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Formulation microplan (VDT-P)

4. État de l’art de la modélisation des explosifs pressés

4.7. Formulation microplan (VDT-P)

Reprenant les essais de chargement cyclé réalisés sur M1 [63][81], Benelfellah et al.

[13][14][15][105] se sont intéressés à l’anisotropie induite du matériau. Comme discuté au

paragraphe 3.1 de ce chapitre, l’analyse des essais a mis en évidence une dégradation plus rapide du module transversal que du module longitudinal quel que soit le type d’essai, conduisant à une anisotropie du matériau. De plus, les essais de chargement alternés ont montré que le matériau développe un effet unilatéral.

Le modèle proposé par Benelfellah et al. [13][15][105] associe un endommagement anisotrope au modèle de plasticité proposé par Le et al. [81], avec ₵d le tenseur de raideur endommagé :

σ = ₵d : (εtotpl) (I.61) Afin de décrire l’anisotropie du tenseur de raideur endommagé, après avoir comparé plusieurs modèles [14], Benelfellah a choisi un modèle dit « microplan » permettant une grande liberté dans la description de l’anisotropie. C’est notamment le seul modèle autorisant un rapport des modules longitudinal et transversal pouvant dépasser 0,5. Chaque microplan est défini par sa normale n et le tenseur des déformations élastiques est découpé en trois composantes, volumique, déviatorique et tangentielle :

εel = εelV V + εelD D + εelT.T (I.62)

avec V, D et T les tenseurs de projection sur le microplan, exprimés en fonction des tenseurs unité d’ordre 2 et 4 et du vecteur normal n :

V = 1

3 1 ; D = n⨂n - 13 1 ; T = n.I - n⨂n⨂n (I.63) Dans ce modèle, on appelle microplan un plan de l’espace défini par sa normale n. Ce type de modèle, phénoménologique, ne doit pas être pris pour un modèle micromécanique. Aucun changement d’échelle n’est effectué.

L’énergie libre globale est définie comme l’intégrale des énergies libres définies de chaque microplan : ψmac = 3∫ ψ micel.n, Vk) Ω (I.64)

où Vk représente les variables d’état mises en jeu. Afin de modéliser l’endommagement anisotrope et son effectivité, l’énergie libre du microplan est postulée telle que :

ψmic = 1

2kV(1-αVdV)εelV 2

+ 12µD(1-αDdD)εelD2 + 1

2 µT(1-dT) εelTelT (I.65) avec dV, dD et dT les variables d’endommagement, αV et αD les fonctions d’effectivité, kV, µD et µT des constantes d’élasticité définies à partir du module de compressibilité K et du module de cisaillement

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di=V,D,T=max (di0,maxt(di), 1-exp(-p(a1Yi)a2)) (I.66) p = 1 + (a3H(-εelV) +a4H(εelV)) kV 〈εelV - εelV0 H10+ (I.67) où les termes ak sont des paramètres. Grâce au terme maxt(di) qui traduit la valeur maximale de l’endommagement sur son histoire, l’endommagement ne peut pas décroître. Les di0 correspondent à la porosité du matériau vierge, ils sont appelés prédommages. La dépendance de l’endommagement à la pression de confinement est marquée par la variable p où εelV0 H10 est la déformation volumique résultant d’une compression hydrostatique de 10 MPa. La variable Yi est duale à l’endommagement di :

Yi=V,D,T = -∂ψmic

∂di (I.68)

Les fonctions d’effectivité de l’équation (I.65) sont définies à partir de la fonction Heaviside afin que leurs dérivées partielles respectives soient continues même en zéro pour satisfaire les principes thermodynamiques :

{ αV= H(εelV)

αD(n) = H (εelD(n))+a5H (-εelD(n)) (I.69) avec a5 un paramètre.

L’endommagement volumique dV dépend de la déformation volumique εelV et de l’effectivité volumique αV. Ces trois variables volumiques sont indépendantes des plans. Les endommagements déviatoriques dD et tangentiels dT dépendent du plan considéré. dD dépend de la déformation déviatorique εelD(n) et de l’effectivité déviatorique αD tandis que dT dépend de la déformation tangentielle εelT(n). L’endommagement est donc piloté par la déformation et la pression.

La matrice de raideur endommagée correspond à la dérivée seconde de l’énergie libre (équation (I.64)) par rapport à la déformation. En discrétisant l’intégrale sur l’espace, il vient :

d = 3kV(1-αVdV)V⨂V + ∑ 6ω(n) (μD(1-αD(n)dD(n)) D(n)⨂D(n) + μT(1-dT(n)) T(n)T.T(n))

hémi-sphère

(I.70) où ω(n) est un facteur de pondération angulaire.

Le tenseur de contrainte globale défini à l’équation (I.61) peut être découpé en composantes volumiques et déviatoriques, comme nous l’avons fait pour les précédents modèles étudiés :

{

σ̇V = 3kV((1-αVdV)ε̇elV - αVVεelV) V

σ̇D =∑ 6ω(n) ( μD(1-αD(n)dD(n)ε̇elD(n) - αD(n)ḋD(n)εelD(n)) D(n) sphèrehémi- + μT(1-dT(n)ε̇elT(n) - ḋT(n)εelT(n)) .T(n) )

(I.71)

On rappelle qu’il a été expérimentalement démontré que le module d’élasticité du matériau est croissant entre 0 et 10 MPa de confinement et constant au-delà. Les auteurs en déduisent que les porosités présentent initialement dans le matériau (appelées prédommages) sont complètement refermées sous 10 MPa de pression hydrostatique. Le module de Young du matériau sain correspond donc au module élastique mesuré sous 10 MPa de confinement. Le module kV est exprimé à partir du module de compressibilité sous ce confinement (exposant H10) : kV=3KH10. Il devrait en être de même pour les µD et µT mais la dépendance de l’effectivité déviatorique à la déformation déviatorique seule impose que le module de cisaillement ne dépende pas du confinement. Les auteurs posent donc µH10H0 (exposant H0 pour hydrostatique 0 MPa) et µDT=2µH0.

La valeur du prédommage volumique est estimée à partir de la comparaison des essais sans confinement et sous 10 MPa : dV0

=KH10-KH0

KH10 . Par manque de données, les prédommages dD0

et dT0

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considérés nuls. Les coefficients a1 et a2 sont recalés sur l’essai de compression triaxiale H10 ; a3 est recalé sur l’essai de compression simple et a4 sur l’essai de traction simple ; enfin a5 est calibré par rapport aux essais cyclés.

Ce modèle est comparé aux points correspondant à la fin de la relaxation et à la fin de la recouvrance, en déformation totale, des essais cyclés [13] (Figure I-34 et Figure I-35). La viscosité (phases de relaxation et de recouvrance) est donc retranchée des données expérimentales. Il y a un bon accord pour les essais de traction simple, compression simple et compression triaxiale sous 10 MPa de confinement. En revanche, le modèle ne rend pas bien compte de l’essai de compression triaxiale sous 5 MPa de confinement, les contraintes étant surévaluées. Il faut noter qu’il s’agit du seul essai n’ayant pas servi au calibrage du modèle. L’évolution des déformations élastiques transversales semble bien reproduite. L’auteur déclare un accord satisfaisant entre son modèle et les données expérimentales, en avouant toutefois qu’une meilleure optimisation des paramètres serait souhaitable. En conclusion de son manuscrit, Benelfellah [13] déclare qu’il serait préférable de décrire le développement des déformations irréversibles par un modèle de frottement des lèvres des fissures et encourage à poursuivre des travaux dans cette voie.

Figure I-34. Données

expérimentales correspondant aux points de fin de relaxation des essais cyclés en compression (CS), en traction (TS), et en compression sous un confinement de 5 MPa (H05) et 10 MPa (H10) comparées à la réponse monotone du modèle VDT-P. D’après Benelfellah et al. [16].

Figure I-35. Données

expérimentales correspondant aux points de fin de relaxation et de fin de recouvrance de l’essai de compression sous 10 MPa de confinement (H10) comparées à la réponse cyclée du modèle VDT-P. D’après Benelfellah et al. [16].

Récemment, Chatti et al. [35] ont intégré une composante viscoélastique au modèle d’endommagement de Benelfellah. Ils ont pour cela projeté un modèle de Maxwell généralisé sur les directions V, D, T de chaque microplan. L’endommagement dV (respectivement dD et dT) affecte ainsi le ressort de module kVb (respectivement µDb et µTb) de la branche b. Les modules viscoélastiques

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longitudinaux Eb sont déterminés à partir d’un essai DMA (la même campagne que Le [81]). Le coefficient de Poisson du matériau étant connu, les auteurs en déduisent les coefficients Kb et Gb qui servent à déterminer kVb, µDb et µTb. L’indice 0 correspond à la branche purement élastique. Le modèle s’écrit : σ̇ = ₵d0 : ε̇tot + ∑ (₵db : ε̇tot - σb τb) N n=1 (I.72) Les auteurs comparent leur modèle aux essais de chargement cyclé en compression et en traction sur M1, en déformation totale. La comparaison avec l’essai de compression uniaxiale est reprise Figure I-36. Ce modèle ne permettant pas de décrire les irréversibilités, les déformations résiduelles de la simulation en fin de recouvrance correspondent à un phénomène visqueux non terminé. Les décharges simulées sont pratiquement linéaires et très éloignées des décharges expérimentales. Enfin, l’évolution des déformations transversales, dictée par l’endommagement anisotrope induit, est mal reproduite (leur évolution va d’abord trop vite, puis trop lentement). Après comparaison à des compressions monotones réalisées à trois vitesses différentes, il s’avère que le modèle surestime l’influence de la vitesse de déformation. Recalé à 3,3.10-5 s-1, le modèle surestime de 10% la contrainte maximale à 8,3.10-4 s-1 et la sous-estime de 10% à 4,4.10-6 s-1. Ces comparaisons soulignent deux autres points : 1) le modèle est très raide en compression par rapport au comportement expérimental ; 2) les déformations transversales à contrainte maximale sont sous-estimées de 30%, l’anisotropie induite est donc relativement mal décrite.

On notera que le modèle présenté par Chatti [35] n’est pas complet. L’auteur a développé un modèle plus abouti dans son manuscrit de thèse se rapportant à un matériau granulaire inerte [34]. Figure I-36. Courbe contrainte-déformations d’un essai de compression cyclée réalisé sur M1 (pointillés) comparé à la réponse du modèle (en rouge). D’après Chatti et

al. [35].