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Modèle viscoélastique plastique (VE-P)

4. État de l’art de la modélisation des explosifs pressés

4.4. Modèle viscoélastique plastique (VE-P)

Les recherches menées en France par le CEA et le laboratoire Gabriel LaMé sur le comportement mécanique de la composition explosive M1 ont abouti à plusieurs lois de comportement développées à partir d’une base expérimentale conséquente, décrite au paragraphe 3.1. (page 33). Un premier modèle de comportement viscoélastique non linéaire avec dépendance à la pression et à la température a été établi dans les années 1980 [12]. Cette approche permettant seulement la simulation d’essais monotones, nous n’en ferons pas état. Une loi élasto-viscoplastique avec endommagement isotrope et influence du confinement sur le comportement visqueux a par la suite été proposée par Gratton et al. en 2009 [63]. Mais ce modèle ne rend pas compte de la viscoélasticité du matériau, les boucles de chargement en compression ne sont pas reproduites.

En 2010, Le et al. [81] ont proposé une loi de comportement viscoélastique-plastique du matériau M1 intégrant un endommagement isotrope. Ce modèle est construit sur la base d’un modèle de Maxwell généralisé comprenant une branche élastoplastique. L’endommagement affecte les ressorts élastiques de toutes les branches. La contrainte élastoplastique, notée σ0, et les contraintes viscoélastiques, σb, s’ajoutent :

σ= σ0+ ∑ σb N b=1

(I.34) Un critère de plasticité parabolique est défini sur les contraintes volumique et déviatorique, avec un écrouissage isotrope :

f = √ 1

3 σ0D0D + k 2

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où les variables d’écrouissage isotrope k et R sont reliées à la déformation plastique cumulée εpl : k = k0 + (km-k0) (1- km-k0

1 + c1εpl + c2εpl2) (I.36)

R= R0 + (Rm-R0) (1- km-k0

1 + c1εpl + c2εpl2) (I.37) km, k0, Rm, R0, c1 et c2 sont des paramètre matériaux déterminés à partir de la forme du seuil de plasticité et de son évolution.

L’écoulement plastique est déterminé de façon empirique et donc sans postulat sur la forme du potentiel de dissipation. Il est décomposé en parties volumique et déviatorique :

{ ε̇plV = 1 3 λ̇β ε̇plD = √2 λ̇ σ0D √32 σ0D0D (I.38)

avec β le coefficient de dilatance, s’exprimant en fonction de la pression et de la déformation plastique cumulée :

β = ε̇plV

√3 ε̇plD:ε̇plD = a0 + a1(1+exp(a2σ0

V)) + a3σV + a4ln (1+a5εplD) (I.39)

Les termes ai sont des paramètres matériaux. Le multiplicateur plastique λ̇ est déterminé à partir des équations de consistance. On notera en exergue que la mise en parallèle de la branche élastoplastique et des branches visqueuses crée un couplage viscoélastique-plastique où la plasticité s’écoule de façon visqueuse.

La contrainte de la branche élastoplastique s’exprime en fonction de la déformation élastique de cette branche, notée εel 0 :

σ0 = (1-d) ₵0el 0 = K0(1-d) εel 0V + 2G0(1-d) εel 0D (I.40) avec ₵0 la matrice de Hooke du ressort de la branche élastoplastique. L’endommagement d est

relié à la plus grande déformation principale positive 〈εI+ :

d = (d1 supt(〈εI+) + d2) d3 supt(〈εI+)

1 - d3 supt(〈εI+) (I.41) où d1, d2 et d3 sont des paramètres matériaux. Dans les modèles précédents, nous avons noté que l’endommagement, traduit par la variable c, était piloté par la contrainte. Ici, l’endommagement est piloté par la plus grande déformation principale positive subie par le matériau au cours de son histoire, supt(〈εI+).

Pour chaque branche viscoélastique, on a (b allant de 1 à N) :

{ Kb(1-d) ε̇totV = σ̇bV + (1-d +1 τb) σbV 2Gb(1-d) ε̇totD = σ̇bD + (1-d +1 τb) σbD (I.42)

En sommant les contraintes de chaque branche, en tenant compte pour la branche élastoplastique de l’additivité des déformations, et en notant K=N Kb

b=0 et G=N Gb

53 { σ̇V = K(1-d) ε̇totV - ∑ στbV b N b=1 - 1-dσV - K0((1-d) ε̇plV - ḋ(εtotVplV)) σ̇D = 2G(1-d) ε̇totD - ∑ σbD τb N b=1 - 1-d σD - 2G0((1-d) ε̇plD - ḋ (εtotDplD)) (I.43)

Ce modèle est construit sur une base expérimentale conséquente : des essais de compression et de traction monotones entre 3,3.10-6 s-1 et 8,3.10-4 s-1 et des chargements cyclés à 3,3.10-5 s-1 en traction et en compression uniaxiale et triaxiale. Des essais en température entre 0°C et 50°C ont également été réalisés. Pour chaque courbe d’essai, les déformations longitudinales et transversales de l’éprouvette sont mesurées. Elles correspondent à la mesure moyenne de deux jauges collées en vis-à-vis. Notons que la plupart de ces essais sont également présentés dans Gratton et al. [63]. Les comparaisons modèle-essais des phases temporelles de relaxation et de recouvrance des chargements cyclés sont données dans le manuscrit de thèse de Le [80].

Une campagne DMA a été menée afin de déterminer les modules viscoélastiques longitudinaux pour un modèle de Maxwell à dix branches visqueuses. L’extension tridimensionnelle du modèle a été réalisée en utilisant un coefficient de Poisson de 0,42 mesuré en compression simple. Les essais cyclés ont permis d’établir les paramètres de la loi d’endommagement et de la composante plastique. Faute de données expérimentales mettant en exergue le type d’écrouissage du matériau, les auteurs supposent un écrouissage isotrope. Sous cette hypothèse, les décharges des essais cyclés sont purement élastiques, ce qui conduit à calculer un module élastique sécant entre la fin de la relaxation et la fin de la recouvrance. La valeur de l’endommagement est calculée pour chaque cycle comme la dégradation du module longitudinal par rapport à la valeur du premier cycle, d = EL0-EL

EL0 . L’endommagement est tracé en fonction de la déformation positive maximale (i.e. transversale en compression, longitudinale en traction) afin d’estimer les coefficients d1, d2 et d3. Les déformations en fin de recouvrance étant irréversibles, elles sont assimilées à la plasticité. Les courbes de déformation en fin de recouvrance en fonction de la contrainte relaxée (partitionnées en parties volumique et déviatorique) permettent d’obtenir les coefficients de la composante plastique du modèle. Une extension du modèle en température est présentée par Le [80].

Un critère de rupture associé à ce modèle est également établi [80]. Ce critère est double : il contient un seuil en déformation et un seuil en contrainte, tous deux définis par rapport à la contrainte de la branche élastoplastique (indice 0).

{

Cε = maxIεI+ + k1 σ0V - k2

Cσ = maxI σ0I

1-d+- σ̃r

(I.44) avec k1, k2 et σ̃r des paramètres. Le calibrage de ce critère à partir de différents types de chargement

réalisés sur le matériau M1 est détaillé par Picart et Pompon [107]. Le premier des deux seuils atteint lors d’un chargement indique la rupture effective.

Une comparaison du modèle avec les essais de compression et de traction cyclées est présentée

[29][80][81]. Pour les essais de compression, on constate que les boucles d’hystérésis sont mal

reproduites car les décharges simulées sont linéaires contrairement aux données expérimentales (Figure I-31). De plus, les déformations transversales sont sous-évaluées par le modèle.

La validation du modèle est présentée par Caliez et al. [29]. Le modèle est confronté à des essais hétérogènes de type brésilien et flexion trois points. Concernant l’essai de flexion trois points, la courbe force-déplacement expérimentale est bien reproduite par le modèle. Le point de rupture est parfaitement cohérent. Pour l’essai brésilien (Figure I-32), la courbe force-déplacement simulée n’est pas identique à la courbe expérimentale. A même déplacement, la force simulée par le modèle est légèrement plus faible. Le point de rupture est légèrement sous-estimé. Les champs de déformation horizontaux et verticaux mesurés par corrélation d’images sont comparés à la

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simulation. Ces comparaisons montrent un bon accord entre le modèle et les données expérimentales. Une remarque est toutefois émise par les auteurs sur la déformation horizontale : au centre de l’éprouvette, la corrélation d’image montre davantage de déformation que n’en prédit le modèle. Ce peut être le signe d’un état de fissuration avancé, non prédit à cause d’un effet d’échelle [10]. On notera également que l’ajout de la plasticité en parallèle du modèle viscoélastique n’est pas idéal : les courbes enveloppe des essais cyclés et les essais monotones correspondants présentent un écart non négligeable. Un modèle série serait plus approprié.

Figure I-31. Courbe contrainte-déformations d’un essai de compression cyclée réalisé sur M1 (trait plein), comparée à la réponse du modèle (pointillés). D’après Caliez

et al. [29].

Figure I-32. Courbe force-déplacement d’un essai brésilien réalisé sur M1 (trait plein), comparée à la réponse du modèle complet (cercles) et du modèle sans plasticité (croix). D’après Caliez et al. [29].

Les auteurs de ce modèle pointent plusieurs pistes d’amélioration : introduire la dépendance à la pression du module de Young ainsi qu’une anisotropie induite de l’endommagement. Il s’avère en effet que le modèle ne parvient pas à reproduire proprement les déformations transversales, celles-ci évoluant plus vite que les déformations longitudinales. Cette remarque illustre les doutes qui peuvent être émis quant à la validité de modèles confrontés uniquement à des mesures seulement longitudinales et donc incomplètes.

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