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Modèles d’étude : le caribou forestier, l’orignal et le loup gris

Les populations du caribou forestier sont considérées comme étant menacées au Canada (COSEWIC 2002) depuis 2002 (Loi sur les espèces en péril, LEP) et vulnérables au Québec depuis 2005 (Loi sur les espèces menacées et vulnérables du Québec, Décret 75- 2005). Le rétablissement des populations du caribou représente donc un enjeu de conservation majeur au Canada. Son aire de répartition n‟a cessé de diminuer depuis 1850 en raison de l‟avancée d‟un front de perturbations humaines qui repousse l‟espèce toujours plus loin vers le nord (Bergerud 1974, Bergerud 1996, Schaefer 2003, Vors et al. 2007,

Vors et Boyce 2009). Les caribous ont un comportement très sélectif en hiver, alors qu‟ils se nourrissent de lichens terricoles et arboricoles, associés aux peuplements forestiers résineux matures (Rettie et Messier 2000, Courtois 2003, Lessard 2005, O‟Brien et al. 2006, Fortin et al. 2008a, Briand et al. 2009, Courbin et al. 2009). En été, leur régime alimentaire inclut également des graminées et plusieurs plantes ligneuses (Rettie et Messier 2000, Courtois 2003). Les populations du caribou forestier ne seraient pas limitées par l‟abondance de lichens dans notre secteur d‟étude (Courtois 2003, Courtois et al. 2007), compte tenu de leur densité de seulement 3,3 caribous/100 km2 (Courtois et al. 2008). Ce serait plutôt la prédation par le loup gris (Mech et Boitani 2003), carnivore au sommet de la pyramide alimentaire en forêt boréale (Mech et Boitani 2003, Houle et al. 2010), qui limiterait les populations du caribou des bois (Bergerud 1974, Gasaway et al. 1983, Seip 1992, Stuart-Smith et al. 1997, Rettie et Messier 1998, Rettie et Messier 2000, McLoughlin

et al. 2003, McLoughlin et al. 2005, Wittmer et al. 2005). Les caribous adultes sont

particulièrement vulnérables à la prédation du loup durant le printemps et l‟été (Courtois et

al. 2007, Whittington et al. 2011). En effet la condition physique des caribous est

relativiement mauvaise à la sortie de l‟hiver et leur capacité à échapper au prédateur étant donné une rencontre est réduite. C‟est en été que le taux de rencontre entre les caribous et les loups est le plus élevé (Whittington et al. 2011). Malgré leur meilleure condition physique, le nombre de mortalité reste donc relativement élevé en été. La densité de loups observée dans la région est d‟environ 0,36 individus/100 km2 (Larivière et al. 2000). Les faons de caribou sont majoritairement tués par les ours (Ursus americanus) durant les premières semaines suivant leur naissance (Bastille-Rousseau et al. 2011, Dussault et al. 2012) et par les loups, dans une moindre mesure (Dussault et al. 2012). Cependant les ours, qui sont à une faible densité de 0,3 ours/10 km2 dans notre secteur d‟étude (Lamontagne et

al. 2006), ne sont pas d‟importants prédateurs des caribous adultes. Il est à noter que sur

les neuf mortalités de caribou observées durant notre étude, deux ont pu être attribuées à la prédation (soit 22 % des cas de mortalités) mais aucune n‟a été formellement attribuée à la prédation par l‟ours. Pour diminuer leur risque de prédation au printemps et à l‟été, les caribous évitent leurs congénères (Courtois 2003), de même que les autres proies du loup comme l‟orignal (James et al. 2004, McLoughlin et al. 2005).

L‟orignal vit dans notre secteur d‟étude à une densité d‟environ 4,3 individus/100 km2 (Gingras et al. 1989) et leur population demeure relativement stable depuis les 20 dernières années (Lamontagne et Lefort 2004). Les orignaux sélectionnent les secteurs ayant un fort entremêlement de peuplements mixtes et feuillus avec des peuplements de résineux matures (Dussault et al. 2005a). Ils se nourrissent essentiellement de brouts, d‟arbustes, de feuilles, de plantes terrestres et de plantes aquatiques (Courtois et al. 1993, Renecker et Schwartz 1998, Dussault 2002, Dussault et al. 2005b). La prédation par le loup est un facteur limitant des populations d‟orignaux (Peterson 1977, Gasaway et al. 1983, Ballard et al. 1987, Messier 1994, Ballard et Van Ballenberghe 1998). Comme le caribou, l‟orignal est aussi l‟une des proies principales du loup (Messier 1994, Hayes et al. 2000, Basille et al. 2012), surtout l‟hiver (Mech et Boitani 2003, Lessard 2005). En été, d‟autres proies sont également consommées par le loup en plus de ces deux cervidés, comme le castor (Castor canadensis) et le lièvre d‟Amérique (Lepus americanus) (Peterson 1977, Thurber et Peterson 1993, Mech et Boitani 2003). Ces proies peuvent même être les plus fréquentes (en nombre de prises) dans l‟alimentation estivale des loups (Mech et Boitani 2003). Cependant, la majeure partie de la biomasse consommée par les loups est composée d‟ongulés toute l‟année, et plus particulièrement de faons et de jeunes d‟un an en été (Mech et Boitani 2003).

Le caribou est particulièrement sensible aux dérangements anthropiques (Apps et McLellan 2006) comme les lignes sismiques (James 1999, Dyer et al. 2001), les coupes forestières et les routes (Courtois 2003, Fortin et al. 2008a, Courbin et al. 2009, Leblond et

al. 2011, Moreau et al. 2012), qui peuvent accroître son risque de prédation (James et

Stuart-Smith 2000, Latham 2009, Whittington et al. 2011, Dussault et al. 2012). Dans les paysages sous aménagement forestier, la régénération en feuillus des parterres de coupes offre une ressource abondante à l‟orignal (Rempel et al. 1997, Courtois et al. 1998, Courtois et al. 2002). L‟exploitation ligneuse de la forêt boréale peut alors induire une augmentation des populations d‟orignaux, qui sera suivie d‟une réponse numérique des populations de loups, et ultimement d‟une augmentation du risque de prédation pour le caribou (Bergerud 1974, Bergerud et Elliot 1986, Seip 1992, Bergerud 1996, Seip et Cichowski 1996, Rettie et Messier 1998, Courtois et al. 2001, James et al. 2004, Lessard 2005, Wittmer et al. 2005, Wittmer et al. 2007, DeCesare et al. 2010, mais voir Latham

2009). Dans ce contexte de compétition apparente (Holt 1977), la stratégie de ségrégation spatiale du caribou devient de moins en moins efficace. Les mécanismes comportementaux sous-jacents à ces relations trophiques et précurseurs des conséquences populationnelles restent encore peu étudiés. Cette information permettrait pourtant de mieux anticiper les conséquences de l‟aménagement sur les populations de caribou. Au vu de l‟impact de l‟exploitation ligneuse sur la répartition spatiale du loup, du caribou et de l‟orignal, ma thèse visera à étudier, sous un angle comportemental, les caractéristiques et les changements spatio-temporels des relations loup-caribou-orignal induits en forêt boréale aménagée.