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III. Potentialité thérapeutique des variants du hTNFR-Is étudiés 167

III.1. Modèle de traumatisme cérébral 167

Le rôle du TNF-α dans le traumatisme crânien est toujours débattu, et sujet d'études. Le TNF-α est produit localement suite au traumatisme par les cellules de la microglie (macrophages résidents) et les cellules de l'endothélium microvasculaire418, et peut-être de manière systémique. Cependant, dans notre modèle, la source majeure de production de TNF, qui contribue à l'accumulation locale et sérique de la protéine reste mal connue. Par ailleurs, il a été montré que le TNF-α peut avoir un rôle néfaste ou protecteur, selon le type de traumatisme et la phase durant laquelle il est exprimé (Sohami

et al382 et introduction).

Des protéines identiques ou proches des trois variants de hTNFR-Is ont été étudiées, mais aucune comparaison, dans un modèle unique et par une voie d'administration commune, n'a été réalisée. Nous avons donc voulu étudier la potentialité d'une approche systémique dans le traumatisme crânien et la capacité de passage de la BHE lors du traumatisme par les différentes formes de hTNFR-Is, à l'aide d'une méthode simple, l'électrotransfert intramusculaire. Cette approche repose sur l'hypothèse, vérifiée dans notre modèle381, d'une ouverture de la BHE transitoire suite au traumatisme. L'intérêt de notre approche est de disposer d'un "réservoir" de protéine thérapeutique disponible au moment de l'ouverture de la BHE, et donc de ne pas nous préoccuper de la fenêtre thérapeutique pour une administration de protéine recombinante efficace dans le cerveau.

L'utilisation de la forme fusionnée hTNFR-Is/mIgG1, de part sa stabilité, pourrait permettre une protection contre les lésions ischémiques secondaires, complication assez courante du traumatisme crânien.

Cette approche par thérapie génique, permettant une production de protéine à long terme, pourrait aussi s'avérer intéressante, si une réouverture de la BHE permet à nouveau le passage des protéines thérapeutiques dans le cerveau, pour lutter contre les lésions ischémiques secondaires ou contre les lésions axonales diffuses pouvant être observées à long terme suite au traumatisme crânien. Le modèle que nous avons utilisé est d'ailleurs très intéressant dans ce contexte, car il met en évidence les lésions axonales diffuses419, et nous permettrait donc cette étude.

Nous avons tout d'abord contrôlé l'importance du TNF-α et son profil cinétique dans notre modèle de traumatisme crânien modéré et diffus. Notre étude mettait en évidence une détection de TNF-α élevée dans le cerveau, maximale dès une heure après le traumatisme, mais encore importante 48 heures après l'induction du traumatisme. Les taux de TNF-α étaient légèrement plus faibles dans l'hémisphère controlatéral, mais restaient élevés, ce qui confirme bien le caractère diffus du modèle employé. Le TNF-α était aussi détecté dans la circulation à des taux élevés ; le maximum était atteint 3 heures après le traumatisme, mais restait nettement détectable à 48 heures.

Le modèle utilisé se caractérise par une ouverture de la barrière hémato-encéphalique pendant environ 6 heures après le traumatisme381. La demi-vie sérique du TNF-α étant inférieure à une heure420, le taux sérique observé 24 et 48 heures après le traumatisme ne peut s'expliquer que par une production systémique de TNF-α. De même, si on considère que la BHE se referme rapidement après le trauma, la détection à 24 et 48 heures de TNF-α local est liée à une production locale de TNF-α. Ces résultats sont en accord avec des données récentes obtenues dans ce modèle (non publiées) qui mettent en évidence l'activation des cellules de la microglie 24 et 48 heures après induction du traumatisme.

Discussion

Le profil cinétique de TNF-α observé est variable selon le modèle utilisé. Ainsi, l'équipe de Shohami, dans un modèle proche du notre chez le rat421, a mis en évidence une expression de TNF-α

détectable dès 1 heure et maximale 4 heures après le trauma, à des taux trois fois supérieurs aux notres, puis un retour au niveau basal dès 12 heures. De plus, des taux très faibles étaient détectés dans l'hémisphère controlatéral. Par contre, dans un modèle par percussion de fluide chez le rat, Taupin et al ont observé une expression de TNF-α identique dans la zone traumatisée et controlatérale, maximale entre 3 et 8 heures, et nulle à 18 heures422. Dans ce même modèle, l'équipe de Knoblach83 a mis en évidence une expression biphasique de TNF-α dans le cortex traumatisé avec

un maximum 1 à 4 heures après le trauma, puis à 72 heures. Dans cette étude, les cellules locales productrices de TNF-α, étudiées par immunohistochimie, étaient principalement des neurones, et non des macrophages résidents.

Ces résultats très variables illustrent l'importance de bien établir le profil de TNF-α dans notre modèle, et les taux élevés détectés confirment le rationnel d'une approche anti-TNF.

Le traitement par électrotransfert était effectué en préventif, afin d'obtenir un maximum de sécrétion protéique au moment du traumatisme cérébral. Nous n'avons pas obtenu d'effet bénéfique sur la récupération des fonctions motrices des animaux à l'aide du traitement par électrotransfert de 50µg de plasmide codant les trois variants du hTNFR-Is. Dans une seconde expérience, seule la protéine de fusion a été étudiée à l'aide d'autres paramètres, mais aucun effet protecteur n'a pu être observé sur la perte de masse, la chute de température, ou l'œdème cérébral.

L'hypothermie reste en effet, à l'heure actuelle, le principal mode de protection des personnes traumatisées87 ; l'utilisation d'anti-TNF-α pourrait donc se révéler intéressante au niveau thérapeutique

non seulement par un effet anti-inflammatoire, mais aussi par un effet hypothermique protecteur. L'œdème cérébral a quant à lui deux causes principales dans ce modèle de traumatisme. On observe ainsi un œdème vasogénique lié à la rupture de la BHE, et un œdème cytotoxique, qui accompagne la nécrose cellulaire. Le TNF-α contribuant de manière importante à l'ouverture de la BHE423 et à

l'apoptose cellulaire, nous pouvions espérer un effet protecteur sur ce paramètre.

Cependant, concernant l'évaluation thérapeutique des récepteurs solubles du TNF-α dans ce modèle de trauma, nos études restent préliminaires. Ainsi, les taux circulants de hTNFR-Is obtenus (environ 15 ng hTNFR-Is/mL pour la forme chimérique une semaine après électrotransfert de 50µg de plasmide) restent faibles comparés aux doses de protéines injectées dans ce type de modèle. Par exemple, dans un modèle par percussion de fluide chez le rat, 37,5µg de hTNFR-IIs/hIgG1 étaient injectés en intracérébroventriculaire 15 minutes puis une heure après induction du traumatisme83, un dimère pegylé de hTNFR-Is était quant à lui efficace par injection intracrânienne de 3mg/kg dans un modèle d'ischémie chez la souris84.

Nos études permettent cependant de mettre en évidence, de manière statistiquement significative, la présence de la forme chimérique hTNFR-Is/mIgG1 dans l'hémisphère traumatisé et la zone controlatérale. Les deux autres formes de récepteur soluble n'étaient pas nettement détectées, cependant, celles-ci étant plus petites, elles devraient être capables de franchir la BHE. Afin de contrôler si le récepteur soluble du TNF-α reste dans la microvasculature cérébrale ou est capable de sortir de la vasculature pour exercer son action inhibitrice, nous avons évalué le taux de hTNFR-Is chez des animaux perfusés. Le taux de protéine de fusion ainsi obtenu dans les carottes cérébrales était nettement plus faible, ce qui met en évidence une localisation principalement vasculaire de la protéine chimérique, mais cette expression était significativement différente des contrôles dans la zone du traumatisme, qui est la plus vascularisée, et donc celle où l'apport de hTNFR-Is était le plus élevé.

Nous avons aussi évalué les taux cérébraux de TNF-α. Chez les animaux non perfusés, nous avons observé une nette tendance d'inhibition du TNF-α dans la zone traumatisée et la zone controlatérale. Les taux de TNF-α détectés étaient plus élevés dans la zone controlatérale qui est a priori moins hémorragique ; la circulation du TNF-α y était ainsi moins rapide, et celui-ci s'y accumulait. Cette observation peut aussi être vérifiée sur les taux de hTNFR-Is détectés. De même, l'étude réalisée sur des prélèvements d'animaux perfusés mettait en évidence des taux comparables de TNF-α dans la zone du traumatisme et la région de contrecoup. Dans cette étude, le TNF-α était inhibé d'environ 60% à l'aide du traitement par électrotransfert du plasmide codant la protéine chimérique. Cette inhibition locale est intéressante, même si elle ne permet pas d'observer des effets notables sur les paramètres thérapeutiques d'évaluation du traumatisme. Nous ne pouvons toutefois pas savoir si cette observation résulte d'une inhibition locale directe du TNF-α (formation des complexes TNF- TNFRs dans le parenchyme cérébral), ou si elle est liée à l'inhibition du TNF-α circulant.

En effet, nous avons observé une inhibition significative du taux de TNF-α sérique 24 heures après l'induction du traumatisme à l'aide des protéines dimérique et chimérique. Ces résultats confirment en outre l'existence d'une inflammation systémique parallèle à l'inflammation locale crée par le traumatisme.

Il pourrait ainsi être intéressant d'utiliser des protéines marquées (radiomarquage ou marquage fluorescent) pour mieux comprendre le trafic des protéines, et vérifier les cinétiques de passage de la BHE. Dans ce cadre, l'utilisation de récepteur soluble du TNF-α fusionné à une protéine fluorescente, au sein même du plasmide électrotransféré, est envisageable, et pourrait être étudiée par imagerie optique CCD.

Des études ont pourtant été réalisées avec succès à l'aide d'inhibiteurs du TNF-α. Ainsi, Shohami et

al85 ont efficacement réduit l'œdème cérébral et amélioré la récupération motrice d'animaux

traumatisés, par une injection intraveineuse de 200µg de récepteur soluble du TNF-α monomérique dans les cinq minutes suivant le trauma. Cette administration d'anti-TNF permettait de réduire la durée d'ouverture de la BHE aux quatre premières heures suivant le traumatisme, comparativement aux animaux contrôles. Or, il a été montré que cette protéine passe très peu la BHE424. Il suffisait donc d'inhiber le TNF-α durant les premières heures suivant le traumatisme, lorsque la BHE est ouverte pour obtenir un effet thérapeutique intéressant à long terme, durant au moins 14 jours. Cette inhibition précoce du TNF peut donc induire des modifications sur des médiateurs en aval qui permettent cet effet bénéfique. Ce blocage uniquement précoce du TNF-α est en fait très intéressant puisque les effets protecteurs du TNF-α à long terme ont été rapportés382. Par ailleurs, dans un modèle par

percussion de fluide, un inhibiteur chimérique hTNFR-IIs/hIgG1 permettait une récupération des fonctions motrices lorsqu'il était administré par voie intracérébroventriculaire, mais non par voie intraveineuse. L'hypothèse de cet échec est la taille élevée de la protéine qui ne passerait pas la BHE, même lors du traumatisme. Enfin, l'utilisation d'une forme dimérique pegylée de TNFR-Is dans un modèle d'ischémie permettait de réduire le volume de lésion, paramètre quantifiable pour un tel modèle localisé, de 26% par injection locale, de 20% par voie intraveineuse, et de 15% par injection intrapéritonéale425.

Des inhibiteurs chimiques du TNF-α ont aussi été utilisés pour inhiber l'inflammation intracérébrale et ses effets délétères : pentoxifylline85 ou un inhibiteur des MAP kinases426. Une importante expression

d'IL-1 est aussi mise en évidence localement suite à un traumatisme, et des effets similaires au TNF-α lui ont été attribués. Des traitements efficaces à l'aide d'anticorps anti IL-1 ou d'antagoniste du récepteur de l'IL-1 ont été rapportés427.

Discussion

La protéine transgénique hTNFR-Is/mIgG1 est donc capable de passer la BHE après induction du traumatisme crânien, et de quitter la circulation pour atteindre les zones inflammatoires locales. Cependant, pour les trois variants, les taux protéiques circulants obtenus sont très inférieurs aux quantités de protéine recombinante ayant permis un effet bénéfique sur l'évolution du traumatisme ; ils ne permettent peut-être pas d'inhiber suffisamment l'inflammation. De plus, les paramètres que nous avons évalués (score neurologique, œdème cérébral, masse pondérale) ne sont pas très sensibles. Ces résultats sont en outre préliminaires. Pour obtenir des résultats plus sensibles et peut-être parvenir à un effet par traitement avec les récepteurs solubles du TNF-α sur des médiateurs en aval du TNF, nous souhaitons effectuer des études de RT-PCR en temps réel.