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2.5 Mécanismes de réaction des ions lourds

2.5.1 Modèle du noyau composé

Le modèle du noyau composé a été imaginé avant la mise en évidence des couches nucléaires. A cette époque le noyau était considéré comme une goutte liquide. Lorsqu’une particule pas trop rapide traverse un noyau, elle subit un grand nombre de collisions aléatoires. Dans cette hypothèse il est naturel de penser qu’un équilibre statistique s’établit. La notion de "noyau composé" fait référence à cet état d’équilibre.

Hypothèse de Bohr et hypothèse statistique

Un des aspects clefs de ce modèle est qu’il décompose la réaction en étapes, qui sont : 1) la collision de la particule avec le noyau : formation du noyau composé

2) la désexcitation du noyau composé : formation du noyau résiduel.

L’hypothèse de Bohr [10] suppose que la désexcitation du noyau composé dépendrait de son én-ergie d’excitation, de son spin, de sa parité, mais pas de la manière dont il a été produit. Lorsqu’une particule quelconque pénètre dans le noyau, on peut penser qu’elle sera absorbée rapidement (près de 10−19s) et que son énergie se répartira uniformément dans tout le volume du noyau. Le noyau composé subsistera près de 10−15s avant de se désexciter en émettant une ou plusieurs particules : il aura perdu entre temps la "mémoire" de l’agent de son excitation à ceci près que les lois de conservation restent respectées.

Plus concrétement, une réaction X(x, y)Y qui passe par l’intermédiaire d’un noyau composé C se développe sous la forme :

a

zx +AZX →a+Az+Z Caz00 y +AZ00 Y , a + A = a0+ A0 , z + Z = z0+ Z0. (2.93) Alors l’hypothèse de Bohr conduit à factoriser la section efficace totale σx,yx) de la manière suivante : σx,yx) = σx,Cx)Py(EC) (2.94)

où :

– σx,Cx) : section efficace de formation du noyau composé C par une particule incidente x d’énergie εxdans le référentiel du centre de masse

– Py(EC) : probabilité partielle de désexcitation du noyau composé à l’énergie d’excitation EC selon le mode C → y + Y .

On notera que l’énergie d’excitation du noyau composé EC, en invoquant la conservation d’énergie, est donnée par :

EC = εx+ Sx (2.95)

où Sxest l’énergie de séparation de la particule x à partir du noyau C.

L’hypothèse statistique consiste à admettre que lorsque la densité des états disponibles du noyau composé est importante, alors leur largeur (Γ), leur énergie et donc leurs phases relatives peuvent être traitées comme des variables aléatoires. De ce fait la valeur moyenne des termes d’interférence est nulle, ce qui revient à sommer les différentes contributions de la réaction considérée pour calculer sa section efficace totale.

Réaction de fusion-évaporation

Un des processus de réaction décrit par le modèle du noyau composé est la fusion-évaporation. Les réactions de fusion-évaporation nécessitent que le noyau incident soit absorbé à l’intérieur du noyau cible pour former un noyau composé fortement déformé qui tourne rapidement (voir Figure 2.10). Si les deux noyaux avant la réaction possèdent un moment angulaire total nul, l’axe de rotation du noyau composé dans ce cas est perpendiculaire à la trajectoire du faisceau, ce qui aura une importance dans l’analyse des données.

FIGURE2.10 – Schéma d’une réaction de fusion-évaporation.

Le noyau composé chaud se désexcite en premier lieu par l’émission de nucléons (protons ou neutrons) ou de groupes de nucléons (particule α). Généralement, le noyau n’émet que des neutrons, puisque ceux-ci ne sont pas sensibles à l’interaction coulombienne. Lorsque l’énergie accessible est inférieure à l’énergie de liaison du dernier neutron, Sn, alors le processus d’évaporation de nucléons

2.5. MÉCANISMES DE RÉACTION DES IONS LOURDS 47

FIGURE2.11 – Représentation schématique illustrant les trois types de transitions γ : transitions

statis-tiques, puis cascades rotationnelles collectives pour finir par des transitions discrètes à bas spins proches des états yrast. Les zones 3n, 4n et 5n sont délimitées à l’aide de calculs statistiques qui définissent la densité de probabilité que le noyau résiduel se trouve dans un état d’énergie E et de spin I après avoir évaporé x neutrons sans avoir émis aucun rayonnement γ.

s’arrête. La conservation du moment angulaire induit de nombreux effets. Lorsque l’on utilise des ions lourds le noyau composé est souvent formé avec un moment angulaire très élevé, ce qui favorise la désexcitation par évaporation de particules α et des cascades de transitions γ. L’émission d’un nucléon de quelque MeV n’emporte en moyenne que peu de moment angulaire. Pour une même énergie cinétique, la particule α emporte près de deux fois plus de moment angulaire qu’un simple nucléon.

Une fois que le noyau n’est plus assez chaud pour émettre des nucléons, il émet des rayonnements γ, d’abord de haute énergie (Eγ ≈ 10 MeV) puis de plus basse énergie reliant des états proches de la ligne yrast (voir Figure 2.11). Les γ de haute énergie désexcitent des états loin de la ligne yrast. Plusieurs états yrast (ou quasi-yrast) sont peuplés directement par ces γ : on parle alors d’alimentation ou de population par le continuum. Les états yrast de bas spin sont alimentés presque exclusivement par d’autres états yrast discrets.

En résumé, le refroidissement du noyau composé se déroule par l’émission de plusieurs nucléons ou particules α, puis de quelques rayonnements γ statistiques et de plusieurs photons γ discrets.

Distribution angulaire

Une des caractéristiques provenant directement de l’hypothèse de Bohr est la distribution angu-laire des particules évaporées. Lorsqu’elle est isotrope à basse énergie, l’onde partielle d’ordre l = 0 prédomine. On s’attend à ce qu’au voisinage d’une résonance isolée de moment angulaire l, l’ampli-tude partielle d’ordre l prédomine. La distribution angulaire dans le système du centre de masse sera

proportionnelle à |Pl(cos θ)|2, où Pl(cos θ) est le polynôme de Legendre d’ordre l. La distribution pos-sède donc l minima dans l’intervalle [0, π] qui sont symétriques par rapport à l’angle de diffusion π/2 dans le référentiel du centre de masse. Cette symétrie de la distribution angulaire implique que lorsque l’évaporation de plusieurs nucléons n’induit pas l’émission d’une particule α, le noyau résiduel a ap-proximativement la même impulsion que le noyau composé. En fait, pour reproduire plus précisément l’allure de la distribution partielle observée on recourt à l’ajout de plusieurs ondes partielles qui reflètent le bruit de fond et le spin des partenaires.