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Critique des modèles préexistants pour les explosifs pressés

Les modèles développés pour les explosifs pressés présentés au premier chapitre peuvent être confrontés à nos besoins afin d’établir leur pertinence. Une partie du Tableau I-3 (page 21) est reprise dans le Tableau III-1. Les mécanismes de déformation devant faire partie de notre modèle sont surlignés en jaune. On constate ainsi directement qu’aucun modèle n’est complètement satisfaisant.

124 S C R AM VS VS -VP VE -P VE -VP E -VP VDT -P C o n ten u d u m o d èl e Élasticité Volumique Linéaire

√ √ √ √ √

Viscoélastique

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Déviatorique Linéaire

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Viscoélastique

√ √ √ √

Plasticité Seuil Volumique

√ √ √

Déviatorique

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Sans seuil

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Écoulement Volumique

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Déviatorique

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Viscoplastique

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Écrouissage Isotrope

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Cinématique

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Endommagement Isotrope

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Anisotrope

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Dépendant du confinement

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Influence de la température

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Tableau III-1. Récapitulation des mécanismes pris en compte par chacun des modèles étudiés, (extrait du Tableau I-3). Les mécanismes nécessaires à un modèle unifié, mis en évidence expérimentalement, sous surlignés en jaune.

La concordance des essais monotones et des courbes enveloppes des essais cyclés, indépendamment de la température, de la vitesse de déformation et de la nature du liant (M1, M2, PBX-9501) encourage à retenir une additivité des déformations des mécanismes irréversibles (plasticité, endommagement) pour assurer la non-linéarité globale de la réponse. C’est l’hypothèse faite dans SCRAM et conservée dans ses évolutions diverses (VS, VS-VP). Dans le premier modèle de comportement de M1 (VE-P), l’élastoplasticité est mise en parallèle de la viscoélasticité ce qui empêche de reproduire correctement l’enveloppe des essais cyclés. Le second modèle (VDT-P) associe l’endommagement et la plasticité en série.

Quatre modèles tiennent compte d’un comportement viscoélastique linéaire (VS, VS-VP, VE-P et VE-VP), ce qui est justifié expérimentalement pour le matériau M2. Ce premier mécanisme visqueux permet d’intégrer une dépendance à la vitesse de déformation et à la température. À notre connaissance, aucune étude ne vise à analyser l’influence du confinement sur la température de transition vitreuse des explosifs pressés bien qu’il pourrait être à l’origine d’effets inhabituels sur les modules élastiques (on pense ici à l’inconsistance des mesures triaxiales entre 0 et 10 MPa pour M1 et M2). Une étude expérimentale pourrait être envisagée à l’avenir pour étudier ce point. En attendant, faute de données expérimentales, nous négligeons le couplage pression/température.

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Dans VS et son dérivé VS-VP, à endommagement bloqué (ċ=0) la longueur de fissure affecte le module de cisaillement mais également les temps caractéristiques visqueux (Tableau I-4, page 65). Dans les modèles VE-P et VE-VP l’endommagement n’affecte que les modules et pas les temps. La discrétisation en temps caractéristiques étant un choix de modélisation, il ne semble pas cohérent de laisser l’endommagement les affecter.

Certains modèles considèrent l’endommagement comme induisant une déformation additionnelle (VS, VS-VP, VE-VP) tandis que pour la modélisation de M1 (VE-P et VDT-P), l’endommagement affectent les raideurs élastiques. Toutefois, la comparaison des équations finales de ces modèles dans le Tableau I-4 prouve que ces deux choix de modélisation sont équivalents.

L’étude expérimentale de M1 à mis en évidence le besoin d’un endommagement anisotrope avec une composante volumique. Seuls les modèles SCRAM, E-VP et VDT-P répondent à ce besoin. Le modèle VDT-P a l’avantage de décrire l’endommagement au moyen de variables scalaires affectant des opérateurs liés à des directions matérielles. Il est donc beaucoup plus simple à implémenter. On remarquera que les déformations des explosifs pressés restant faibles, la rotation des directions d’endommagement n’a pas à être traitée. La question de la loi d’évolution de l’endommagement est ouverte. Expérimentalement, deux régimes se distinguent, l’un en extension, l’autre en compression. Ceci est traduit dans les modèles SCRAM, VS-VP et VDT-P, respectivement par les fonctions Heaviside de la contrainte normale, de la contrainte volumique et de la déformation volumique. La variable qui pilote l’endommagement dans les différents modèles est la déformation plastique cumulée (VE-VP), la contrainte équivalente (VS) ou la plus grande déformation positive (VE-P, VDT-P). L’étude expérimentale de M1 est favorable à un endommagement contrôlé par la déformation positive et la pression, ce qui correspond également aux observations faites sur d’autres matériaux granulaires

[94]. Les modèles VE-VP et VS ne semblent donc pas justifiés.

L’effectivité de l’endommagement, observée sur M1, est traitée dans les modèles SCRAM, VS-VP, E-VP et VDT-P. Dans VDT-P, les fonctions d’effectivité sont reliées à la déformation pour respecter des considérations thermodynamiques mais aucune donnée expérimentale ne le justifie. Dans SCRAM et VS-VP, les fonctions Heaviside de la contrainte normale et de la pression induisent un effet unilatéral. L’effectivité de E-VP est liée à la valeur de l’angle de Lode et à l’état de contrainte déviatorique. Les essais réalisés sur M1 ont également mis en évidence l’existence d’un prédommage, absent des modèles SCRAM et VS-VP. Le modèle VDT-P semble donc le plus à même de reproduire l’endommagement anisotrope observé expérimentalement. On souligne que les modèles décrivant un endommagement anisotrope (SCRAM, E-VP et VDT-P) sont les seuls qui n’intègrent pas de viscoélasticité. Étant donné que notre modèle nécessite ces deux composantes, on pourra s’inspirer des travaux de Chatti [34] sur le sujet.

Les données expérimentales sur les explosifs pressés, notamment les essais cyclés, ont montré le besoin de modéliser un écoulement plastique. Si le seuil de plasticité semble légèrement dépendre de la pression pour le matériau M1, ce n’est pas le cas pour M2. Nous préférons considérer un seuil de plasticité purement déviatorique, décrit uniquement dans SCRAM.

L’étude expérimentale de M2 a mis en évidence le besoin de modéliser un écrouissage cinématique non linéaire. Seul le modèle VE-VP en propose un (l’écrouissage cinématique de SCRAM est linéaire). De plus, un comportement plastique compactant puis dilatant a été mis en évidence, or seuls les modèles VE-P, VE-VP, E-VP et VDT-P décrivent une plasticité volumique. Aucun modèle de plasticité n’est donc satisfaisant.

L’endommagement affecte la plasticité dans VS-VP, VE-P et VDT-P tandis que c’est la plasticité qui génère l’endommagement dans VE-VP. Aucune donnée expérimentale ne nous permet de conclure sur le lien entre plasticité et dommage.

L’étude de M1 et M2 a montré plusieurs effets surprenants. Premièrement, un endommagement thermique à basse température, différent du phénomène de ratchet-growth. Deuxièmement, un effet non monotone de la pression sur le comportement volumique et sur les modules élastiques,

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notamment entre 5 et 10 MPa. Ces points ne seront pas pris en compte dans le modèle. Une étude expérimentale devra tout d’abord être menée en profondeur pour une meilleure compréhension de ces comportements particuliers.

Pour finir, étant donné que la surface de rupture de M2 dans le plan des contraintes principales a la même allure que celle de M1, nous choisissons de conserver le critère de rupture établi pour M1. L’implémentation du critère de rupture ne sera pas discutée ici. Sur ce sujet nous renvoyons le lecteur au mémoire de Le [80].

Finalement, les modèles comprenant le plus de mécanismes attendus sont les modèles VE-P et VE-VP mais ils n’intègrent pas d’endommagement anisotrope qui est un point clé. Seuls les modèles SCRAM, E-VP et VDT-P en décrivent un. Ces trois modèles d’endommagement permettent également la description de l’effectivité du dommage et de l’influence de la pression. Étant donné que le modèle VDT-P permet d’intégrer un prédommage contrairement aux deux autres, il est le modèle d’endommagement que nous préférons. Concernant la plasticité, l’écrouissage cinématique non linéaire de VE-VP est intéressant. Ce modèle comporte en plus une fonction de dilatance. Mais le seuil de plasticité de SCRAM correspond davantage à nos attentes. Une combinaison de ces deux modèles de plasticité serait donc souhaitable.

Nous allons maintenant entrer plus en détail dans la construction du modèle pour M2 et présenter nos choix de modélisation.