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Un changement majeur est intervenu en 2005, quand une équipe japonaise est parvenue à identifier, pour la première fois, une protéine de la SuperFamille des Immunoglobulines absolument vitale pour l’interaction gamétique. Puis la découverte en 2014, soit presque dix ans plus tard, de son récepteur sur la membrane de l’ovule est venue confirmer ce résultat.

2.2.1 Les protéines de la SuperFamille des Immunoglobulines

Le premier véritable acteur spermatique identifié comme essentiel à la fécondation est issu de la SuperFamille des Immunoglobulines (Ig SF). Ce groupe de protéines déjà connu pour être impliqué dans de nombreux processus d’adhésion cellule-cellule [21], compte à l’heure actuelle plus de 765 membres chez l’homme [55], 140 chez la mouche ou encore 64 chez le vers [21]. Ils ont tous en commun un ou plusieurs domaines de type Immunoglobuline issus d’un même gène ancestral (Annexe A).

Mise en évidence en 2005 par une équipe japonaise chez Mus Musculus, Izumo19 est

à ce jour la seule protéine transmembranaire identifiée sur la membrane du spermato- zoïde, comme indispensable à l’étape de fusion avec l’ovule [68] (Figure 2.2). Elle est présente à la fois chez la souris et chez l’homme [60]. Izumo1 se relocalise après la réac- tion acrosomique du bord de l’acrosome au segment équatorial [124] (Figure 1.2), sous l’action éventuelle d’une sérine kinase spécifique du testicule - TSSK6 [136]. Le domaine extracellulaire est formé du segment Izumo suivi d’un unique domaine Immunoglobuline stabilisé par un seul pont disulfure. Cette liaison spécifique a fait penser un temps à un état intermédiaire, où le clivage de ce lien rendrait possible la fusion avec la cellule hôte grâce au changement de conformation, qui en résulterait. La protéine existe sous quatre états homotypiques différents notés simplement Izumo1, 2, 3 et 4 [44].

La génération de souris Izumo1 « KO » n’affecte que les mâles. Ce sont les seuls à être stériles in-vivo malgré un comportement sexuel « normal ». De plus au microscope, les spermatozoïdes passent tous les critères de sélection. La mobilité est bonne, la morpho- logie est normale et la réaction acrosomique a bien lieu. Néanmoins in-vitro, les résultats sont identiques, aucune fécondation n’a lieu. Les gamètes vont s’accumuler dans l’espace périvitellin, adhérer à la membrane de l’ovule sans jamais fusionner.

Izumo1 est également capable de former des complexes en s’oligomérisant avec lui-même. La dimérisation a lieu par la partie N-terminal sans impliquer le motif Immunoglobu- line (Figure 2.1). Puis les tétramères, quant à eux, se forment en C-terminal via leurs queues cytosoliques[44]. Cette association d’Izumo1 un peu particulière suggère une po- tentielle coopération de la molécule avec elle-même afin de renforcer le lien d’adhésion entre le spermatozoïde et l’ovule, même si la dimérisation en C-terminal ne semble pas indispensable pour la fusion [165]. Izumo1 subit aussi toute une série de modifications post-traductionnelles. Par exemple, elle possède un site unique de glycosylation extracel- lulaire. Cette petite transformation pourrait ainsi protéger Izumo1 d’une dégradation prématurée au cours de la maturation des gamètes dans l’épididyme [69].

Son repliement structurel, son oligomérisation et le défaut de fécondation chez les ani- maux « KO » ont laissé croire un temps qu’Izumo1 serait la clé de l’interaction gamé- tique. Pourtant malgré son rôle essentiel, l’ovule s’est révélé incapable de fusionner avec des cellules transfectées exprimant Izumo1 sur leurs membranes plasmiques. L’adhésion puissante induite par la protéine est sans aucun doute indispensable, mais pas suffisante [24].

9. Izumo est une province du Japon, berceau de la religion Shinto où se trouve l’un des plus anciens et importants sanctuaires : Izumo-taisha. Ce temple est dédié au kami Okuninushi-no-mikoto investigateur du En-musubi - les liens qui rassemblent - comme l’amour, l’amitié ou la natalité

Figure 2.1: Izumo1 est capable de former des complexes en s’oligomérisant avec lui- même. La dimérisation de la proteine a lieu par sa partie N-terminal sans impliquer le motif Immunoglobuline. Le tétramère, quant à lui, se forme en C-terminal via les

queues cytosoliques, en associant potentiellement deux dimères.

2.2.2 Les Glycosylphosphatidylinositol Anchored Proteins (GPI-AP)

Les protéines eucaryotes subissent toutes sortes de modifications. Certaines d’entre elles vont jusqu’à perdre la totalité de leur domaine transmembranaire et cytosolique. La partie soluble de la molécule est alors simplement ancrée à un lipide - Glycosylphos- phatidylinositol (GPI) - de la membrane. A l’heure actuelle, il existe plus d’une centaine de Glycosylphosphatidylinositol Anchored Proteins (GPI-AP) identifiés chez les mam- mifères. Elles servent essentiellement de récepteurs pour l’adhésion et la transduction de signaux [158]. Une façon simple de tester leurs actions est d’utiliser des enzymes hy- drolysant les lipides, qui leurs sont associés. La dégradation de ces molécules libère en conséquence la partie extracellulaire de la GPI-AP, qui une fois soluble, n’est plus en mesure de remplir sa fonction [20]. Depuis plusieurs années, l’emploi de phospholipases sur les ovules avait mis en évidence l’implication indéniable des GPI-AP dans l’interac- tion gamétique et plusieurs d’entre elles s’étaient petit à petit révélées : CD55, CD59, FOLR4 [80]. . . C’est finalement cette dernière, qui s’est avérée être le récepteur d’Izumo1 (Figure 2.2). Rebaptisée depuis Juno10 en 2014 [9], les premières études suggèrent que

l’affinité de la protéine pour son ligand est assez faible (Annexe A). Ce résultat pourrait expliquer le cas échéant la nécessité pour Izumo1 de s’oligomériser. Une fois fécondé, la GPI-AP semble rapidement éliminée de la surface de l’ovule.

Les animaux Juno « KO » sont en bonne santé et seules les femelles sont stériles malgré une réponse correcte aux traitements hormonaux. In-vitro, les spermatozoïdes s’accu- mulent dans l’espace périvitellin sans jamais fusionner avec l’ovule.

10. cette nouvelle appellation fait référence à la reine des dieux chez les romains symbolisant l’union et la fécondité en clin d’œil à l’équipe japonaise