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Le modèle de timbre

D. Bawassan explique avec des gestes que les lames sont trop proches les unes des autres;

3. MODELISATION II : CONCEPTION

3.1. Le modèle de timbre

Une première expérience sur la perception de l'inharmonicité du timbre, comparable à celle menée chez les Manza (cf. 2.1.1.) a été effectuée (expérimentation n°1, bande Gbaya 1989-1). A l'instar des résultats définitifs obtenus chez les Manza, les timbres les plus harmoniques sont préférés : le timbre de synthèse les plus harmoniques Xylo2a et Xylo 2f ont été acceptés, tandis que ceux Xylo 2e et Xylo 2j, les plus inharmoniques ont été refusés. Un seul timbre, à l'inharmonicité moyenne, Xylo 2i, a été accepté, tandis qu'il avait été refusé chez les Manza. L'harmonicité est donc autant préférée chez les Manza que chez les Gbaya.

Mais il s'agît là de réactions perceptives, et les résultats sont fortement liés aux modèles de timbre qui ont été donnés à entendre aux musiciens. Comme pour les hauteurs, il était nécessaire de pouvoir laisser le musicien intervenir sur les modèles de timbre. La situation idéale aurait été de demander au musicien de synthétiser lui- même un timbre qui serait pour lui celui d'un xylophone gbaya, comme nous l'avons fait pour l'accord du xylophone (cf. Discrétisation du continuum sonore : 2.1.4. et ci- dessous, Une simulation d'accordage : 3.2.1.).

Nous avons donc demandé à Wazunam, en 1989, de construire, sur le synthétiseur, une ou plusieurs lames de xylophone, et de régler le son comme cela lui conviendrait. Cependant, l'apprentissage aux techniques de synthèse sonore par modulation de fréquence est trop long pour être acquis ne serait-ce en quelques jours. Il fallait donc configurer le synthétiseur de façon à ce que le musicien intervienne lui-même dans le processus de synthèse : un même curseur accessible par le musicien pouvait recevoir différents paramètres de synthèse. Ainsi, sur le même algorithme de synthèse que les sons Xylo 2, le musicien pouvait tantôt enrichir le spectre d'un plus ou moins grand nombre de composantes harmoniques, tantôt régler le taux d'inharmonicité de ces composantes.

Nous pouvions alors observer les actions de Wazunam, et noter, au fur et à mesure, les valeurs paramétriques du timbre ainsi obtenu. En dépit de nombreuses erreur de programmation du synthétiseur, un certain nombre de traits sont apparus, et viennent vérifier les données un certain nombre de traits déjà dégagés précédemment chez les Manza (cf. 2.1.1.). Il s'agît de l'expérimentation n°4 effectuée en 1989 (cf. expérimentation n°4, bande vidéo Gbaya 1989-2, Annexe I).

1) la fréquence propre du résonateur, fait de courge ou de corne de boeuf, doit être parfaitement accordée à celle de la lame. En effet, lorsqu'une seule fréquence, sinusoïdale, a été proposée à Wazunam, celui-ci considère alors que "le résonateur et la lame se conviennent". Ceci vient confirmer la préférence des Manza pour un timbre harmonique d'une part, et pour une absence de rugosité d'autre part : ces deux qualités spectrales sont en effet équivalentes sur le plan de la perception des hauteurs.

2) Un grand nombre de composante harmoniques est recherché. L'ajout du deuxième harmonique à la fondamentale est préféré, car sinon "c'est comme si le son n'allait pas jusqu'au fond de la calebasse". Et la superposition d'un troisième harmonique est encore préféré. Par la suite, l'intervention directe de Wazunam sur la richesse du timbre aboutira à un timbre très brillant, apparemment très éloigné d'un son de xylophone.

Les analyses spectrales effectuées par la suite en laboratoire à Paris ont montré qu'une telle caractéristique spectrale, avec un grand nombre d'harmoniques de forte intensité, est obtenu sur les xylophones grâce à la seule présence du mirliton (cf. Appendice 2).

La précédente remarque de Wazunam montre que celui est parfaitement conscient de cette fonction du mirliton dans le timbre : le son s'enrichit en harmoniques quand il atteint le fond du résonateur, précisément là où se situe le mirliton. Cette donnée est nouvelle, et l'intention évidente d'enrichir le timbre en composantes harmoniques grâce au mirliton n'avait pas été remarquée chez les Manza, ni par les analyses acoustiques.

3) L'inharmonicité spectrale est évitée. Nous avons ensuite paramétré le synthétiseur de façon à ce que l'action faite sur le curseur règle ou dérègle l'harmonicité des composantes théoriquement harmoniques. Nous avons donc proposé un timbre inharmonique, que Wazunam a ensuite rendu lui-même quasi-harmonique, à 10 cents près.

Malgré les difficultés rencontrées dans l'expérimentation précédente, nous avons renouvelé la procédure en 1990, mais, cette fois ci en recourant à un ordinateur sur le terrain, permettant de rendre la synthèse plus aisée. Aussi, les critères pertinents ayant déjà été déterminés, il ne s'agissait plus que de demander à Wazunam d'effectuer un ultime réglage d'un modèle élaboré en laboratoire, sur la base des précédents résultats et d'analyses spectrales, où seules les valeurs d'intensité de l'algorithme devaient être fixées. Pour cela, il était suffisant de réaliser ces réglages nous-même sous le contrôle du musicien, ce dernier déterminant la fin du réglage.

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Cette expérience avait d'autant plus d'importance que, comme on l'a vu précédemment (cf. 1.3.2.), le timbre ainsi synthétisé pouvait servir de modèle pour les mesures de différents xylophones centrafricains. On obtiendrait ainsi un modèle de timbre définitif susceptible d'être utilisé ultérieurement pour des expérimentations sur la perception des intervalles, ou encore auprès d'autres ethnies centrafricaines.

Le résultat (expérimentation n°5, bande Gbaya 1990-1) se présente sous la forme du timbre "Wazunam 5", décrit en Appendice 2. Il convient seulement de savoir ici que le résultat est proche d'un son de xylophone original pourvu d'un mirliton en bon état, très riche en harmoniques, l'intensité de celles-ci étant pratiquement constante. Le réglage de l'intensité des composante ayant pu être effectué pour chacune des lames du xylophone, il est apparu que le xylophone est, quant au timbre, globalement homogène, sauf la lame la plus aiguë qui doit avoir un son mat. Cette dernière observation, faite sur le synthétiseur, a été vérifiée sur les xylophones originaux, et ceux-ci ne présentent effectivement pas de mirliton sur le résonateur de cette lame.

Il est donc clair que l'hétérogénéité de timbre, qu'elle soit observée chez les Gbaya ou chez les Manza doit être attribuée aux difficultés de facture, ou à un mauvais entretien du xylophone, les lames du xylophone "idéal" ayant un timbre homogène : l'hétérogénéité de timbre souvent observée n'a donc aucune incidence, ni aucun lien avec la systématique interne de la musique manza et gbaya, et est encore moins liée à la conception de l'accord des xylophones.