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1.3 Modélisation d’un produit

1.3.1 Modèle géométrique et modèle produit

1.3.1.2 Modèle produit

Le modèle géométrique a longtemps été le thème central des recherches et développements effectués pour les applications de CAO. Comme le note [Gardan, 1991], l’idée de ne pas limiter les modèles à la géométrie date pourtant de la fin des années soixante-dix. En effet, dans un contexte industriel, de nombreuses informations gravitent autour du modèle géométrique, en particulier des informations fonctionnelles ou liées à la production. Il paraît donc naturel de considérer qu’un modèle ne doive pas se limiter au pur aspect géométrique.

Dans l’idéal, un modèle devrait être capable de prendre en compte des informations très hé-térogènes : géométriques, technologiques, liées à la précision, aux matériaux, aux assemblages, aux moyens de fabrication ou encore administratives [Gardan, 2003]. Un modèle prenant en compte ce type d’aspect est qualifié de modèle produitcar il est tourné vers le produit dans sa globalité. C’est l’orientation prise par la plupart des systèmes de CAO à partir de la fin des

47. Contraction devolumetric pixel(pixel étant la contraction depicture element).

années quatre-vingt. Peu à peu, les modeleurs ont ainsi intégré des informations ayant une connotation métier48. Cette transition s’est effectuée à travers le paramétrage, et le développe-ment des caractéristiques (features), concept introduit par [Grayer, 1976] dans le but de générer automatiquement des gammes d’usinage. Il a ensuite été développé intensivement et intégré à la CAO au cours des années quatre-vingt, notamment au travers des travaux de [Shah, 1991].

Une caractéristique est une abstraction morphologique ayant une sémantique propre, pouvant être manipulée et réutilisée en tant que telle, notamment grâce à des paramètres. Quelques exemples sont présentés sur la figure 1.18. Les caractéristiques permettent de relier les in-formations fonctionnelles et morphologiques [Feng et coll., 1996]. Elles sont classifiées et hié-rarchisées sous forme de taxinomies. Ainsi, elles peuvent comporter des aspects génériques (communs à plusieurs métiers) ou spécifiques. Il est donc possible de traiter différemment un concept suivant le métier auquel il se rapporte. Par exemple, une fourche49en menuiserie sera considérée comme une rainure en mécanique. À l’inverse, il est aussi possible d’interpréter différemment des concepts portant le même nom. Par exemple, le terme « cannelure » n’a pas la même signification en architecture50, en mécanique51 ou dans l’industrie papetière52. Les caractéristiques sont souvent catégorisées suivant leur champ d’application :

– les caractéristiques deformedécrivent des formes d’un point de vue géométrique ; – les caractéristiques defabricationreprésentent des paramètres liés à un procédé ; – les caractéristiques deprécisionindiquent des tolérances53;

– les caractéristiques d’assemblagedécrivent des liaisons entre pièces ;

– les caractéristiquesfonctionnellesrelient des informations fonctionnelles à la géométrie ; – les caractéristiques dematériaudécrivent la matière dont une pièce est constituée ; – les caractéristiques decalculidentifient des éléments pertinents pour le calcul54.

Généralement, les caractéristiques sont spécifiées en s’appuyant sur le modèle géométrique.

Par exemple, un trou borgne ou une poche sont portés par une surface. La définition de

cer-48. Par métier, nous entendons l’exercice d’un savoir-faire dans un domaine d’ingénierie.

49. Élément utilisé en combinaison avec un tenon pour encastrer deux pièces perpendiculairement.

50. Sillon creusé sur le fût d’une colonne ou la face d’un pilastre [Druon, 2001]. Il s’agit donc d’un élément de décoration.

51. Rainure pratiquée longitudinalement dans une pièce mécanique cylindrique. Chaque pièce cannelée com-porte un ensemble de cannelures réparties uniformément autour de son axe [www-GDT]. La cannelure permet donc d’accoupler deux pièces mécaniques.

52. Concernant le carton ondulé. La cannelure assure une liaison rigide des semelles. Elle joue le rôle d’entretoise, maintient un écartement constant [www-GDT]. La cannelure permet donc de rigidifier le carton.

53. Variations géométriques admissibles sur la pièce, une fois qu’elle aura été réalisée.

54. Par exemple, des zones potentielles de concentration de contraintes.

taines caractéristiques doit s’appuyer sur d’autres caractéristiques : par exemple, le trou de la figure 1.18 aurait pu être pratiqué sur le fond de la poche. En outre, la question du maintien de la cohérence est fondamentale. [Maculet et Daniel, 2003] considèrent que le modèle produit est constitué d’une juxtaposition de modèles spécifiques correspondant aux différents points de vue qu’ont les acteurs sur le produit. Les caractéristiques ont ainsi un rôle double :

– permettre aux acteurs de s’exprimer dans un langage métier, sémantiquement plus riche que celui de la géométrie ;

– supporter l’échange, la communication et la cohérence entre deux types de métiers. Le plus souvent, il s’agit d’une part des métiers de la conception qui utilisent des caractéris-tiques fonctionnelles, de forme, de précision ou d’assemblage, et d’autre part des métiers de la fabrication qui utilisent des caractéristiques de fabrication ou de matériau (p. ex. le CAPP55). Le concept de caractéristique peut ainsi jouer un rôle dans le cadre de la prise en compte de critères de fabrication au moment de la conception (cf. chapitre 2).

Pour finir, nous notons que ce concept est généralement exploité selon deux approches com-plémentaires [Han, 1996] :

1. L’extraction de caractéristiques qui consiste à rechercher des configurations particulières dans le modèle géométrique (de façon automatique ou interactive) afin de construire un modèle à base de caractéristiques dont on peut ensuite tirer parti ;

2. La conception par caractéristiques qui s’assimile à de la réutilisation d’entités technolo-giques par le logiciel de CAO.

Globalement, les modeleurs actuels gèrent le modèle produit de façon plus ou moins satis-faisante. La notion de caractéristique de forme y est habituellement bien intégrée (souvent à travers un arbre de construction), et certains logiciels permettent même la définition de carac-téristiques de forme personnalisées. Cependant, les aspects supportés se limitent d’ordinaire aux caractéristiques de forme, d’assemblage ou de précision, et la cohérence entre les métiers est quasiment inexistante (il faut souvent recourir à d’autres outils).

Dans ce paragraphe, nous avons passé en revue des représentations du produit sémanti-quement plus ou moins riches. Le paragraphe suivant présente les techniques de modélisation qui permettent de manipuler ces modèles.

55. Computer-Aided Process Planning.

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