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Une fois que le faisceau atteint la cible, il est nécessaire d’acquérir les données à l’aide de multiples détecteurs, puis de les analyser. Différents types de détecteurs sont aussi utilisés afin d’observer et de sélectionner le faisceau radioactif.

3.2.1 Détecteurs de particules chargées

Il est toujours intéressant et utile de mesurer le passage du faisceau ou l’émission de protons ou de particules α ou β. Afin de détecter ces particules chargées ou ions, il est nécessaires qu’ils déposent suffisamment d’énergie dans le détecteur. La perte d’énergie des particules chargées est décrite par la formule de Bethe-Bloch [64] : −dE dx = 4π m0c2 ·NA· Z · z 2· ρ A · β2 ·  e2 4πε0 2 ·  ln 2m0c2β2 I(1 − β2)  − β2  (3.2) où : – x : distance parcourue – E : énergie cinétique de l’ion – z : état de charge de l’ion – β : vitesse réduite de l’ion – m0: masse de l’électron – NA: nombre d’Avogadro – e : charge élémentaire

– c : vitesse de la lumière dans le vide – A : nombre de masse du matériau – Z : numéro atomique du matériau

– I : potentiel d’ionisation effectif du matériau

Il existe trois grandes catégories de détecteurs de rayonnement :

– détecteurs à semi-conducteurs, dont les détecteurs de silicium pour les particules chargées et les détecteurs de germanium pour les photons γ

– détecteurs gazeux – scintillateurs.

3.2.2 Détecteurs silicium

Comme tout matériau semi-conducteur, le silicium possède une bande de valence électronique pleine et une bande de conduction vide séparées d’une énergie Eg("gap energy") nettement plus faible que toute énergie d’ionisation. La particule devra donc déposer au minimum cette énergie Egpour exciter

3.2. LES PRINCIPAUX TYPES DE DÉTECTEURS UTILISÉS 59 le cristal en produisant une paire électron-trou (promotion d’un électron de la bande de valence vers la bande de conduction). Les multiples paires électron-trou crées sont séparées et accélérées vers les élec-trodes où le signal est induit. Même si un champ électrique est induit dans le cristal par le dopage avec des impuretés n (exemple phosphore P ) ou p (exemple aluminium Al), il est toutefois nécessaire d’aug-menter ce champ électrique à l’aide d’une alimentation haute tension pour collecter plus efficacement le signal et augmenter le volume de détection. Le grand avantage des détecteurs à semi-conducteur est que le nombre élevé de paires électron-trou crées est proportionnel à l’énergie déposée, ce qui implique une grande linéarité et une bonne résolution énergétique de ces détecteurs. Par contre, leur inconvénient est qu’ils supportent une dose limitée, au delà de laquelle les dégâts du réseau cristallin sont trop grands pour permettre la collecte des paires électron-trou.

3.2.3 Détecteurs gazeux

Les premiers détecteurs gazeux (compteurs Geiger) signalaient uniquement le passage d’un ray-onnement ionisant. Notre meilleure appréhension du fonctiray-onnement de ces détecteurs et de l’instrumen-tation a permis le développement de détecteurs gazeux ingénieux qui apportent une multitude d’infor-mations sur la particule ionisante détectée, dont :

– l’énergie totale déposée

– l’instant de détection du rayonnement

– la trajectoire et l’évolution du dépôt d’énergie le long du parcourt ("Time Projection Chamber", TPC, par exemple).

Afin de comprendre les caractéristiques de ces détecteurs, intéressons-nous à leur fonctionnement. Au minimum la particule doit transférer une énergie supérieure à l’énergie d’ionisation du gaz. L’énergie d’ionisation des électrons des couches externes dans les gaz est de 10 à 25 eV. Cependant, d’autres mécanismes qui ne vont pas créer d’ions sont en compétition. Après une ionisation simple la molécule neutre se transforme en un cation moléculaire et un électron libre qui est à la source du signal détecté. Cet ensemble est nommé paire électron-ion. En moyenne la particule ionisante perd entre 25 et 35 eV par paire créée. Les électrons sont accélérés vers l’anode tandis que les cations vers la cathode. L’hy-pothèse que ce processus suit une distribution de Poisson donne une bonne approximation de la variation de l’écart type du nombre de paires formées en fonction de l’énergie déposée. Différents mécanismes d’interaction des ions et des électrons apparaissent durant leurs transports dans la chambre :

– transfert de charge – capture électronique – recombinaison – diffusion.

La capture électronique et la recombinaison sont les deux phénomènes à éviter au maximum puisqu’ils détruisent les paires électron-ion.

Durant cette thèse le seul type de détecteur gazeux utilisé a été le PPAC ("Parallel Plate Avalanche Counter") dans la version MWPC ("Multi Wire Proportionel Counter") avec lecture des signaux utilisant une ligne de retard. Les deux cathodes étaient électriquement segmentées. Entre chaque segment un retard était présent. De ce fait, une mesure de la différence de temps entre le signal de l’anode et de la cathode indique le segment touché, permettant ainsi de remonter aux coordonnées de l’ion traversant le

PPAC.

3.2.4 Scintillateurs

La détection de particules ionisantes avec des scintillateurs est une des plus anciennes techniques, et s’avère être la plus pratique à mettre en place. Un détecteur à scintillation est composé de trois blocs : le scintillateur qui convertit le dépôt d’énergie en lumière, le guide de lumière qui transporte celle-ci jusqu’au photodétecteur (souvent un photomultiplicateur) qui convertit le signal lumineux en signal électrique. Attardons-nous un peu sur le fonctionnement et les paramètres dans le choix du scintillateur. Le scintillateur idéal devrait avoir les caractéristiques suivantes :

– convertir le dépôt d’énergie avec un fort rendement de scintillation en de multiples photons facilement détectables

– avoir un rendement de scintillation qui ne dépend pas de l’énergie déposée – scintillateur transparent à ses propres émissions

– le processus de luminescence majoritaire est la fluorescence

– matériau avec de bonnes propriétés optiques (pas de porosité) et constructible à des dimensions digne d’intérêt pour la détection

– indice de réfraction proche de celui du verre (∼ 1.5) pour qu’il s’adapte sur tout type de dé-tecteur optique.

Malheureusement il n’est pas connu aujourd’hui de scintillateur idéal qui possède l’ensemble de toutes ces caractéristiques. Il y a deux principales catégories :

– les scintillateurs alcalin-halin inorganiques

– les scintillateurs organiques liquides ou plastiques.

Les scintillateurs organiques du fait de leurs compositions hydrogénées les prédisposent à la détection des rayonnements α, β et des neutrons. A l’inverse, les scintillateurs alcalin-halin possèdent une meilleure linéarité et produisent plus de lumière. Le Z relativement élevé de ces derniers augmente grandement la probabilité d’interaction des γ (effet photoélectrique, diffusion Compton et création de pairs e+-e). Les trois plus connus dans la spectroscopie γ sont l’iodure de sodium NaI, le BGO (Bi4Ge3O12) et le bromure de lanthane LaBr3qui appartiennent aux scintillateurs alcalin-halin activés (dopés).

3.2.5 Détecteurs germanium

En 1994 P.J. Nolan et al [65] ont décrit les principales avancées technologiques de la spectroscopie γ ainsi que les paramètres clefs dans la caractérisation des systèmes de détection γ. Nous allons nous contenter de reprendre les notions importantes pour comprendre ce manuscrit et présenter brièvement les bénéfices des dernières innovations.

Dans les années ’90 les systèmes de détection γ les plus performants étaient constitués d’un en-semble organisé en boule de détecteurs germanium coaxiaux de grand volume et de détecteurs compos-ites (clovers1et cluster) pour détecter les photons γ qui n’ont déposé qu’une partie de leur énergie dans

3.2. LES PRINCIPAUX TYPES DE DÉTECTEURS UTILISÉS 61 le cristal de germanium avant de s’en échapper. Ces détecteurs étaient entourés par des boucliers anti-Compton constitués de détecteurs à scintillation. Les premiers scintillateurs utilisés étaient en iodure de sodium (NaI), mais par la suite les cristaux de BGO se sont imposés par leur grande efficacité de dé-tection pour une faible épaisseur, ce qui a permis d’augmenter l’angle solide couvert par les détecteurs germanium. À la fin des années ’90, il est apparut que cette technologie de suppression Compton avait atteint ses limites. Il est apparu naturellement que la prochaine génération se baserait sur une boule dont les cristaux segmentés de germanium couvrent la quasi-totalité de l’angle solide. Les photons qui s’échappent du cristal de détection ne sont plus perdus mais sont détectés par un autre cristal de germa-nium. A partir des différents dépots d’énergies (l’énergie déposée et la position de chaque interaction des photons γ) on peut reconstruire la trajectoire (tracking) et donc l’énergie de chaque photon émis. Les boules en cours de construction, GRETA (Gamma Ray Energy Tracking Array) aux États-Unis et AGATA (Advanced GAmma Tracking Array) en Europe, sont basées sur ce principe et vont atteindre dans leur configuration finale des performances jusqu’à trois ordres de grandeurs meilleures par rapport aux précédentes boules pour les événements de hautes multiplicité (voir Figure 3.4).

FIGURE3.4 – Evolution depuis les années ’70 jusqu’aux années 2000 des fractions de sections efficaces

totales observées pour diverses boules de détecteurs γ [66]. L’indication de la fraction de la voie de réaction pour les boules Euroball IV, Gammasphere et AGATA ont été estimées pour une multiplicité Mγ =30.

Aujourd’hui AGATA est construit à près de 15%. Les expériences réalisées avec cette boule au Laboratori Nazionali di Legnaro (LNL) en Italie, puis à GSI en Allemagne et prochainement au Grand Accélérateur National d’Ions Lourds (GANIL) à Caen permettent d’améliorer les performances des

dé-tecteurs, des électroniques spécifiques ainsi que d’optimiser le traitement des données. Parallèlement à ce travail, les expériences réalisées durant les différentes phases de construction ont prouvé la faisabilité de tels dispositifs expérimentaux avec la mesure de phénomènes difficilement observables autrement.