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Dans le chapitre6, les données expérimentales ont été confrontées à des modèles statistiques trai-tant de la désexcitation d’un noyau composé initial sans se préoccuper de la collision en voie d’entrée à l’origine de sa formation. Cependant, de nombreuses données montrent la possibilité d’avoir une compé-tition entre la fusion et la quasi-fission. Cette dernière correspond à la formation d’un système dinucléaire moins compact qu’un noyau composé, qui conduit ainsi à une re-séparation des deux noyaux. Pour l’in-terprétation de ces deux types de réactions, le nouveau concept du système dinucléaire (DNS) a été développé et comparé, avec succès, à des collisions impliquant des noyaux lourds [101,102,103,104]. Ce modèle a été récemment utilisé pour décrire la décroissance de noyaux excités de masse moyenne formés à bas moment angulaire [15]. Nous allons ici comparer les prédictions du modèle DNS à nos données qui indiquent une forte relaxation à un moment angulaire relativement élevé et une éner-gie d’excitation modérée. Une description détaillées de ce modèle peut être trouvée dans les réfé-rences [15,101,102,103,104].

Nous avons comparé les prédictions de ce code avec nos résultats expérimentaux [105]. Le modèle DNS décrit l’évolution des noyaux en interaction en fonction de deux degrés de liberté : la distance relative

R

entre le centre des deux noyaux ; les degrés de liberté d’asymétrie de masse et de charge. Après la dissipation de l’énergie cinétique et du moment angulaire du mouvement relatif, le système dinucléaire est piégé dans la poche de potentiel d’interaction entre les partenaires. Un équilibre statistique est alors atteint dans la coordonnée d’asymétrie de masse. A partir de là, la probabilité de chaque configuration dépend de l’énergie potentielle calculée par rapport à l’énergie potentielle du noyau composé en rotation. Après la phase de capture, il y a une diffusion de nucléons entre les noyaux qui constituent le système dinucléaire. Alors, ce système excité peut décroître avec une certaine probabilité si l’énergie d’excitation locale du système est assez élevée pour franchir la barrière dans le potentiel noyau-noyau. A la fin, le système évolue soit vers une configuration de noyau composé qui va décroître par la suite, ou bien vers une configuration dinucléaire. Le dernier processus dans lequel une configuration à deux corps est conservée le long de la trajectoire, est le phénomène de quasi-fission.

Pour la description de la désexcitation des noyaux, le modèle du gaz de Fermi est utilisé et la tempé-rature est calculée avec un paramètre de densité de niveaux

a

donné par

a = 0.114A + 0.162A

2/3. Nous obtenons

a = 17.34

MeV−1 pour le118Ba, ce qui est équivalent à

a = A/6.8

MeV−1, une valeur proche de celles utilisées précédemment dans les calculs BUSCO et GEMINI.

Dans le modèle DNS, toutes les trajectoires menant à des processus de noyau composé ou de quasi-fission représentent le phénomène de capture. La poche de potentielle noyau-noyau disparaît à partir d’une valeur

J = J

cr et la formation d’un système dinucléaire n’est plus possible à

J > J

cr. La valeur critique

J

cr détermine la section efficace de capture. La compétition entre la fission (processus de noyau composé) et la quasi-fission dépend fortement du moment angulaire. Pour les réactions à l’étude ici (78,82Kr+40Ca), le potentiel à bas moment angulaire montre que la configuration de noyau composé est énergétiquement plus favorable que la configuration dinucléaire. A haut moment angulaire, le potentiel a un minimum pour un système dinucléaire symétrique. Dans ce cas, la configuration de noyau composé devient énergétiquement moins favorable et laisse la place à la quasi-fission. Cependant, les deux mécanismes coexistent dans une large gamme de moments angulaires. Par exemple, dans le cas de la réaction78Kr+40Ca à 5.5 AMeV, les résidus d’évaporation représentent

∼ 10%

de la section efficace totale à

J = 65

.

Il y a deux aspects importants dans ce modèle qui méritent d’être mentionnés. Premièrement, aucune hypothèse n’est faite sur la relaxation du degré de liberté

N/Z

. En effet, l’équilibre en

N/Z

est atteint quand le DNS est piégé dans la poche de potentiel. Deuxièmement, le lien entre la désintégration binaire et le canal d’évaporation est fourni directement par la coordonnée d’asymétrie en masse. Donc, dans ce modèle, la compétition entre les différentes voies de désintégration est traitée dans un cadre commun.

Dans les figures7.2a et7.2b sont comparées les prédictions DNS et les données pour les réactions

78Kr+40Ca et82Kr+40Ca, respectivement. Pour les deux réactions, la valeur maximale du moment an-gulaire

J

max est prise égale à la valeur critique

J

cr donnée par le modèle. Pour le système82Kr+40Ca,

J

max

= 70

est la valeur déduite de la section efficace totale mesurée. Les prédiction avec

J

max

= 65

pour la réaction78Kr+40Ca sont montrées à titre de comparaison. La section efficace de 8Be a été enlevée des résultats des calculs pour permettre la comparaison avec les données.

Nous observons un bon accord entre le calcul et les données. En effet, le modèle DNS reproduit de manière satisfaisante les caractéristiques principales des distribution de charge. Pour les deux réactions, la forme globale des distributions, l’effet pair-impair pour 5

≤ Z ≤

10, les faibles sections efficaces des fragments légers en plus des sections efficaces autour de

Z = 28

sont bien reproduits. Cependant, pour 16

≤ Z ≤

22 le modèle DNS sous-estime les sections efficaces des fragments d’un facteur 2 à 3. Puisque toute la section efficace de capture est considérée, aucune amélioration ne peut être obtenue dans la

0.1 1 10 100 2 6 10 14 18 22 26

σ

Z

(mb)

Z

a) 78 Kr+40Ca Jmax= 73 Jmax= 65 2 6 10 14 18 22 26 b) 82 Kr+40Ca Jmax= 75 Jmax= 70

FIG. 7.2: Comparaison entre les sections efficaces

σ

Z mesurées et calculées avec le modèle DNS. Les résultats calculés avec

J

max

= 65

(

J

max

= 73) pour la réaction

78Kr+40Ca et

J

max

= 70

(

J

max

= 75) pour la

réaction82Kr+40Ca sont représentés par des lignes en tiret (continue) dans le panel a (b), respectivement. Les carrés pleins (vides) sont les données des réactions78Kr+40Ca (82Kr+40Ca), respectivement.

version actuelle du modèle. Néanmoins, les valeurs de

J

crdonnées par le modèle sont cohérentes avec les

l

pocketcalculés en utilisant le potentiel de proximité (voir Tab.1.1). De plus, les sections efficaces

σ

DNS RE prédites par le modèle DNS (voir Tab.7.1) sont compatibles avec les données, même si la dépendance des sections efficaces de résidus d’évaporation au rapport

N/Z

ne suit pas la même tendance que celle observée expérimentalement. (mb) 78Kr+40Ca 82Kr+40Ca

σ

expf iss 447

±

46 332

±

35

σ

REexp 539

±

110 492

±

100

σ

DNS f iss 349 208

σ

DNS RE 601 638

TAB. 7.1: Sections efficaces expérimentales et calculées avec le modèle DNS de résidus d’évaporation

et de fission.

L’effet pair-impair décroît en amplitude lorsque

Z

augmente ce qui est en accord avec les données. Puisque l’énergie d’appariement du noyau léger du DNS diminue quand le numéro de masse

A

aug-mente, l’effet pair-impair devient plus faible pour les valeurs de

Z

plus grandes.

Comme dans les données, les

σ

Z calculées avec le modèle DNS pour les fragments ayant

Z < 10

sont plus hautes pour la réaction78Kr+40Ca. Ceci peut être expliqué par leur barrières de désintégration

plus petites pour la réaction induite avec le projectile de78Kr.

Les sections efficaces calculées pour 3

≤ Z ≤

10 montrent un important effet pair-impair, beaucoup plus marqué que celui des résultats expérimentaux. C’est principalement dû au fait que les taux de B, N et F sont beaucoup trop sous-estimés alors que ceux des C et O sont bien reproduits. Les taux prédits trop bas des fragments légers de Z impair pourraient être reliés à la prescription considérée dans le po-tentiel noyau-noyau, pour décrire la déformation statique de ces noyaux. Des changements raisonnables de la déformation statique pourraient avoir des effets mineurs dans les sections efficaces. Alors une autre possibilité pourrait être l’interaction entre les propriétés microscopiques (telle que l’interaction d’apparie-ment par exemple) et la déformation subie par le système dinucléaire en route vers la séparation. Les données indiqueraient une atténuation de ces propriétés avec la déformation. Finalement, les densités de niveaux en dessous de l’énergie de séparation pourraient jouer un rôle dans la compétition entres les canaux puisqu’elles peuvent garder en mémoire quelques effets de structure qui ne sont pas inclus dans l’approche du gaz de Fermi [106].

Sur la figure7.2 sont comparées les sections efficaces calculées avec

J

max

= 65

et 73 (

J

max

= 70

et 75) pour la réaction 78Kr+40Ca( 82Kr+40Ca). On remarque que les fragments légers avec

Z ≤ 10

sont peuplés lorsque le moment angulaire initial

J

est petit alors que les fragments les plus lourds sont principalement associés à de hauts moments angulaires autour de

J

max. Un traitement approfondi des résultats montre qu’à haut moment angulaire les mécanismes de quasi-fission sont dominant devant les réactions de noyau composé. La quasi-fission est le canal principal de désexcitation dans la production de fragments lourds alors que les fragments légers sont produits essentiellement par la désexcitation de noyaux composés.

5 10 15 20 25

30

40

50

60

70

80

90

100

78

Kr+

40

Ca

Z

FIG. 7.3: Energies cinétiques totales moyenne <

T KE

> calculées avec le modèle DNS avec différents moments angulaires, pour la réaction78Kr+40Ca. La courbe la plus haute correspond à

J

max

= 73

et la courbe la plus basse à

J

max

= 65.

Nous avons également comparé les valeurs moyennes des énergies cinétiques totales. Les calculs ont été réalisés pour les deux systèmes avec deux valeurs du moment angulaire

J

max. Les résultats de cette analyse sont reportés sur la figure 7.3. A ce stade de l’analyse nous ne disposons pas des prédictions concernant les particules légères et les spectres de fragments. Seule la valeur moyenne des

T KE

est disponible.

pour

Z < 15

et une surestimation pour

Z > 20

. Ce comportement est très similaire à celui observé dans les calculs GEMINI (cf. §6.3.5). Dans le cadre du modèle DNS il n’y a pas de déformation dynamique induite durant la collision et les énergies associées au mouvement relatif sont totalement définies par le potentiel d’interaction. Dans l’état actuel du modèle il n’est donc pas possible d’avoir une amélioration.

Comme pour l’analyse avec le modèle statistique GEMINI, l’introduction de déformations pourrait améliorer les prédictions du modèle à la condition également de changer les caractéristiques du potentiel d’interaction. En effet l’introduction de déformations conduit à une diminution des

T KE

. Le seul moyen d’augmenter la valeur des

T KE

pour les

Z < 20

c’est d’augmenter la contribution de l’énergie relative (

E

rel

(l) = ¯h

2

l

2

/2 I

) et donc du moment angulaire relatif

l

.

La comparaison avec nos données semble indiquer qu’il y a des phénomènes importants qui ne sont pas pris en compte dans le modèle. Cela concerne aussi bien des déformations dynamiques, le potentiel d’interaction, le transfert de moment angulaire. Ces aspects influencent la frontière entre la fusion-fission et la quasi-fission.