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Modèles d’EDO à compartiments subdivisés et perturbations

Chapitre 1. Introduction

1.2. La modélisation de la mégacaryopoïèse jusqu’à aujourd’hui

1.2.1. Modèles d’EDO à compartiments subdivisés et perturbations

Comme expliqué au-dessus, Kodym [73] a étudié les variations de durées de passage observées expérimentalement, et a conclu que ni une distribution exponentielle négative ni un système d’EDR ne permettait de reproduire ces variations. Il a donc proposé de représenter chaque population de cellules par un enchaînement de compartiments suc- cessifs dont la durée de passage est donnée par une distribution exponentielle négative. Le nombre de sous-compartiments est alors choisi de manière à ce que le coefficient de variation de la distribution gamma résultant de la concaténation (voir Figure 1.6) corres- ponde aux valeurs expérimentales (jusqu’à 126 sous-compartiments pour les plaquettes). En plus de cela, Kodym et al. [73] se distingue de Wichmann et al. [149] par l’ajout de

Nombre de compartiments 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 8 7 6 Temps (h) 5 4 3 2 1 0 45 40 5 10 15 20 25 30 35 0 Cellules sortantes

Figure 1.6. La concaténation de compartiments dont les durées de passage sont distribuées selon une loi exponentielle négative produit une durée de passage totale distribuée selon une loi gamma. Ce graphe représente la quantité de cellules sortantes au temps t en fonction du nombre n de compartiments (lorsque la moyenne de chaque compartiment est ajustée pour conserver la durée de passage moyenne globale de 3 heures).

deux populations de progéniteurs (BFUmk et CFUmk), une prise en compte du volume

des mégacaryocytes de manière discrète à l’aide de classes de ploïdie, et une rétroaction ne dépendant pas explicitement de la TPO. Lorsque le modèle de Kodym et al. [73] est utilisé pour reproduire les données déjà utilisées par Wichmann et al. [149], les perfor- mances de deux modèles sont comparables. Mais la prise en considération des progéniteurs

permet à Kodym et al. d’étudier l’effet qu’auraient sur ces cellules les médicaments cyto- toxiques (i.e. toxique pour les cellules), plutôt que de se restreindre à l’effet sur les CSH. Ainsi les auteurs reproduisent l’évolution du nombre de plaquettes après l’injection de 5-fluorouracile, un médicament utilisé dans le traitement de certains cancers.

Si la multiplication des compartiments (210 en tout) facilite la reproduction de don- nées expérimentales, elle a pour inconvénient de rendre pratiquement impossible une ana- lyse formelle de la dynamique du modèle, et notamment de l’influence des paramètres. Par conséquent, cette méthode n’est pas adaptée à l’exploration mathématique des consé- quences long terme faisant suite à des changements internes (telle qu’une réduction de la prolifération ou une réaction auto-immune) ni à l’analyse de la sensibilité aux conditions initiales. Elle a en revanche été privilégiée pour l’étude de la réaction à court terme du système aux perturbations extérieurs.

Les modèles à sous-compartiments ont par exemple été choisis pour modéliser la réaction du système mégacaryocytaire à l’injection de substances stimulantes. Harker

et al. [63] reproduisent l’effet du facteur de croissance PEG-rHuMGDF à l’aide d’un

modèle à deux compartiments (mégacaryocytes et plaquettes) subdivisés en un total de 25 sous-compartiments (l’interpolation de relevés successifs de concentration de PEG- rHuMGDF chez le patient est employée comme une variable du modèle). Un modèle bien plus complexe est utilisé par Skomorovski et al. en 2003 [130], puisque qu’il contient un compartiment pour chacune des 7 classes de ploïdie, en plus d’un compartiment pour les mégacaryoblastes, un pour les CSH, un pour les plaquettes ainsi qu’une équation pour le niveau de TPO. Les auteurs se servent des équations aux différences à retard pour modéliser la dynamique de chacun des 77 sous-compartiments, et sont capables de reproduire la dynamique du nombre de plaquettes observée chez des singes rhésus recevant des injections répétées de TPO selon différents protocoles.

On trouve également des modèles destinés à reproduire la dynamique du nombre de plaquettes chez des patients irradiés. Dans ce but-là, D. H. Grassle propose dans sa thèse de 2000 [53] de prendre en compte la dynamique de renouvellement des cellules souches en rajoutant par rapport à Kodym [73] un compartiment pour celles-ci ainsi qu’une substance régulatrice distincte de celle régulant la maturation des mégacaryocytes. La division en sous-compartiments est conservée, de telle sorte que le modèle final se compose de 55 EDO. À partir de ce modèle, Grassle est capable de reproduire les dynamiques observées expérimentalement après exposition à des radiations (chez le rat, l’humain et le chien). La

subdivision du compartiment des cellules souches entre cellules saines et cellules irradiées permet de reproduire l’effet de fortes de doses de radiation, et l’ajout pour chaque com- partiment d’un terme de dégradation aléatoire supplémentaire rend compte de la repro- duction de l’effet de doses plus faibles mais répétées. En particulier, l’existence de quatre compartiments distincts pour représenter les cellules en prolifération autorise l’auteur à modéliser fidèlement l’effet des radiations en fonction de la maturité des cellules. Wentz

et al. [147] ont aussi proposé en 2015 un modèle pour reproduire l’effet de fortes doses

d’irradiation sur le nombre de plaquettes, avec cette fois-ci seulement quatre types de cel- lules (progéniteurs, mégacaryocytes immatures, mégacaryocytes matures et plaquettes). À nouveau, deux régulateurs sont considérés et chaque compartiment possède un double correspondant aux cellules irradiées. Avec un total de 23 sous-compartiments, les auteurs reproduisent de manière fidèle les données expérimentales issues du singe rhésus et de l’hu- main, de telle sorte que le modèle peut par exemple être utilisé pour prévoir les besoins en soin à la suite d’un accident nucléaire.

Enfin, Scholz et al. [126] ont proposé un modèle de la mégacaryopoïèse afin de pré- venir les cas de thrombopénie dus aux chimiothérapies. Il est composé d’un comparti- ment pour les CSH, un pour les mégacaryoblastes, un pour les mégacaryocytes et deux pour les plaquettes (en circulation et retenues dans la rate). La concaténation de sous- compartiments est à nouveau utilisée pour reproduire la distribution du temps de survie des plaquettes proche d’une loi Gamma, et la durée de passage dans les autres comparti- ments est donnée par une loi exponentielle négative, pour un total de 18 compartiments et sous-compartiments. La méthode de l’amplification scindée (amplification splitting) est employée pour modéliser un taux d’amplification variable le long de la maturation des mégacaryocytes en dépit du fait que ceux-ci ne sont pas modélisés par une structure en âge. Les auteurs sont capables de reproduire quantitativement les fluctuations de la quantité de plaquettes observées chez les patients traités par chimiothérapie. Ce modèle constitue donc un outil permettant de prédire l’impact des nouveaux protocoles de traite- ment par chimiothérapie sur le système mégacaryocytaire, et notamment l’apparition de thrombopénie.

On peut donc voir que la multiplication de sous-compartiments est privilégiée pour modéliser la réaction du système mégacaryocytaire à des perturbations extérieures d’in- tensité variable et mesurable (concentration des produits injectés, niveau d’irradiation).

L’attention n’est portée ni sur la dynamique long terme ni sur une caractérisation quali- tative de la dynamique sous-jacente.

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