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Modèle dynamique et structure inconnus

Dans le document La résilience des réseaux complexes (Page 54-57)

1.4 Méthodes de prédiction

1.4.3 Modèle dynamique et structure inconnus

Une partie de la complexité des systèmes complexes vient du fait qu’ils ont beaucoup de composantes. Par conséquent, nous n’avons pas toujours une bonne connaissance du réseau sous-jacent. Cela engendre que nous ne pouvons utiliser un modèle dynamique connu pour expliquer l’activité observée. Il s’agit possiblement du scénario le plus difficile à traiter, car tous les outils du paradigme des réseaux complexes semblent alors inutiles. Mais pas tout à fait. L’analyse des dynamiques non linéaires révèle qu’il existe des signes précurseurs quasi universels des catastrophes, détectables directement via la série temporelle. Ces signaux se groupent sous le paradigme des signaux précurseurs [Early-warning signals (EWS)].

Les plus connus des EWS sont le critial slowing down (CSD). Bien que nous présenterons seulement les CSD, il faut noter qu’il existe bien d’autres mesures [99]. La raison pour la- quelle nous nous limitons à présenter les CSD est qu’ils sont les plus utilisés, mais aussi qu’ils s’appliquent aux dynamiques que nous considérons.

Ralentissement critique (Critical Slowing Down)

Le ralentissement critique, mieux connu sous le terme Critical Slowing Down (CSD), est le phénomène qui précède les bifurcations de type noeud-selle. Lorsque le système est structu- rellement perturbé et se dirige vers une transition critique, la réactivité de l’activité diminue d’où le concept de ralentissement critique [40, 41, 99]. Il est indicateur que le système est à l’aube d’une transition et qu’une faible perturbation structurelle est en mesure de changer drastiquement l’état du système.

En pratique, le ralentissement se détecte par l’observation de deux phénomènes : 1. augmentation de l’autocorrélation ;

2. augmentation de la variance.

On observe ces phénomènes en mesurant l’autocorrélation et la variance sur des fenêtres mo- biles pour une série temporelle d’activité. L’autocorrélation indique si le temps précédent est un bon prédicteur, via une transformation linéaire, du prochain temps. Naturellement, si le système ralentit, alors les effets non linéaires originaux deviennent négligeables. Similairement, la variance augmente, car les perturbations s’accumulent sans récupération.

Le CSD repose aussi sur de solides fondements théoriques [173]. On considère l’équation dy- namique

˙

x(t) = f (x, θ), (1.82)

où θ est un paramètre structurel. Le point fixe x∗ solutionne l’équation

f (x∗, θ) = 0. (1.83)

La stabilité locale du point fixe x∗ dépend de la pente λ = ∂f (x, θ) ∂x x=x∗ . (1.84)

Si λ < 0, alors x∗ est stable.

Pour qu’il y ait une transition critique de l’activité, il doit exister une certaine bifurcation à un paramètre θc critique et plusieurs solutions stables. Au minimum, on suppose 2 solutions x−, x+ stables et une instable x− < xc < x+. Nous sommes donc dans un contexte de bi- furcation noeud-selle. La bifurcation survient lorsque θ = θc et est telle que x− = xc. Par continuité, on en conclut que λ = 0 à θc.

Sachant que le retour à l’équilibre après une perturbation x0 = x+décroît exponentiellement,

(t) = ceλt, (1.85)

Pour comprendre pourquoi l’autocorrélation augmente, on considère le modèle régressif à un temps,

xn+1− x∗=eλδt(xn− x∗) + σn (1.86) où σnest un bruit blanc. Le coefficient d’autocorrélation est α = eλδt. L’espérance du modèle sur une série temporelle est

E[xn+1− x∗] = αE[xn− x∗] + E[σn]. (1.87) Pour un bruit blanc, E[σn]→ 0 et donc l’autocorrélation α → 1 est maximale. Également, la variance du modèle tend vers l’infini :

Var(yn+1) = E[(xn+1− x∗)2]− E[(xn− x∗)]2 = σ2

1− α2 → ∞. (1.88) La présence de CSD n’est pas universelle et se trouve à être fortement limitée aux bifurcations noeud-selle. La revue de Ref. [24] présente bien l’état des choses et mentionne une quantité de bifurcations qui n’admettent pas de CSD. On retrouve maintenant plusieurs études rapportant l’absence de CSD malgré la présence de catastrophes [22,81, 82]. Par exemple, Wilkat et al. indiquent avoir été incapables de montrer l’existence de CSD avant les crises d’épilepsie, en analysant 105 séries temporelles d’activité neuronale pour 28 patients souffrant d’épilepsie [170].

D’un autre côté, les systèmes réversibles multidimensionnels peuvent présenter des signes de CSD malgré l’absence de catastrophes. Un exemple parlant est sans doute la bifurcation Hopf sous-critique (transition d’un point fixe stable à un cycle limite pour les systèmes à au moins deux dimensions). Près de la transition, le système a une valeur propre dominante nulle et ralentit. Par contre, la transition n’est pas catastrophique au sens où la valeur moyenne est continue et il n’y a pas d’hystérésis. Mentionnons également les bifurcations transcritiques où la solution stable non négative change graduellement. Malgré l’absence de catastrophes, les CSD sont bel et bien observées [89].

Dans le contexte multidimensionnel des systèmes complexes, il est possible que les bifurcations soient locales, e.g., extinction de certaines espèces, et donc que l’activité de la plupart des noeuds dans le réseau ne soit pas ralentie [40]. C’est le cas pour les réseaux modulaires où une communauté peut être perturbée sans que l’autre n’en soit affectée. Les CSD peuvent donc donner une mesure difficile à interpréter si seulement une fraction des noeuds sont ralentis. Par ailleurs, il est commun de mesurer la présence de CSD sur une observable agrégée comme l’activité moyenne du réseau. En procédant ainsi, on peut perdre les catastrophes locales ou simplement perdre la signature des CSD due au moyennage.

Un aspect important du CSD est que le système doit s’approcher de la transition critique pour être détectée. Lorsqu’on détecte les CSD, le système est déjà près de la transition. S’il fallait intervenir, la fenêtre temporelle peut être très petite. Les CSD ne sont donc pas une

solution pour suivre l’état global du système, mais peuvent seulement agir comme une alarme à l’approche d’une transition imminente. Sous cette optique, nous développerons au Chapitre

4 un outil, dans le contexte de dynamique inconnue, pour détecter les anomalies dynamiques bien avant d’approcher la transition de phase. Plus encore, nous identifierons la perturbation structurelle défaillante.

En conclusion à cette section, le CSD n’est pas universel. Comme toute technique de prédic- tion, leur présence/absence n’est pas une certitude de la présence/absence d’une catastrophe imminente. Il faut donc agir avec prudence et tenter du mieux possible à se fier à d’autres techniques.

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