IV. Intégration de colonnes magnétiques auto-assemblées : Application à la fabrication de
5. Modèle
Nous avons vu que la colonne se comporte comme un barreau rigide qui pivote, du moins aux petites perturbations. Notre travail ayant porté sur des fluctuations thermiques extrêmement faibles, les modèles de comportement envisagés ont tous considéré la colonne comme un barreau rigide qui tourne sur un pivot.
a) Organisation des dipôles
Une colonne magnétique est composée de billes magnétiques sphériques aimantées. Elles se comportent comme des dipôles. Les dipôles magnétiques minimisent leur énergie potentielle en s’alignant avec le champ ambiant. Conséquemment ces dipôles magnétiques réagissent avec le champ extérieur imposé, et tendent à s’aligner avec celui-ci. Cependant, ces dipôles engendrent aussi un champ magnétique auxquels les autres dipôles vont réagir.
Deux cas de figures limites sont possibles :
• Les moments magnétiques sont alignés entre eux : l’interaction dipôle-dipôle prime sur l’interaction avec le champ extérieur.
• Les moments magnétiques sont alignés avec le champ : l’interaction avec le champ extérieur prime sur l’interaction dipôle-dipôle.
Fibre de verre
Substrat Bille pivot
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Figure 8 : Deux modèles décrivant le comportement des moments magnétiques au sein d’une colonne sous champ.
Le comportement dans les deux cas de figure ne sera pas le même en terme de raideur.
Pour trancher entre ces deux cas de figure, il convient de comparer les couples exercés sur un dipôle par le champ extérieur imposé et par le champ des autres dipôles.
A priori le comportement choisi dépend des propriétés magnétiques des billes. Nous avons travaillées sont des billes superparamagnétiques obtenues chez Lifetechnologie (Invitrogen). Ce sont des Dynabeads® de 4,5 µm de diamètre recouvertes de protéines. Les billes sont en polystyrènes et sont poreuses. Les pores renferment des microparticules d’oxyde de fer (Maghémite) présentant chacune une aimantation permanente. Il est important de remarquer que ces microparticules sont libres de se mouvoir dans les pores (plus grands). En l’absence d’un champ extérieur, l’orientation des particules est aléatoire et l’aimantation totale de la bille est donc nulle. En présence d’un champ extérieur, les particules magnétiques s’orientent dans le champ et la bille acquiert alors une aimantation. On donne ci-dessous leur propriétés115 :
Aimantation à saturation (A.m2.kg-1) 19,6
Densité 1,6
Masse (ng) 7,6.10-2
Moment magnétique à saturation (A.m2) 1,5.10-12
Le couple exercé par un champ magnétique ‡$! sur un moment magnétique Y$$! vaut : Γ! = Y$$! ∧ ‡$!
Équation 8
Pour un champ extérieur de 1000 Gauss (0,1 T) on obtient donc un couple typique de: ˆΓ!ˆ =0,9.10-13
N.m L’aimantation valant alors environ 12 A.m2.kg-1.
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Cela est très supérieur aux énergies mises en jeu par l’agitation thermique : ˆΓ!ˆ = 2,25.10‰Š‹7
Où kb est la constante de Boltzmann. Les moments magnétiques ne ressentent donc que très faiblement les effets du mouvement Brownien.
Figure 9 : Les coordonnées sphériques. Un moment magnétique Œ$$$! est placé à l’origine
En coordonnée sphérique (voir figure 9), le champ ‡$!<< créé par un dipôle magnétique de moment Y$$! en un point M (r, θ, Φ) est lui de la forme :
‡$!<< =4:[_`YBX2hijA&! + jƒ„A&!•\ Équation 9
Deux billes aimantées identiques qui se touchent sont équivalentes à 2 dipôles magnétiques espacés de la distance d égale au diamètre des billes.
D’où un ordre de grandeur du couple maximal exercé Γ!‹‹ par l’une sur l’autre (à saturation) : ˆΓ!<<ˆ ≈ Ž_2:v`YB?Ž = 4,9. 10wL••. Y = 1,25. 10‘Š‹7
Le couple exercé par le champ extérieur est donc, à 1000 G, au moins 20 fois supérieur à celui exercé par les dipôles voisins. Les dipôles sont donc alignés avec le champ.
b) Raideur de la colonne
Considérons la première bille au sommet d’une colonne de longueur L faisant un angle θ avec la verticale. Cette colonne est constituée de N billes. Les dipôles magnétiques sont alignés avec le champ extérieur vertical ‡$!. Le dipôle que constitue la première bille subit aussi le champ des autres
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dipôles. D’où une force qui tend à réaligner les dipôles entre eux, et par conséquent la colonne avec la verticale.
Figure 10: A gauche: colonne de N billes. Nous considérons la bille du sommet comme la première bille et la bille en contact avec le substrat comme la dernière. A droite : schéma de base pour le calcul de la force que Œ$$$!’ exerce sur Œ$$$!“.
La force que fait subir le champ ‡$!L? créé par le dipôle Y$$!L d’une bille de la colonne sur une autre bille de moment Y$$!? est égale à :
"!L?= ∇$$! m$$$!?. B$$!L? Équation 10
On a pour Y$$!? la relation suivante : Y?
$$$$$! = Y? hijA &! − jƒ„A &!•
Équation 11
D’où en utilisant l’équation 9 pour ‡$!L?:
Y$$!?. ‡$!L?=_`8:[YLYB? 3hij2A + 1 Équation 12
Et :
"! = ∇$$! Y$$!?. ‡$!L? = −3_8:[`YL5Y?X 3hij2A + 1 &! + 2jƒ„2A&!•\ Équation 13
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Seule la composante de la force selon &!• nous intéresse. C’est elle qui tend à ramener la colonne à la verticale. La composante selon &! est, elle, compensée par la réaction solide/solide des billes entre elles. On a donc:
"•= −3_ Y4:[L5Y?jƒ„2A Équation 14
Si nous supposons que les moments magnétiques au sein d’une colonne sont en première approximation égaux et de valeur Y$$!, ce qui revient à négliger les effets de bord, on a :
"•= −3_ Y4:[5?jƒ„2A Équation 15
La force que le moment magnétique de la seconde bille exerce sur la première est donc égale (puisque celle-ci est située à une distance d, égale au diamètre) à :
"•= −3_ Y4:v5?jƒ„2A Équation 16
Considérons à présent la force "!@ exercée sur la première bille au sommet de la colonne par le nième
voisin situé à la distance nd. On a selon &!•:
"@•= −4: „v3_ Y?5jƒ„2A Équation 17
D’où la force magnétique totale qui s’exerce sur la première bille :
"# )• = − ˜ ™„15š X3_ Y4:v5?jƒ„2A\
›wL L
Équation 18
Remarquons que ∑›wL@L•
L est une suite très rapidement convergente vers :
ž 4 = ˜„15=:905
Ÿ L
~1,08 Équation 19
145 Aux petits angles, sinθ≈θ, d’où :
6 = Ž"# )•ε Ž = ž 4 3_2:v`Y5-? Équation 20
Car A~¢£.
K est la rigidité mesurée sur la première bille, au sommet de la colonne.
On s’attend donc à une variation (avec la hauteur L) de la rigidité mesurée au sommet en L
£. Lorsque
l’on mesure la rigidité, non sur la dernière bille, mais au sein de la colonne, on s’attend à ce que cette rigidité décroisse en z2 si effectivement la colonne se comporte comme un barreau rigide qui pivote sur la bille fixe en surface.