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Chapitre II – L’arthrose

II- 6 Les modèles expérimentaux d’arthrose

L’évolution des changements structuraux au cours de l’OA s’étend sur une longue période de temps, et c’est pourquoi il est difficile d’en étudier l’étiopathogénèse. Par conséquent, le développement de modèles expérimentaux d’OA a permis de suivre les changements dans le temps et ainsi d’établir une évolution séquentielle des lésions OA. Cela représente donc un avantage significatif dans l’exploration des différents aspects des changements morphologiques et des voies physiopathologiques impliqués dans le développement de l’OA. Pour ce faire, de nombreux modèles animaux chez lesquels l’OA se développe de façon spontanée ou de manière induite ont été développés et étudiés. Ces modèles regroupent des animaux allant des modèles de petite taille comme la souris à ceux de grande taille comme le chien ou le mouton.

En ce qui nous concerne, nous nous intéresserons plus particulièrement aux animaux de petite taille. Parmi ces modèles, on trouve la souris, le rat et le cochon d’Inde. Contrairement aux modèles de taille moyenne ou de grande taille pour lesquels l’OA est induite presque toujours par la chirurgie, l’OA peut être induite par des altérations biochimiques des tissus de l’articulation chez les petits modèles (van der Kraan et al., 1989). Ainsi, ces petits modèles reproduisent d’importants changements observés au cours de l’OA humaine comme la destruction du cartilage (van den Berg et al., 1993), la formation d’ostéophytes (van Osch et al., 1996), et l’inflammation de la membrane synoviale (Blom et al., 2004). Il est aussi possible d’évaluer les différentes voies anaboliques et cataboliques impliquées dans la maladie (Gaffen et al., 1997) (Takahashi et al., 1997) (Stoop et al., 1999) (Janusz et al., 2004). Ainsi, le modèle des souris STR/ort a permis de démontrer que l’agrécane pouvait être clivé par des protéases (Chambers et al., 2001). De plus, les techniques d’imagerie pour ces modèles ont été particulièrement développées ces dernières années permettant alors d’évaluer la progression de la maladie et de quantifier les changements structuraux des tissus articulaires (van Valburg et al., 1996) (Ding et al., 2008).

Souris

Il est maintenant bien établi que l’OA peut se développer de manière spontanée chez certaines souches de souris telles que les souris STR/ort (Evans et al., 1994) (Mason et al., 2001). Ces modèles ont l’avantage de présenter des caractéristiques de l’OA humaine incluant la diminution de l’espace articulaire, les lésions du cartilage, les altérations des macromolécules de la MEC et la formation d’ostéophytes. De plus, l’étude de ces modèles a permis d’identifier d’autres facteurs physiques et biologiques influençant le développement de la maladie comme la perte d’innervation (Mason et al., 2001), des anomalies anatomiques (Schunke et al., 1988), le rôle joué par d’importants médiateurs cataboliques, cytokines et protéases (Chambers et al., 2001) (Chambers et al., 1997) (Chambers et al., 2002) (Flannelly et al., 2002) (Price et al., 2002), et le rôle de la génétique dans le développement de l’OA (Jaeger et al., 2008).

Cochon d’Inde

La souche la plus connue, les cochons d’Inde Hartley, développe l’OA spontanément (Bendele et al., 1989) (de Bri et al., 1996) (Wei et al., 1997), et préférentiellement dans le compartiment médial. Les changements morphologiques observés sont une fibrillation du cartilage, un remodelage de l’os sous-chondral, une hyperplasie de la membrane synoviale et une formation d’ostéophytes (Bendele AM., 2001), mais aussi une augmentation du renouvellement du collagène et de la perte de Pg (Muehleman et al., 2002).

• Modèles induits

L’OA peut être induite selon différents types d’interventions entraînant des altérations métaboliques et/ou mécaniques dans l’articulation et ainsi reproduire des modifications de type OA au niveau du cartilage, de la membrane synoviale et de l’os sous- chondral. Les modèles d’OA induite les plus connus sont le résultat d’une injection intra-

articulaire de produits chimiques ou de protéases, d’une chirurgie, ou d’une modification génétique.

Injections intra-articulaire

L’agent chimique le plus souvent utilisé pour ce type d’OA induite est le monoiodoacetate (MIA), un inhibiteur de la glycolyse (Guzman et al., 2003). Contrairement aux modèles chirurgicaux dans lesquels une instabilité articulaire est créée, l’injection de MIA induit une altération biochimique des Cr. Ce modèle est principalement pratiqué chez le rat, la souris et le cochon d’Inde. La sévérité des lésions est dose- dépendante et génère douleurs et altérations structurales et biochimiques associées à l’OA (Guingamp et al., 1997) (Bove et al., 2003) (Kobayashi et al., 2003) (Dumond et al., 2004) (Fernihough et al., 2004). Les lésions du cartilage se développent rapidement suivant l’injection de MIA, et la durée classique d’une étude chez ce modèle est de 28 à 30 jours, voire même 56 jours (Guzman et al., 2003). Les irrégularités de surface du cartilage sont présentes 7 jours après l’injection et les lésions atteignent leur intensité maximale entre 14 et 21 jours dépendamment de la dose injectée. Un changement morphologique des Cr est observé aussi tôt qu’un jour après l’injection de MIA, et la perte cellulaire commence dès 7 jours. On remarque également un remodelage de l’os sous-chondral 5 à 7 jours suivant l’injection évoluant vers une sclérose de ce tissu (Guzman et al., 2003). On peut aussi observer une hyperplasie et une fibrose de la membrane synoviale mais uniquement à forte dose de MIA.

L’OA peut aussi être induite chez la souris et le rat par l’injection d’autres molécules comme la papaïne, la trypsine, l’hyaluronidase et la collagénase (Pritzker KP., 1994). Cette dernière substance n’induit pas seulement des lésions du cartilage mais aussi une instabilité de l’articulation, une inflammation de la membrane synoviale, un remodelage de l’os sous- chondral et une formation d’ostéophytes (Botter et al., 2008). De plus, il a été démontré que ce modèle à la collagénase était associé à une production excessive de PGE2, une des

Modèles chirurgicaux

La technique chirurgicale la plus connue d’instabilité articulaire est une rupture du ligament croisé antérieur, avec ou sans ablation partielle ou complète du ménisque. L’OA a été chirurgicalement induite par méniscectomie ou par rupture du ligament croisé antérieur pour la première fois chez le cochon d’Inde (Schwartz et al., 1981). Dès 2004, un modèle de rupture du ligament croisé antérieur a été réalisé chez le rat (Hayami et al., 2004). Dans ce modèle, les lésions OA précoces sont caractérisées par une résorption de l’os sous- chondral, suivie d’une formation excessive de ce tissu associée au développement d’ostéophytes. Récemment, un modèle chez la souris consistant en une combinaison de la rupture du ligament et d’une méniscectomie a été développé (Glasson et al., 2005) (Kamekura et al., 2005). Dans ces modèles d’OA induite, les changements structuraux, incluant les lésions du cartilage et la présence d’ostéophytes, se développent dix semaines après la chirurgie. Cette intervention induit également des changements histologiques du cartilage et une réduction des constituants de la MEC du cartilage qui peut progresser vers une perte totale du tissu cartilagineux. Cette combinaison chirurgicale a également été effectuée chez le rat (Hayami et al., 2006) (Bove et al., 2006). Finalement, dans une étude publiée en 2007, Glasson et al. (Glasson et al., 2007) affirmaient que le modèle de méniscectomie devrait être le premier choix pour induire l’OA chez la souris puisque la sévérité et la localisation des lésions OA, suivant la chirurgie, étaient cohérentes avec celles observées chez les modèles d’OA spontanée chez la souris. Ainsi, ce modèle est suffisamment sensible pour reproduire des lésions OA modérées mimant les premières étapes de développement de la maladie chez l’homme. Dans cette même étude, ils recommandent de ne pas procéder au modèle de rupture du ligament croisé antérieur chez la souris puisque les lésions OA qui se développent sont trop importantes et peuvent induire une érosion sévère de l’os sous-chondral.

Ces modèles sont d’une grande importance puisqu’ils ont permis l’identification du rôle joué par certains gènes dans le développement de l’OA (Pace et al., 1997) (Lin et al., 2001) (Helminen et al., 2002) (Appleton et al., 2007). Ainsi, les modifications génétiques effectuées chez ces modèles consistent en une mutation, une délétion ou une surexpression du gène cible. Ces modèles génétiques ont été particulièrement importants dans la détermination des rôles joués par les composants de la MEC dans le développement des altérations du cartilage OA (van den Berg WB., 2008). Un résumé des différents modèles génétiques employés est illustré dans le Tableau II. Ces modèles génétiques sont donc définitivement un outil scientifique indispensable pour mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de l’OA.

Tableau II: Modèles génétiques d’OA (adapté de Goldring MB et al., Journal of Cellular Physiology, 2007)

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