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Chapitre 1. Introduction

1.2. La modélisation de la mégacaryopoïèse jusqu’à aujourd’hui

1.2.2. Modèles d’EDR/EDP et dynamiques à long terme

Le premier modèle ne faisant appel qu’à des durées de passage déterministes, présenté par von Schulthess et Gessner en 1986 [142], est de façon caractéristique motivé par la reproduction de phénomènes d’oscillations à long terme à l’aide d’un modèle simple. Les auteurs justifient ce critère de simplicité par la clarté que cela confère aux mécanismes sous-jacents susceptibles d’expliquer les oscillations observées dans les cas de thrombo- pénie cyclique. Le modèle se base sur deux hypothèses : celle qu’un écart par rapport à la quantité normale de plaquettes implique un écart proportionnel inverse du taux de production des plaquettes après un temps de maturation des mégacaryocytes τM; et celle

d’une durée de vie τP des plaquettes fixe. Les auteurs aboutissent à une équation à retard

pour la population de plaquettes P (t) de la forme

P0(t) = −β0[P (t − τM) − P (t − τM − τP)], t ≥ τM + τP,

et parviennent à montrer qu’une augmentation de β0, représentant l’intensité de la rétro-

action, entraîne l’apparition d’oscillations de période proche de celles observées expéri- mentalement.

Figure 1.7. Dans le modèle que J. Bélair et M. C. Mackey proposent en 1987 [10], les plaquettes régulent le taux de création des mégacaryocytes (en gras), via l’action implicite de la TPO sur le taux d’engagement des cellules souches dans la lignée mégacaryocytaire (en transparence).

Un modèle légèrement plus complexe a été proposé parallèlement par Bélair et Mac- key [10]. Comme on peut le voir sur la Figure 1.7, un taux de mort aléatoire γ est ajouté, et la production de plaquettes au temps t est donnée par β(P ) = β0σnP/(σn + Pn),

aboutissant à une équation à retard de la forme

P0(t) = −γP (t) + β(P (t − τM)) − β(P (t − τM − τP))e−γτP, t ≥ τM + τP.

Cette fois-ci, les auteurs montrent que c’est l’augmentation du paramètre de mort aléatoire

γ qui entraîne l’apparition d’oscillations.

L’utilisation d’équations de la forme x0(t) = f(x(t), x(t − τ

1), . . . , x(t − τn)) est perti-

nente lorsque l’on considère que la rétroaction a eu lieu à des étapes du système réparties de manière discrète. Mais si l’on veut modéliser une rétroaction en temps continu (par exemple, l’effet de la TPO tout le long de la maturation d’un mégacaryocyte), il est néces- saire de faire appel à un outil plus complexe : les équations aux dérivés partielles (EDP). Les EDP apparaissent très tôt dans les travaux de modélisation de la mégacaryopoïèse, lorsque Wichmann et al. [148] analysent en 1981 la dynamique de survie des plaquettes en représentant celles-ci comme une population structurée en âge, ce qui correspond à suivre non plus P (t) le nombre de plaquettes au temps t, mais p(t, a) le nombre de plaquettes d’âge a au temps t. L’équation de survie devient alors

∂p(t, a)

∂t +

∂p(t, a)

∂a = −γp(t, a), 0 ≤ a ≤ τP, t ≥0. (1.1)

Cependant, le coefficient γ étant constant, ce modèle reste proche de ceux proposés plus tard par von Schulthess et al. et Bélair et al.. Des coefficients variables ont été utilisés pour représenter deux hypothèses distinctes quant à l’influence de la TPO sur la mégaca- ryopoïèse : celle d’une influence sur la dynamique de transition des mégacaryocytes entre classes de ploïdie, et celle d’une influence sur la vitesse de prolifération et/ou croissance des mégacaryocytes.

Santillan et al. ont construit en 2000 un modèle basé sur la première hypothèse [121] : ils considèrent trois compartiments m0, m1, m2 représentant respectivement les mégaca-

ryocytes de ploïdie 1, 2 et 4, 8, 16 et 32, et 64 et 128, et dont les taux de transition de l’un à l’autre k0(T ) et k1(T ) augmentent avec T la concentration de TPO. Avec les hypo-

thèses additionnelles d’une production de plaquettes par mégacaryocyte croissante avec la ploïdie, et une production de TPO régulée à la baisse par les plaquettes, les auteurs identifient un jeu de paramètres permettant de reproduire la réaction du système mégaca- ryocytaire à l’injection de TPO. De plus, ils sont capables de montrer numériquement que l’augmentation du taux de mort des plaquettes entraîne l’apparition d’oscillations dans la

concentration de plaquettes, conformément à la pathogenèse de la thrombopénie cyclique auto-immune.

La seconde hypothèse a été utilisée pour la première fois par Eller et al. dans un article de 1987 [42] : la population de mégacaryocytes est structurée en âge, et son taux de croissance varie en fonction de la TPO, ce qui correspond à l’équation

∂m(t, a)

∂t +

∂m(t, a)

∂a = µ(T (t))m(t, a), 0 ≤ a ≤ τM, t ≥0.

Le modèle est complété par une équation similaire pour les cellules souches, ainsi qu’une équation similaire à (1.1) pour les plaquettes. Il est donc plus complet que le modèle proposé plus tôt par Wichmann et al. [149], mais ses auteurs ne proposent ni de reproduire quantitativement des données cliniques, ni une analyse mathématique approfondie du modèle. On y trouve cependant une esquisse de la méthode des caractéristiques, qui permet d’obtenir pour m(t, τM), i.e. la quantité de mégacaryocytes libérant des plaquettes

au temps t, une expression explicite de la forme

m(t, τM) = m(t − τM,0)e

Rt

t−τMµ(T (s)) ds, t ≥ τM.

Cette méthode offre l’opportunité de comprendre que le modèle proposé en 2007 par Apostu et al. [6], représenté par la Figure 1.8, repose également sur l’hypothèse d’une rétroaction de la TPO sur la croissance des mégacaryocytes. En effet, la variation du nombre de plaquettes au temps t, P (t) = RτP

0 p(t, a) da, est donnée par

P0(t) = −γP +A0κP  0 Rt t−τMTPO(s) dsQ(t−τM)−e−γSτP+µ0 Rt−τP t−τM −τPTPO(s) dsQ(t−τM−τP)  ,

pour t ≥ τM+τP où Q(t) correspond à la population de cellules souches, ce qui est obtenu

implicitement à partir du système suivant pour t ≥ 0 :                    ∂tm(t, a) +

∂am(t, a) = µ0TPO(t)m(t, a), 0 ≤ a ≤ τM,

m(t, 0) = κPQ(t), ∂p(t,a) ∂t + ∂p(t,a) ∂a = −γp(t, a), 0 ≤ a ≤ τP, p(t, 0) = A0m(t, τM).

À partir de cette formulation qui s’intègre dans une modélisation de l’hématopoïèse dans son ensemble, Apostu et al. parviennent à établir que l’augmentation du taux de mort des plaquettes γ entraîne l’apparition d’oscillations et la durée de vie des plaquettes

τP est déterminante pour la période des oscillations. De plus, les auteurs parviennent à

Figure 1.8. Le modèle proposé par Apostu et al. [5] prend en compte la dynamique de division cellulaire des cellules souches, et considère implicitement que le taux de croissance dynamique des mégacaryocytes augmente avec la concentration de TPO.

patients atteints de TC. Enfin, la première auteure a initié dans sa thèse de Master une analyse de stabilité du modèle complet [5]. Celle-ci repose sur l’analyse d’une équation transcendante du 4ème degré comportant neuf retards distincts, elle a donc été limitée à des résultats préliminaires.

Le modèle récemment présenté par Langlois et al. [82] résout partiellement ce pro- blème en considérant la quantité de cellules souches comme fixée à Q, de telle sorte que la

lignée mégacaryocytaire est indépendante des deux autres lignées hématopoïétiques. Les auteurs rajoutent un compartiment de mégacaryoblastes structuré en âge pour a ∈ [0, τM b]

dont le taux de prolifération dépend de la TPO, ce qui mène à une équation transcen- dante de degré 4 avec “seulement” trois retards. Toutefois, l’utilisation de cette équation transcendante se fait a posteriori. En effet, les auteurs obtiennent d’abord numérique- ment des estimations de paramètres permettant de reproduire les oscillations du nombre de plaquettes observées chez des patients atteints de TC, et s’appuient ensuite sur l’équa- tion transcendante pour étudier la nature mathématique du changement de stabilité que l’on observe lorsque l’on translate les paramètres de valeurs correspondant à un patient sain aux valeurs associées à la TC (à l’aide de la théorie des bifurcations de Hopf). Une telle méthode complique une éventuelle étude précise de l’effet de chaque paramètre sur l’apparition des oscillations caractéristiques de la TC.

C’est dans ce contexte que nous proposons trois modèles plus simples de la méga- caryopoïèse, chacun basé sur différentes hypothèses biologiques prises pour expliquer les phénomènes étudiés.

1.3. L’étude de la stabilité, de l’existence de solutions oscil-

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