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Les travaux autour de SpIn concernent particulièrement la partie synchrone de l’activité, la réunion à proprement parler. Les aspects les plus asynchrones du travail coopératif en réunion ont été volontairement évités : nous en avons tenu compte dans la conception, mais nous n’avons pas étudié les problèmes de découpage en phases de l’activité, de mise en place de réunion, de persistance d’une réunion à l’autre, etc (aspect géré par le serveur de travail coopératif). Nous nous sommes intéressés uniquement à la réunion en elle-même.

SpIn est donc un modèle d’interface 3D pour le travail coopératif synchrone. L’étude des possibilités des environnements de travail coopératif sur ordinateur nous a orienté vers les choix suivants : 1. choisir la métaphore de pièce - on pourrait parler plus particulièrement de bureau de réunion,

2. construire une représentation tridimensionnelle de celle-ci à l’écran,

3. pouvoir prendre en compte simultanément plusieurs flux vidéos,

4. utiliser une spatialisation du son pour permettre un meilleur repérage dans l’espace,

5. proposer une interactivité temps réel (fréquence minimum de 10 Hz),

6. orienter l’interface sur l'action à accomplir,

7. concevoir le système d'exploitation permettant de mettre en oeuvre ces concepts.

Après avoir spécifié les objectifs de Spin, nous allons maintenant décrire les premiers travaux autour de cette interface [Saugis 98], qui ont établi un modèle d’organisation spatiale, et jeté les bases de la coopération.

3.4.1 Les métaphores visuelles liées au travail coopératif : les recommandations

Les principaux services que doit remplir un système de travail coopératif ont été tirés d’expériences sur des médiaspaces [Ishii 92][Okada 94][Tanaka 96]. Ils ont été adaptés à la problématique de Spin, mais le contexte de certaines expériences, particulièrement MAJIC, reste le même et on peut y trouver ces éléments indispensables qui sont :

- le contact visuel : lorsque l’on regarde un interlocuteur, celui-ci en a conscience. Si deux personnes peuvent se regarder dans les yeux, ce contact visuel est préservé. L’idéal étant que la représentation de la personne regarde effectivement l’objet concerné (dans l’espace virtuel), plutôt que d’utiliser des liens symboliques (flèches, etc),

- la conscience du regard : quand un utilisateur regarde quelqu’un ou quelque chose, les autres le savent en suivant la direction de son regard,

Spin

- assurer une qualité du canal sonore (pas de «trou»), et faire en sorte que la voix et l’image d’une personne proviennent du même endroit de l’espace, et soient synchronisées si sa représentation visuelle est animée,

- favoriser la perception directe en créant une interface explicite plutôt qu’en forçant l’utilisateur à recréer mentalement les liens qui existent entre différents objets, et donc augmenter sa charge cognitive. Ceci sans pour autant tout reproduire, ce qui surchargerait l’interface et noierait l’information pertinente. Il faut reproduire en simplifiant,

- augmenter la densité d’information à l’écran en utilisant la 3D, et permettre ainsi de conserver l’ensemble de toutes les informations visibles afin que l’on puisse suivre dans de bonnes conditions le déroulement de l’activité (éviter les occlusions comme dans beaucoup d’interfaces 2D multi-fenêtrées),

- utiliser l’animation temps réel pour montrer les changements dans l’interface, en évitant les sauts brusques d’un état à un autre d’un objet graphique, qui rendent difficilement compréhensibles ces changements, en particulier dans une interface coopérative où l’on n’est pas seul à agir,

- placer tous les tenants de l’activité dans une scène globale afin de pouvoir représenter les interactions entre les différentes composantes,

- pouvoir connaître le centre d’intérêt de chacun, sans pour autant limiter le système en donnant une même vue à tous.

Ces recommandations ont amené un premier travail de mise en oeuvre sur Spin qui a permis de fournir les premiers éléments essentiels à une interface 3D pour le TCAO synchrone, décrits ci-après.

3.4.2 L’’organisation spatiale

Le premier travail sur Spin a consisté à trouver une organisation spatiale des documents qui reprenne les points énoncés ci-dessus et en particulier la visibilité, afin de conserver une vue globale en permanence sur l’activité, et l’interactivité, pour pouvoir naviguer facilement d’un document à l’autre.

La métaphore de l’interface est la table de réunion, qui correspond à une seule et même activité. Nous y opérons un découpage spatial et sémantique en deux parties. La première partie est un bandeau où l’on place les acteurs et les documents partagés (voir ci-dessous). La seconde correspond à l’espace intérieur de ce bandeau - c’est un espace de travail particulier (pour un document occupant une position centrale).

Figure 3.2 deux niveaux de distorsion dans une première version de Spin

Nous plaçons donc les acteurs et les documents partagés (2D ou 3D) autour d’une table, sur des «murs». Par commodité, on dispose un document par mur. Pour en représenter autant que l’on veut à la fois, on les répartit suivant un demi-cercle afin de garder l’ensemble des documents visibles. L’utilisateur peut recentrer son point d’intérêt en tournant ce bandeau, action assimilable à celle de tourner la tête dans la réalité. Cette répartition est naturellement uniforme et simule une situation réelle de réunion où plusieurs personnes sont assises autour d’une table. Cela permet d’insérer tout nouvel arrivant (ou un nouveau document) sans qu’il y ait d’a priori sur l’espace qu’il occupe par rapport aux autres interlocuteurs présents dans la scène.

Distorsion

Si le nombre d’objets autour de la table augmente, ils deviendront tous trop fins pour que l’on puisse les utiliser. On définit donc une notion de focus, qui met en valeur le document dans la zone principale de vision, au centre de l’écran. Cela impose une déformation des autres documents sur les côtés (Figure 3.2).

Notre déformation a lieu dans un sous-espace (parallélépipède rectangle), uniquement en abscisse. On considère qu'un point d'abscisse nulle sera au milieu de la boîte. A un point d'abscisse x positif ou nul (la déformation est symétrique par rapport au plan x=0),on applique la formule (Figure 3.3) suivante :

Figure 3.3 formule de déformation

où x est la demi-largeur de la boîte et α le facteur de déformation. Avec α=1, la fonction est l’identité. Pour α>1, les points se rapprocheront du bord, avec pour résultat d'étirer les objets centraux, tandis que ceux situés près du bord seront tassés vers l'extérieur. Pour faire varier la déformation (lorsque l’on change le facteur de zoom), nous multiplions α par une constante, plutôt

x′ = 1–(1–x

Spin

que de la lui ajouter. Cela permet d’avoir des variations de déformations plus linéaires (et donc une animation plus fluide).

Le tout Visible

Grâce à cette déformation, les parties importantes sont donc parfaitement lisibles, et le reste conserve une place dans l’environnement. Lorsque l’on tourne le bandeau, ce qui disparaît d’un côté réapparaît immédiatement de l’autre (les autres éléments à l’intérieur de la scène ne bougent pas). Cela permet à l’utilisateur de toujours tout percevoir dans l’interface. Il est en effet essentiel en TCAO que chaque artefact et chaque acteur impliqué dans une tâche coopérative soit présent à l’écran.

Un point de focus

La distorsion amène l’utilisateur à placer naturellement au centre, la partie du bandeau avec laquelle il travaille. Cette information sur le centre d’intérêt permet de reproduire, sans dispositif spécial, la sensation de contact visuel et de direction du regard d’un intervenant dans les interfaces de ses interlocuteurs.

En dehors du bandeau, l’espace intérieur est un espace de travail, où l’utilisateur peut apporter (agrandir) le document sur lequel il travaille, y placer des documents (2D ou 3D) pour les éditer ou les manipuler. La navigation de l’utilisateur est donc réduite virtuellement à une rotation (bandeau) et à un déplacement en profondeur (zoom du point de focus).

3.4.3 La téléprésence

Afin d’identifier les interlocuteurs, des avatars ont été placés autour de la table. Ces avatars (Figure 3.4) correspondaient à la première étape d’un système coopératif, ils permettent de savoir qui est présent.

Figure 3.4 les avatars dans Spin : première (h.g.), seconde (h.d.) et troisième (bas) générations

3.4.4 La navigation

Afin de conserver en permanence une vision globale sur la scène, on n’autorise pas réellement la navigation. Elle a été adaptée pour faciliter le passage d’un document à un autre, sans pour autant désorienter l’utilisateur, ou lui faire perdre du temps dans des déplacements inutiles. C’est l’organisation même de l’espace qui permet ceci en autorisant la manipulation du bandeau, et le zoom du document au centre.

Ce déplacement des documents peut être assimilé à la rotation de la tête pour regarder une série de documents placés autour d’un intervenant. La déformation sur les bords simule la vision périphérique de l’homme, et permet de recentrer automatiquement l’attention de l’utilisateur sur le document placé au centre du bandeau.