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Chapitre 2. Etat de l’art des modèles de cryptes intestinales et des

3. Les modèles de densité de population

Les modèles de densité de population de la crypte intestinale sont moins nombreux que les modèles individu-centrés, plus encore dans les modèles publiés récemment. En effet, dans le cadre d’applications en cancérologie, on souhaite reproduire l’organisation

précise de la niche des cellules souches qui est constituée d’un faible nombre de cellules et dans ce cas, les modèles continus sont moins adaptées que les modèles individu-centrés.

Commençons par les modèles à compartiment présentés dans [64]. Dans ce cas, l’es-pace n’est pas représenté explicitement mais peut-être pris en compte dans le choix des compartiments. On a donc trois compartiments : les cellules souches en nombre ns, cel-lules progénitrices en nombre np et cellules différenciées en nombre nd. Les cellules souches (progénitrices) sont susceptibles de mourir au taux α11), de se diviser et se différen-cier en cellules progénitrices au taux α2 (en cellules différenciée au taux β2) et se diviser de manière symétrique au taux α33). Les cellules différenciées meurent au taux γ. Le premier modèle comprend une variable d’âge qui correspond à la progression des cellules dans le cycle cellulaire. ni(t, a) représente la quantité de cellules i au point a du cycle cellulaire à l’instant t. La durée du cycle cellulaire ti est fixée pour chaque type cellulaire i. L’évolution de la population de cellules i correspond à l’EDP suivante, structurée en âge

(14) ∂tni(a, t) + ∂ani(a, t) = 0 pour 0 < a < ti.

Les conditions de bords sont déterminées par les taux de renouvellement, différenciation et mort. Par exemple, pour les cellules souches et progénitrices

ns(0, t) = 2α3ns(ts, t), (15)

np(0, t) = 2β3np(tp, t) + 2α2ns(ts, t). (16)

On peut obtenir la formule exacte des densités ni(t, a) pour certaines densités initiales ni(a, 0). Les auteurs se placent ensuite sur une échelle de temps grande devant la durée des cycles cellulaires, ce qui permet de faire disparaître la structure en âge. On obtient alors le modèle d’EDOs suivant :

dNs dt (t) = (α3− α1− α2)Ns(t), (17) dNp dt (t) = (β3− β1− β2)Ns(t) + α2Ns(t), (18) dNd dt (t) = −γNd(t) + β2Np(t). (19)

où les valeurs numériques pour αi, βi et γ sont différentes de celles du modèle précédent. On sait ensuite résoudre ce système. Dans ces deux modèles, hormis pour un nombre fini de valeurs de paramètres, la taille des populations Ni(t) croit ou décroit exponen-tiellement ce qui ne correspond pas à une crypte à l’homéostasie. On parle d’instabilité structurelle. Comme correction, les auteurs testent différents rétrocontrôle via les taux α2 de différenciation (notamment des taux logistiques). L’introduction d’un rétrocontrôle est similaire au rôle de l’anoikis pour limiter la prolifération cellulaire dans les modèles individu-centrés (voir 2.3.1). On obtient alors des états d’équilibres stables qui peuvent être modulés par le choix des paramètres.

Un autre travail est celui de [86]. Ce modèle traite la crypte comme un segment [0, zmax] unidimensionnel en faisant l’hypothèse que l’organisation de la crypte est axi-symétrique. Le modèle microscopique est une simplification du modèle individu-centré [128]. Les cellules interagissent uniquement par des ressorts linéaires (2), et on consi-dère deux types de cellules. Les cellules souches prolifèrent tant que leur position dans la crypte est sous un seuil zd et deviennent différenciées au-delà, stoppant leur prolifé-ration. La durée du cycle cellulaire est ts. En faisant tendre la taille des cellules vers 0 et en faisant exploser la taille de la population, les auteurs obtiennent formellement le

modèle continu macroscopique suivant pour la densité de cellules ρ(z, t) (dans sa version adimentionnalisé) : (20) ∂tρ = ∂z 1 ρ2zρ  + 1{z≤zd}(z)βρ avec β = z 2 maxη ln 2 a2tsk ,

k la rigidité du ressort, η le coefficient de friction des cellules (1) et a la taille des cel-lules dans le modèle microscopique. Le flux de celcel-lules lié aux interactions mécanique est capturé par le terme de diffusion non-linéaire ρ12zρ et la prolifération correspond au terme 1{z≤zd}(z)βρ. L’absence de flux de cellules à la base de a crypte correspond à une condition de Neumann

(21) ∂zρ = 0 en z = 0.

Au sommet de la crypte où les cellules sont expulsées dans la crypte intestinale, on souhaite modéliser l’absence de pression. Cela correspond à la condition de Dirichlet

(22) ρ(1, t) = 1.

Les auteurs par des simulations montrent que ce modèle macroscopique reproduit le comportement moyen du modèle microscopique. Ils s’intéressent ensuite comme dans [64] à l’existence d’un état stationnaire non nul (homéostasie) et démontrent qu’une condition nécessaire sur les paramètres est

(23) β > 1

zd(2 − zd).

De plus, l’équation (20) ne comportant que deux paramètres, il est facile d’explorer nu-mériquement le modèle et de trouver les valeurs en accord avec les observations.

L’avantage des modèles continus comme [64, 86] est la possibilité d’avoir une dé-marche théorique. On peut ainsi obtenir (rarement) la forme de la solution exacte, ou des bornes sur des paramètres pour lesquelles existe des solutions particulières. De plus, ils sont plus rapides à simuler que les modèles microscopiques sous-jacents et sont donc plus simples à explorer numériquement. Cependant, dans l’état actuel, cette simplicité est trop importante pour améliorer notre compréhension du fonctionnement de la crypte. Une autre catégorie de modèles continus de l’épithélium intestinal est développée par des physiciens et repose sur des outils avancés de la mécanique des milieux continus et de la matière active, par exemple [57, 56]. Ces théories sont assez éloignées de ce que nous utilisons dans cette thèse et je ne les ai donc pas étudiés en détails. Les résultats obtenus sont cependant remarquables, d’où leur mention ici. La cryptogénèse a par exemple été étudiée sous cet angle [57] et, comme pour les modèles individu-centrés (voir 2.5.1), est expliquée par des différences de propriétés mécaniques entre l’épithélium et les différentes couches du stroma, et la pression issue de la prolifération des cellules. Ce modèle est ensuite repris dans un article remarquable pour confirmer les liens observés expérimen-talement entre les phases successives de maturation du mésenchyme et l’apparition des villosités chez le poulet [113]. Dans [56], les auteurs s’intéressent à l’apparition de motifs spatiaux particuliers dans un épithélium constitué de deux types cellulaires : des cellules souches qui se divisent et des cellules différenciées qui migrent activement. Il peut s’agir de l’apparition de motifs périodiques de la densité cellulaire, ou une séparation entre les deux populations de cellules (par exemple, la séparation entre cellules souches et diffé-renciées dans la crypte intestinale). Ce modèle a récemment été appliqué à la question du

mode de migration des cellules le long des villosités de l’intestin grêle [72]. D’après ces modèles, dans le cas d’une migration passive simplement liée à la pression mitotique, la densité cellulaire devrait décroître en s’éloignant de la zone de prolifération à la base de la villosité ; tandis qu’avec la présence d’une force de migration active, la densité devrait augmenter au sommet de la villosité. Les mesures expérimentales indiquent qu’il y a bien une force de migration active dans la partie supérieure de la villosité.