanmoins, des modèles utilisant la drosophile ou C. elegans ont également été réalisés. Pour chacun des gènes majeurs associés à la MP, des modèles animaux transgéniques de surexpression des gènes humains sauvages (knock-in) ou mutés et d’invalidation (knock-down) ont été développés (Dawson et al., 2010).

En raison de son rôle prépondérant dans la MP, de nombreux modèles utilisant SNCA ont été créés. La surexpression de SNCA et des mutations A53T et A30P chez la drosophile entraîne une

mort sélective des neurones dopaminergiques, des inclusions corps de Lewy-like et un déficit locomoteur dopasensible (Feany & Bender, 2000). Chez C. elegans, la surexpression de SNCA entraîne uniquement une mort des neurones dopaminergiques (Lakso et al., 2003). Néanmoins, ces modèles animaux n’ont pas l’organisation des vertébrés et n’expriment pas l’alpha-synucléine. Parmi tous les modèles murins, seule la souris transgénique A53T SNCA avec le promoteur murin du prion montre une agrégation de l’alpha-synucléine associée à une dégénérescence âge-dépendante (Giasson et al., 2002). La surexpression de SNCA peut également utiliser des vecteurs adénoviraux et lentiviraux qui ciblent les neurones mésencéphaliques des rongeurs et primates provoquant une perte neuronale dopaminergique marquée (Ulusoy et al., 2010).

La surexpression de LRRK2 chez la drosophile entraîne une perte neuronale dopaminergique et une réduction de l’activité motrice dopasensible âge-dépendante (Liu et al., 2008). De la même façon, sa surexpression chez C. elegans provoque une dégénérescence neuronale dopaminergique (Saha et al., 2009). L’invalidation des homologues de LRRK2 chez ces animaux et de LRRK2 chez la souris a suggéré son rôle dans le maintien des neurones dopaminergiques (Imai et al., 2008 ; Lee et al., 2007 ; Sakaguchi-Nakashima et al., 2007). Les souris transgéniques surexprimant LRRK2 ne présentent pas de dégénérescence dopaminergique marquée, mais la souris transgénique R1441G LRRK2 montre une atteinte motrice dopasensible (Li et al., 2009 ; Li et al., 2010).

De la même façon que les modèles utilisant les gènes des formes autosomiques dominants, les modèles drosophiles des formes autosomiques récessives montrent une perte neuronale dopaminergique âge-dépendante et un phénotype moteur alors que les modèles murins ne répliquent que peu de caractéristiques de la MP. Les drosophiles invalidées pour la Parkin ou PINK1 ont une espérance de vie réduite, des troubles moteurs et un déficit mitochondrial (Greene

et al., 2003 ; Whitworth et al., 2005 ; Clark et al., 2006 ; Park et al., 2006 ; Yang et al., 2006).

Les souris invalidées pour Parkin ou PINK1 ne montrent que des anomalies mineures de la transmission dopaminergique (Von Coelln et al., 2004 ; Kitada et al., 2007). Les drosophiles invalidées pour DJ-1 par RNA interference présentent une perte neuronale dopaminergique (Yang et al., 2005).

8.3 Limites de ces modèles

L’obstacle majeur des modèles tant cellulaires in vitro qu’animaux in vivo est qu’ils ne comportent pas toutes les caractéristiques et mécanismes associés à la MP. Les modèles animaux rendent rarement compte des caractéristiques cliniques de la maladie comme l’âge de début, le

pathologiques de la maladie. Une combinaison de plusieurs modèles permettrait de mieux définir la pathogénie de la maladie qui combine des facteurs environnementaux et génétiques. De plus, les études in vitro ont modélisé les altérations des constituants cellulaires comme le protéasome, la mitochondrie et les lysosomes, mais la relevance de ces anomalies dans le processus pathogénique reste discutée (Obeso, 2010). En raison de ces difficultés à développer un modèle étiologique qui mime les caractéristiques de la MP, l’étude des tissus et lignées cellulaires issus de sujets affectés par la maladie pourrait constituer des modèles d’étude intéressants.