• Aucun résultat trouvé

2.5 Mécanismes de réaction des ions lourds

2.5.3 Modèle optique

Le modèle optique permet la modélisation de l’interaction directe tout en prenant en considération le processus d’absorption [9, 62]. En effet, les interactions directes se produisent en périphérie du noyau cible. Pour leur analyse, on tient compte de tout le volume en utilisant les outils de modélisation de

l’optique : le milieu nucléaire est caractérisé par un indice complexe dont la partie imaginaire traite de l’absorption des ondes incidentes et sortantes associées aux particules considérées tout le long de leur parcours. Dans ce scénario, l’absorption se produit au profit d’autres processus. La principale composante correspond à la formation d’un noyau composé.

De l’interaction directe au noyau composé

Prenons l’exemple d’un nucléon qui pénètre dans un noyau. Ce nucléon ressentira l’effet du champs créé par les A nucléons du noyau. Les caractéristiques des collisions qui s’en suivent dépen-dent des propriétés de l’interaction nucléon-nucléon et de la densité nucléaire. Le principe de Pauli interdit les collisions qui amèneraient un des partenaires dans un état déjà occupé. D’un point de vue phénoménologique, le principe d’exclusion de Pauli agrandit le libre parcours moyen effectif.

Dans ce modèle la diffusion élastique est traité comme un processus direct au cours duquel la particule incidente ne subit qu’une réfraction par le potentiel nucléaire. Pour tenir compte des nombreuses possibilités d’absorption de la particule par le noyau, l’ajout d’une composante imaginaire peut suffire :

U = V + iW (2.99)

où :

– U est le potentiel optique, appelé ainsi par analogie avec le traitement semblable de l’absorption de la lumière par les milieux condensés

– V est la partie réelle du potentiel optique – W est la partie imaginaire du potentiel optique.

Une particule est absorbée lorsque l’onde sortante ne ressemble plus à l’onde incidente. Différents cas correspondent à cette définition, dont :

– les réactions de "knockout" : le faisceau éjecte un nucléon ou un petit groupe de nucléons (noyau de deutérium ou particule α) du noyau cible. On aboutit donc à trois corps en voie de sortie ; – les réactions de transfert qui se décomposent en plusieurs groupes, dont :

1. les réactions de "pick-up" : le faisceau capture un ou plusieurs nucléons à la cible, comme par exemple les réactions (p,d) ;

2. les réactions de "stripping" : le faisceau dépose un ou plusieurs nucléons à la cible, comme par exemple les réactions (d,p) ;

3. les réactions de transfert multi-nucléonique : le faisceau échange plusieurs nucléons avec la cible, comme par exemple la réaction19878 Pt(13654 Xe,13656 Ba)19876 Os ;

4. les réaction d’échange de charge : un proton est échangé par un neutron entre le faisceau et la cible ; le cas des réactions (p,n) est un cas extrême qui peut aussi être interprété par une réaction de knockout suivit de l’absorption du proton par une autre collision ;

– les réactions passant par la formation d’un noyau composé : les produits de la collision n’ont plus assez d’énergie pour s’échapper du puits de potentiel ; inévitablement une cascade de col-lisions apparait où de multiples paires particule-trous (excitons par analogie à la physique du solide) sont créées ;

2.5. MÉCANISMES DE RÉACTION DES IONS LOURDS 51 – les réactions de diffusion inélastique : comme pour les réactions de knockout, un nucléon de même charge que le faisceau est éjecté, mais la particule incidente est absorbée par la cible, comme par exemple les réactions (p,p’).

Dès que les partenaires subissent une deuxième collision le traitement se complique, sauf si on aboutit au final à la formation d’un noyau composé à l’équilibre statistique. Autrement dit, si des particules sont émises en cours de cascade, alors on se retrouve devant le problème complexe des systèmes hors équilibre ; les réactions de spallation sont caractéristiques de ce phénomène.

Absorption de l’onde incidente : potentiel imaginaire

Nous allons maintenant illustrer l’influence de l’équation (2.99) dans la diversité des mécanismes de réaction. Tout d’abord considérons les parties réelles et imaginaires du potentiel optique comme des puits carrés de profondeur V0 et W0, respectivement. L’équation de Schrödinger à une dimension d’une particule de masse réduite µ dans un tel potentiel s’écrit :

d2ψ dx2 +

¯

h2(E + V0+ iW0) = 0. (2.100)

Ses solutions sont de la forme :

ψ(x) = exp(ixK) = exp(ixKR) · exp(−xKI) (2.101) où le nombre d’onde complexe K est donné par :

K = KR+ iKI=p2µ(E + V0+ iW0)/¯h. (2.102) Lorsque W0 est beaucoup plus petit devant (E + V0), on peut facilement séparer la partie réelle de la partie imaginaire :

KR≈p2µ(E + V0)/¯h ≈ µvi/¯h KI≈ KRW0/ (2(E + V0)) ≈ W0/(vi¯h)



(2.103)

où vi est la vitesse de la particule dans le milieu nucléaire. Ainsi le pouvoir absorbant se caractérise comme en optique de la manière suivante :

n = Kintérieur kextérieur = K k = p2µ(E + V0+ iW0) √ 2µE = r E + V0+ iW0 E vi ve + i W0 µvive . (2.104)

La probabilité |ψ(x)|2de trouver la particule incidente à l’intérieur du noyau à la distance x de la surface d’entrée est donnée par

|ψ(x)|2 = exp(−2xKI). (2.105)

On définit également la longueur d’atténuation Λ par

Λ = 1/(2KI) ≈ ¯h 2W0

La longueur d’atténuation traduit une perte de flux qui s’interprète comme une absorption de la particule individuelle au travers le potentiel moyen. Il ne faut pas oublier que traiter la diffusion par un potentiel moyen n’est qu’une première approximation du problème à N corps qui peut être affinée en prenant en compte des interactions résiduelles. Ces interactions résiduelles sont modélisées globalement ici par le potentiel iW0. Dès la première collision de la particule incidente, elle aura perdu son caractère de particule individuelle.

Chapitre 3

Méthodes expérimentales

Afin de discriminer les modèles théoriques, trois approches expérimentales s’offrent à nous : – la recherche de nouveaux isotopes pour vérifier les extrapolations des modèles loin de la stabilité – l’étude des phénomènes exotiques de désexcitation des noyaux

– l’approche métrologique qui consiste à remesurer le plus précisément possible un phénomène connu.

Notre étude fait partie du second groupe d’approches qui cherche à étudier les modes exotiques de désexcitation et les états isomériques de haut spin. Pour peupler les états isomèriques que l’on cherche à étudier, il a été nécessaire d’utiliser des faisceaux pulsés d’ions lourds radioactifs. Certains radioisotopes dont la durée de vie est courte ont besoin d’être produits en ligne, d’autres de longue durée de vie peuvent être produits, purifiés et stockés dans différents lieux avant d’être utilisés pour réaliser un faisceau. Nous avons utilisé un faisceau radioactif de17N produit en ligne.

3.1 Production des faisceaux